Du bon sens et une bonne connaissance de la maladie, un bon examen clinique, un choix judicieux et parcimonieux des examens complémentaires, une bonne communication avec la patiente, une bonne pratique de la pharmacopée hormonale et de la chirurgie à bon, voilà la substantifique moelle de ces recommandations 2017 de l’HAS et du CNGOF.
Introduction
L’HAS et le CNGOF ont publié fin 2017 des recommandations de bonne pratique concernant l’endométriose. Cette maladie, enfin reconnue pour sa fréquence et pour son caractère invalidant, doit faire l’objet d’une prise en charge diagnostique et thérapeutique la plus homogène possible à partir des données de la littérature les plus récentes. Comme toujours, les niveaux de preuve et les grades de recommandations sont formulés en fonction de la puissance des séries publiées. Ils sont résumés dans la Figure 1.
La Figure 2 montre la hiérarchie des examens complémentaires et la Figure 3 la stratégie diagnostique.
La totalité du texte est consultable à l’adresse suivante (www.has-sante.fr/portail/jcms/c_2819733/…/prise-en-charge-de-lendometriose). J’ai pris le parti d’avoir une vue analytique et synthétique sur la globalité de ces recommandations. En fait, il n’en ressort rien de révolutionnaire ni de bien surprenant. Du bon sens et une bonne connaissance de la maladie, un bon examen clinique et un choix judicieux et parcimonieux des examens complémentaires, une bonne communication avec la patiente et avec les spécialistes qui s’articulent autour de l’endométriose, une bonne pratique de la pharmacopée hormonale et de la chirurgie à bon escient pratiquée par des opérateurs de niveau technique adapté au stade de la maladie, voilà la substantifique moelle de ces recommandations.
Ce qui tient du bon sens …
Il est évident qu’il ne faut traiter que les endométrioses symptomatiques (douleur, infertilité, dysfonction d’organe) et qu’il n’y a pas lieu de « dépister » la maladie, même dans des populations supposées à risque (Accord d’experts). Il n’y a pas lieu de donner un traitement hormonal aux patientes porteuses d’endométriose asymptomatique (Grade C).
Il est recommandé de prendre en compte les contre-indications, les effets indésirables potentiels, les traitements antérieurs et l’avis de la patiente pour guider le choix du traitement et de suivre les règles de bonne pratique concernant l’usage des Contraceptions Oestro-Progestatives (HAS 2013). (Accord d’experts). Chez l’adolescente ayant une endométriose douloureuse, la contraception oestroprogestative ou microprogestative est recommandée en première intention (Accord d’experts). La prescription d’agonistes de la GnRH ne l’est pas chez l’adolescente (Grade B).
La prescription d’AINS au long cours n’est pas recommandée en raison des effets secondaires importants gastriques et rénaux (Grade B).
Le choix entre traitement médical et chirurgical est guidé par les attentes de la femme, le souhait de grossesse, l’efficacité et les effets indésirables des traitements, l’intensité et la caractérisation de la douleur, et la sévérité et la localisation de l’endométriose.
La voie d’abord coelioscopique est recommandée pour le traitement chirurgical de l’endométriose (Grade B). La description exhaustive et précise de la cavité abdomino-pelvienne est recommandée avec utilisation des classifications lésionnelles (Accord d’experts). Lorsque la coelioscopie diagnostique correctement réalisée ne met pas en évidence de lésions visibles, elle permet d’éliminer l’endométriose (Accord d’experts).
Vive la clinique
Il est recommandé d’évaluer la douleur avec une échelle (Grade A), de rechercher les symptômes évocateurs et localisateurs de l’endométriose tels une douleur à la défécation pendant les règles, des signes urinaires cycliques, une dyspareunie profonde intense, ou une infertilité (Grade B) et de faire un examen gynécologique incluant l’examen du cul-de-sac vaginal postérieur (Grade C). L’examen et l’échographie pelvienne sont les examens de première intention (Figure 2).
Pas de surmédicalisation
Il n’est pas recommandé de proposer une stratégie de dépistage du cancer de l’ovaire chez les patientes souffrant d’une endométriose (Grade B), ni de proposer une coloscopie en cas de suspicion d’endométriose recto-sigmoïdienne (Grade C) ni d’instaurer une surveillance systématique par imagerie des patientes traitées pour endométriose (Grade C).
Prise en charge multidisciplinaire
Une concertation et/ou prise en charge médicochirurgicale et pluridisciplinaire (gynécologues, urologues, chirurgiens, algologues, sexologues, psychologues et assistantes sociales) est recommandée en cas de douleurs chroniques, en cas d’échec du traitement initial, de récidive, ou d’atteintes de plusieurs organes par l’endométriose, en cas d’endométriose urétérale, vésicale ou digestive (Accord d’experts).
L’imagerie
Les examens de deuxième intention (échographie endovaginale, IRM pelvienne) sont recommandés pour évaluer l’extension de l’endométriose, prévoir la prise en charge spécialisée ou s’il existe une discordance entre les symptômes et les examens de première intention (Figure 3). Dans l’endométriose pelvienne profonde, l’IRM pelvienne et/ou l’échographie pelvienne de deuxième intention réalisées par un médecin référent sont recommandées afin de confirmer le diagnostic (Grade B) et de prédire la nécessité d’éventuels gestes urinaires ou digestifs (Grade C).L’IRM doit être réalisée selon un protocole précis : séquences multi-planaires en T2 et T1 avec et sans saturation de graisse, injection de gadolinium, opacification du vagin ou du rectum, acquisition à vessie semi-pleine, compte rendu détaillé.
Les examens de troisième intention sont recommandés lorsque les examens d’imagerie de deuxième intention ne permettent pas de conclure sur l’envahissement du colon : écho endoscopie rectale pour les localisations recto-sigmoïdiennes, colo-scanner pour les localisations coliques plus en amont (Grade C).
Selon les organes atteints
Pour explorer une endométriose recto-sigmoïdienne, l’échographie endorectale et endovaginale, en des mains expertes, sont également recommandées pour évaluer une atteinte rectale, plus performants que l’IRM et à faire avant toute intervention qui puisse impliquer une résection digestive.
Pour explorer une endométriose urinaire, une dilatation urétéro pyélocalicielle, fréquente dans les endométrioses urinaires (50%) et profondes (5%), doit être recherchée (Grade C).
Information de la patiente +++
Il faut informer les patients et leur conjoint sur la maladie (formulaires validés), sur les alternatives thérapeutiques, les bénéfices et les risques attendus de chacun des traitements, le risque de récidive, la fertilité et prendre en compte les attentes et les préférences de la patiente. Avant la chirurgie, des informations supplémentaires seront apportées sur son déroulement, son objectif, les inconvénients et les bénéfices escomptés, ses possibles complications, ses cicatrices, ses suites ainsi que le déroulement de la convalescence (Grade C).
Tout sur les hormones
Les traitements hormonaux recommandés en première intention dans la prise en charge de l’endométriose douloureuse, sont la contraception par oestroprogestatifs (COP) quelle que soit la voie (NP3) ou le dosage (NP1) et le SIU au LNG à 52 mg (Grade B).
Les traitements hormonaux recommandés en deuxième intention dans la prise en charge de l’endométriose douloureuse sont la contraception microprogestative orale au désogestrel, l’implant à l’étonogestrel, les GnRHa en association à une add-back thérapie et le diénogest (Grade C).
Le diénogest bénéficie de l’AMM dans l’indication endométriose mais n’est pas remboursé en France. Il n’y a pas de différence d’efficacité sur les scores de douleurs et la qualité de vie entre le diénogest (Visanne 2mg) et les GnRHa (NP1).
Traitements hormonaux avant chirurgie de l’endométriose
Avant chirurgie, il n’y a pas de preuve permettant de recommander systématiquement un traitement hormonal préopératoire dans le seul but de prévenir le risque de complication chirurgicale, de faciliter la chirurgie, ou de diminuer le risque de récidive de l’endométriose (Accord d’experts). Néanmoins, la COP permet de réduire le volume des endométriomes d’environ 50 % à 6 mois (NP2) et la COP cyclique, l’anneau vaginal oestroprogestatif, la contraception au désogestrel, l’acétate de noréthistérone et les GnRHa permettent de réduire de 17 à 21 % le volume des lésions d’endométriose profonde à 12 mois (NP3).
Traitements hormonaux après chirurgie de l’endométriose
En l’absence de souhait de grossesse, il est recommandé de prescrire un traitement hormonal postopératoire afin de réduire le risque de récidive douloureuse de l’endométriose et d’améliorer la qualité de vie des patientes (Grade B) et de la poursuivre tant que la tolérance du traitement est bonne et qu’il n’y a pas de désir de grossesse (Grade C).
La COP en prise cyclique diminue de 40 à 69 % le risque de récidive des dysménorrhées et la récidive des endométriomes après la chirurgie (NP1) à condition de ne pas interrompre le traitement. Il est recommandé de privilégier une administration continue en cas de dysménorrhée (Grade B).
Pour les progestatifs, le SIU au LNG à 52 mg diminue le risque de récidive douloureuse et améliore la qualité de vie des patientes en postopératoire (NP2) avec un effet similaire aux GnRHa (NP1). La contraception au désogestrel n’est pas moins efficace qu’une COP (NP3).
Les agonistes sont à utiliser avec add back therapie (NP1) qui ne réduit pas l’efficacité des agonistes de la GnRHa pour la prise en charge des douleurs liées à l’endométriose (NP2). Les agonistes de la GnRH (GnRHa) sont inefficaces sur la récidive douloureuse en traitement court de 3 mois en postopératoire (NP2) et non recommandés pour l’endométriome.
Ce qui peut surprendre
Pas grand-chose. Peut-être le fait que le schéma continu ne semble pas plus efficace que le schéma discontinu pour la prise en charge des douleurs non cycliques et des dyspareunies (NP2) et que la littérature est insuffisante pour préciser le bénéfice d’une administration continue versus cyclique chez les patientes non infertiles ayant une endométriose douloureuse, en dehors du contexte de chirurgie et de la dysménorrhée intense. Les schémas continus et discontinus de COP sont associés à un taux de satisfaction similaire des patientes avec près de trois fois plus d’arrêts de traitement et plus d’effets indésirables chez les patientes ayant un schéma continu (NP2).
Les nouveaux traitements
Pas d’intérêt prouvé et donc pas de recommandation des anti-aromatases, de l’Elagolix (antagoniste de la GnRH) ou des anti-TNF (infliximab). Le raloxifène (SERM) pendant 6 mois après chirurgie d’exérèse complète d’endométriose est associé à une recrudescence des symptômes douloureux plus rapide et plus fréquente qu’avec un placebo (NP2) et n’est donc pas recommandé.
Les antalgiques : la gabapentine et l’amitryptiline ont un intérêt dans le traitement de douleurs pelviennes chroniques (NP2/3), mais n’ont pas été évaluées spécifiquement dans l’endométriose douloureuse.
Médecine parallèle ?
Aucune donnée n’est disponible sur l’efficacité des différents régimes alimentaires ou des suppléments vitaminiques. Les plantes médicinales et l’aromathérapie n’ont pas été étudiées dans l’endométriose douloureuse.
L’acupuncture, l’ostéopathie et le yoga ont montré une amélioration de la qualité de vie chez des patientes ayant des douleurs liées à l’endométriose (NP4). La neurostimulation transcutanée (TENS) a montré son intérêt dans les dysménorrhées primaires (NP2).
Un peu de chirurgie
- La coelioscopie n’est pas recommandée dans le seul but de confirmer le diagnostic en cas de lésions symptomatiques visualisées par l’imagerie (Grade B). Elle est indiquée si les examens préopératoires n’en ont pas fait la preuve (Grade C). Elle doit s’insérer dans une stratégie de prise en charge des douleurs ou de l’infertilité. La réalisation de biopsies dirigées (avec examen anatomopathologique) en cas de lésions typiques ou atypiques lors d’une coelioscopie diagnostique est recommandée pour confirmer le diagnostic d’endométriose (Grade B) mais les biopsies sur péritoine sain ne sont pas recommandées (Grade C).
- Devant un endométriome, la kystectomie intrapéritonéale coelioscopique est la technique recommandée (Grade A), la recherche et le traitement d’autres localisations pelviennes de l’endométriose sont recommandés (Grade C). L’attitude expectative ou la ponction écho-guidée simple ne sont pas recommandées en première intention chez les femmes douloureuses (Grade C) mais la sclérothérapie à l’éthanol peut être proposée chez les patientes présentant des endométriomes récidivants (Accord d’experts).
- Devant une endométriose profonde infiltrant la vessie, la cystectomie partielle peut être proposée chez les patientes symptomatiques (Grade C) et la résection par voie trans-urétrale n’est pas recommandée (Grade C).
- Devant une endométriose profonde infiltrant le colon et le rectum, la voie d’abord coelioscopique est recommandée. La réalisation d’une technique chirurgicale conservatrice (shaving ou résection discoïde) pourrait diminuer le risque de complications postopératoires et améliorer les scores de qualité de vie gastro-intestinale par rapport à la résection segmentaire, au prix d’un risque de récidive probablement supérieur (NP3).
En cas de chirurgie de l’endométriose du bas rectum, la réalisation d’une dérivation digestive temporaire doit être discutée, et la patiente doit recevoir une information et une éducation préopératoire adaptée (Accord d’experts). Lorsque le traitement chirurgical est décidé, il est recommandé de faire une résection des lésions pelviennes d’endométriose aussi complète que possible (Grade C). Il n’est pas recommandé d’utiliser des barrières anti-adhérentielles autour de l’anastomose.
- L’hystérectomie avec résection des lésions d’endométriose, avec ou sans annexectomie bilatérale peut être proposée chez les femmes sans souhait de grossesse, dans le but de réduire le risque de récidive et la conservation ovarienne doit être discutée avec la patiente en cas d’hystérectomie pour endométriose profonde (Accord d’experts). Le THM peut être proposé chez les femmes ménopausées opérées d’une endométriose (Grade C).
Et les infertiles ?
Il n’est pas recommandé de prescrire un traitement hormonal anti-gonadotrope chez une patiente endométriosique infertile afin d’augmenter les chances de grossesse hors FIV, y compris en postopératoire (Grade A).
L’endométriose n’est pas une indication pour privilégier l’ICSI par rapport à la FIV classique en première intention (Accord d’experts).
Dans un contexte d’endométriose, dans le cadre de la prise en charge en FIV, il est recommandé de mettre en place un pré-traitement avant stimulation par agonistes de la GnRH (grade B) ou par contraception oestroprogestative (Grade C).
En cas d’endométriome pouvant gêner la ponction ovocytaire, celui-ci peut être drainé par voie vaginale écho-guidée avec ou sans alcoolisation mais il n’y a pas lieu de faire une aspiration transvaginale systématique sous contrôle échographique des endométriomes avant FIV afin d’augmenter les taux de grossesse (Grade C).
Il n’est pas recommandé de réaliser un traitement chirurgical préalable de l’endométriose profonde dans le seul but d’améliorer les résultats en FIV (Grade C) mais en cas d’échec d’une ou plusieurs tentatives de FIV, une concertation médicochirurgicale est recommandée pour discuter d’une chirurgie (Accord d’experts).
Les possibilités de préservation de la fertilité doivent être discutées avec la patiente en cas de chirurgie pour endométriome ovarien (Accord d’experts).
Peter Von Theobald
Saint-Denis de la Réunion
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts pour cet article
9 commentaires