L’année 2013 a été marquée en France par une intense polémique sur les pilules.
Pourtant, et du point de vue purement scientifique, aucune nouvelle ne justifiait cette polémique : les risques thrombotiques sous pilules étaient connus depuis 1995 (1, 2, 3) et les derniers articles de Lidegaard et al. ne sont venus que corroborer ces faits (4). La récente analyse au niveau européen faite par le PRAC (Pharmacovigilance Risk Assesment Committee) est d’ailleurs allée dans ce sens et a confirmé que si il existait des différences mineures en terme de risque de thromboembolie veineuse (TEV) selon le type de progestatif utilisé dans les contraceptifs estroprogestatifs, le rapport bénéfice–risque des pilules restait positif.
Toutefois, cette polémique, du fait de son emballement médiatique, a immédiatement généré : chez les utilisatrices un affolement, un recours vers leurs médecins ou leurs pharmaciens, une confusion entre les générations de pilules voire un renforcement de leurs pouvoirs décisionnels ; chez les prescripteurs, diverses réactions, allant d’un respect des recommandations à une certaine méfiance vis-a-vis de l’industrie pharmaceutique et/ou des autorités. Mais ces réactions immédiates des utilisatrices et des médecins se sont-elles inscrites dans le temps et ont-elles changé les comportements de ces différents acteurs ? Et si oui, en quoi ?
Objectif
L’objectif de l’enquête Flash time a été d’évaluer à distance de la polémique son impact sur deux acteurs principaux, les médecins et les utilisatrices, afin de déterminer s’il existait – chez le médecin : des changements dans la prescription des pilules en général ; des nouveaux critères de choix dans la prescription d’une méthode de contraception ; une nouvelle perception des pilules contraceptives – chez l’utilisatrice : des changements dans le comportement ; des nouveaux critères de choix dans la sélection d’une méthode de contraception ; une nouvelle perception de l’image des pilules contraceptives.
Nous présentons ici les principaux résultats
Méthodologie
Cette enquête a été menée par la société FMR Global Health via un questionnaire on line (sur une période comprise entre le 15 juillet et le 15 septembre 2013).
Le questionnaire a été construit suite à un pilotage réalisé en entretiens individuels de 45 minutes auprès de 9 répondants (3 gynécologues, 3 médecins généralistes et 3 patientes).
La taille de l’échantillon pour la population ciblée de cette enquête a été de 473 médecins et de 2000 femmes.
Résultats
473 Médecins (219 Médecins Généralistes – MG et 254 Gynécologues – Gyn) qui initient la prescription de méthodes contraceptives pour leurs patientes et 2 000 femmes (avec 1846 utilisatrices de méthodes contraceptives et 154 ayant l’intention d’utiliser une méthode de contraception d’ici un mois), stratifiées en 7 classes d’âge – n = 300 pour chacune des strates sauf pour la dernière ou n = 200 (moins de 20 ans, 20 à 24 ans, 25 à 29 ans, 30 à 34 ans, 35 à 39 ans, 40 à 44 ans, plus de 45 ans – ont participé à cette enquête.
Pour les médecins interrogés, selon leur spécialité (MG ou GYN), la répartition des prescriptions d’initiation de contraception en fonction de leur typologie pour un mois de consultation standard est représentée figure 1.
Figure 1: la répartition des prescriptions d’initiation de contraception par Médecin
Pour les femmes interrogées, les 3 moyens contraceptifs utilisés (ou en intention de l’être) sont la pilule contraceptive (68%), le DIU (21%) et l’implant contraceptif (6%).
Parmi les utilisatrices de la pilule, 30% relatent ne pas savoir la génération de pilule qu’elles prennent.
Pour les autres, la répartition en génération est la suivante : 1g : 14%, 2g : 31%, 3g : 20% et 4g : 5%.
Quel est l’impact de cette polémique ?
La polémique sur la pilule de ce début d’année a eu un impact sur 57% des utilisatrices, les autres (43%) n’ayant rien fait de particulier.
Pour celles qui ont changé, les modifications sont résumées dans la figure 2.
Figure 2 : typologie des changements chez les femmes
Pour les médecins, cet impact est résumé dans la figure 3.
Figure 3 : typologie des changements chez les Médecins
Quelle image de la pilule après la polémique?
Cette image est représentée dans les figures 4 et 5 respectivement pour les médecins et les femmes.
Figure 4: image de la pilule après la crise: le point de vue des médecins
Figure 5: image de la pilule après la crise: le point de vue des femmes
Conclusion
Il y a des crises dont les effets à plus ou moins long terme restent positifs car elles permettent de faire avancer la connaissance. C’est typiquement, pour rester dans le domaine de la gynécologie, ce qu’il faudra retenir de la WHI : sans elle, les avancées dans les compréhensions sur «THM-maladies cardio vasculaires» et «THM-cancer du sein » n’auraient pas connu cet effet booster.
Celle que nous traversons sur la pilule et la contraception par effet ricochet est différente : pas ou peu de bases scientifiques nouvelles, polémique plus médiatique que scientifique et géolocalisée à la France, derniers avis du PRAC (Pharmacovigilance Risk Assessment Committee) et du CHMP (Committee for Medicinal Products for Human Use) tout à fait rassurant et en adéquation avec ce que pensait la communauté médicale.
L’enquête Flash time nous révèle que cette polémique a eu un impact peu important sur le comportement des médecins et des femmes et que s’il y a un nouveau paradigme de la contraception en France il demeure mineur.
Dr Thierry Barbot
RÉFÉRENCES
1. Bloemenkamp KWG en M, Rosendaal FR, Helmerhorst FM, Büller HR, Vandenbroucke J.-P. Lancet 1995 ; 346 : 1 593-6.
2. Jick H, Jick SS, Gurewich V, MyersMW, Vasilakis C. Lancet 1995; 346 : 1 589-93.
3 . World Health Organization Collaborative Study on Cardiovascular Disease and Steroid Hormone Contraception. Lancet 1995 ; 346 : 1 582-8.
4. Ojvind Lidegaard, Lars Hougaard Nielsen, Charlotte Wessel Skovlund Ellen Løkkegaard BMJ 2012;344:e2990
5. HAS – Bon usage du médicament Contraceptifs oraux estroprogestatifs : préférez les «pilules» de 1 ou 2 génération NOVEMBRE 2012
6. Ansm – Evolution de l’utilisation en France des Contraceptifs Oraux Combinés (COC) et autres contraceptifs de décembre 2012 à août 2013 Dossier thématique. Septembre 2013.
Article paru dans le Genesis N°178 (avril 2014)
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