Le «fardeau» mondial du cancer de l’utérus est en pleine progression et ce, quels que soient les continents. L’OMS estime ainsi à 500 000 par an le nombre de nouveaux cas de cancer du col, engendrant ainsi 270 000 décès par an sur notre planète. Il s’agit de la deuxième cause de décès par cancer chez la femme, qui plus est, jeune. Nous disposons depuis peu d’une arme particulièrement efficace contre cette maladie, à savoir la prévention primaire par vaccination. Mais cette vaccination HPV marque le pas en France, c’est le moins que l’on puisse dire.
■ Dépistage de l’infection HPV par frottis du col
Constatons que :
– Une française sur deux ne fait jamais de frottis et les 6 millions de femmes qui en font les font trop souvent
– Le test HPV, bien que plus performant qu’un frottis, n’est remboursé que lors d’un frottis AS-CUS.
■ La prévention primaire
Elle permet d’empêcher la lésion créée par le virus HPV de se développer grâce à l’acquisition d’anticorps performants. Nous avons à disposition aujourd’hui 2 vaccins en France, l’un bivalent, conférant des anticorps anti HPV 16 et 18, l’autre quadrivalent, protégeant contre les HPV 6, 11, 16 et 18. Nous attendons, en 2017, un vaccin nonavalent protégeant contre les 6, 11, 16, 18, 31, 33, 45, 52 et 58. Dans la mesure où les HPV 16 et 18 sont retrouvés responsables dans 70 à 75 % des lésions conduisant au cancer du col, les vaccins actuels bivalents et quadrivalents induisent donc une immunité protectrice de l’ordre de 70 % contre le cancer du col et les lésions CIN. Le vaccin nonavalent pourra prétendre à une protection atteignant probablement 90 %.
■ Leur efficacité ne peut plus être mise en doute
On entend encore trop souvent que la preuve de l’efficacité contre le cancer du col n’a pas été établie. C’est oublier que la genèse d’un cancer du col s’étale sur de nombreuses années après le début de la sexualité, puisqu’il faut attendre la décade 40-50 ans pour le voir apparaître. On comprend ainsi que les vaccins, mis sur le marché il y a maintenant une dizaine d’années, n’aient pas encore fourni cette démonstration. Il n’en reste pas moins que leur efficacité sur les CIN 1, 2, 3 at adéno-carcinomes in situ, étapes lésionnelles précédant le cancer du col, est d’ores et déjà largement
démontrée, comme en témoigne l’abondante bibliographie à ce sujet. Et il faut lire l’excellent article de Clinical Infections Diseases (K GARLAND S. et al. CID 2016) : il fait le point sur l’efficacité de la vaccination quadrivalente dans le monde après 10 ans de mise à disposition. Il s’agit de 58 études menées dans 9 pays, dont la France. On y constate des réductions
maximales d’environ :
– 90 % pour les infections à HPV 6, 11, 16, 18,
– 90 % pour les verrues génitales
– 45 % pour les anomalies cytologiques cervicales de bas grade
– 85 % pour les anomalies cytologiques cervicales de haut grade.
■ Les français ne croient ni à l’efficacité ni à l’innocuité de ces vaccins
L’enquête d’Heidi J. LARSON place la France en 66e position parmi 67 pays en ce qui concerne la confiance en la sécurité des vaccins et lorsque l’on demande aux français s’il est « important de vacciner les enfants », ils sont parmi les plus nombreux à ne pas adhérer à cette idée. De même en ce qui concerne la sécurité des vaccins, voire même en ce qui concerne leur efficacité même. Plus l’accès à la vaccination est facile, plus le niveau de scolarité est élevé et plus les individus sont opposés à la vaccination.
Et c’est ainsi que dans cette enquête portant sur 65 819 individus (67 pays), les deux pays les plus défavorables au concept de la vaccination sont la France (46 % défavorables) et… la Bosnie Herzégovine (36 %) alors que la moyenne des opposants à la vaccination est de 13 % ailleurs.
■ Quid des dangers supposés de ces vaccinations ?
– C’est l’hypothèse de l’augmentation de l’incidence des maladies auto-immunes qui est le plus souvent mis en exergue chez les opposants à la vaccination HPV (le même argument qu’il y a quelques années pour la vaccination contre l’hépatite B). Je citerai ici, pour convaincre, un article majeur qui est paru dans le JAMA en 2015 (Jan, 6 ;
313 (1) : 54-61). Cette étude nordique s’était donnée pour mission de surveiller de façon active le risque de sclérose en plaque chez les femmes vaccinées contre HPV. La cohorte comprenait près de 4 millions de filles et femmes âgées de 10 à 44 ans (identifiées au Danemark et en Suède et suivies entre 2006 et 2013) : 3 689 285 femmes non vaccinées ont été comparées, pour l’incidence de la sclérose en plaque, à 788 986 femmes vaccinées. La comparaison du risque de sclérose en plaque, entre les deux populations, montre qu’il est le même dans les deux groupes (RR = 0,9) et la conclusion des auteurs est : « ces résultats ne vont pas dans le sens d’un lien de causalité entre la vaccination HPV quadrivalente et les maladies démyélinisantes».
– Je citerais aussi l’étude SNIIRAM avec sa cohorte la plus nombreuse jamais étudiée : 2,2 millions de jeunes filles françaises, âgées de 13 à 16 ans, suivies de 2008 à fin 2013. Il s’agit surtout d’une étude totalement indépendante : elle fut menée conjointement par l’ANSM et la CNAMTS. 842 120 jeunes filles vaccinées (37 %) ont été comparées à 1 410 596 jeunes filles non vaccinées (63 %). Le résultat : il n’y a pas d’association entre la vaccination HPV et le risque de survenue globale de maladies auto immunes (HR = 1,07). A noter dans cette étude, un risque très limité de l’ordre de 1 à 2 cas supplémentaires de syndrome de Guillain-Barré pour 100 000 jeunes filles vaccinées. Rappelons ici que c’est une maladie d’évolution bénigne chez les jeunes et qu’il s’agit là aussi de la première étude disponible dans la littérature mettant en évidence un surrisque concernant le syndrome de Guillain-Barré avec cette vaccination : ceci doit donc être interprété pour l’instant avec extrême prudence.
L’ANSM conclut bien sûr ici que : « ces résultats ne remettent pas en cause la balance bénéfices/risques de la vaccination HPV ».
– Enfin les données de pharmacovigilance internationales sont unanimes : l’Agence Européenne du Médicament, les Autorités Australiennes, le CDC, l’OMS sont unanimes : « les données accumulées à ce jour sur l’innocuité des vaccins HPV sont rassurantes » (Global Advisory Committee on Vaccine Safety – Février 2014).
■ La couverture vaccinale HPV française
La très faible couverture vaccinale HPV en France induit une perte de chances considérable. Elle a été calculée par Uhart M et al. (ADELF 2016) : si nous pouvions d’un coup de baguette magique passer d’une couverture (actuelle) de 17,2 % à une couverture de 70 % (taux observé dans de nombreux pays européens), nous pourrions éviter chaque année, en France :
– 1300 cancers du col de l’utérus
– 15 cancers du vagin
– 20 cancers de la vulve
– 415 cancers de l’anus et… 660 décès.
■ En conclusion
Je cite ici le Haut Conseil de Santé Publique :
– L’efficacité vaccinale sur la prévalence des infections HVP, l’incidence des condylomes et des lésions précancéreuses est maintenant démontrée
– La couverture vaccinale observée en France est très faible, pour un schéma complet et en baisse depuis 2010 : cette faible couverture ne permet pas de bénéficier de l’efficacité constatée dans les autres pays.
– Les données de pharmacovigilance internationales et nationales, avec un recul de plus de 7 ans, ne permettent pas de retenir l’existence d’un lien de causalité entre cette vaccination et les événements indésirables graves qui lui ont été attribués en France…
– Les populations n’adhérant ni au dépistage, ni à la vaccination se recouvrent en partie laissant une part significative de la population dénuée de toute prévention.
Dr. David Elia déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article.
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