Le vieillissement cutané dû à la carence hormonale se rapproche du vieillissement chronologique dû à l’âge et se manifeste par une sécheresse et un amincissement de la peau, une perte de l’éclat du teint, signes souvent associés à une alopécie de type androgénétique et une atteinte des ongles.
« La ménopause frappe la peau, la craquelle, la relâche, elle en perd surtout son onctuosité…» (F. Dagognet).
Les modifications cutanéo-muqueuses et phanériennes apparaissant au cours de la ménopause signent l’hormono-dépendance de l’organe peau et peuvent entraîner une diminution de l’estime de soi, un sentiment de perte du pouvoir de séduction, une véritable souffrance conduisant parfois à la dépression.
Les perturbations hormonales vont accentuer les signes du vieillissement cutané intrinsèque et photo-induit.
La peau devient très sèche, se flétrit, se ride, change de texture et de couleur. Nous recueillons au cours des consultations les mots pour le dire : «Docteur, ma peau est desséchée, elle tire, devient de plus en plus fine. Elle est atone ; j’ai le teint pâle ; j’ai de plus en plus de tâches ; je ne bronze plus uniformément ; mes cheveux tombent ; mes poils pubiens s’éclaircissent ; mes ongles se cassent et se fissurent ; mes muqueuses se dessèchent…».
Le vieillissement intrinsèque génétiquement programmé (horloge biologique) est étroitement lié au statut hormonal.
Le vieillissement extrinsèque dû aux facteurs environnementaux (soleil, tabac, alcool, pollution, mauvaise alimentation,
sommeil perturbé, stress) représente environ 70% du vieillissement ; il va modifier notre capital génétique et peut même être transmis à la descendance mais il est réversible ; c’est le vieillissement épigénétique que l’on définit comme étant dû aux mécanismes qui convertissent l’information génétique (génotype) en traits observables (phénotype). Ces mécanismes portent sur la méthylation de l’ADN, l’acétylation des histones (protéines associées à l’ADN) et le remodelage de la chromatine.
«L’ADN ne scelle pas aveuglément notre destin génétique»
Volonté et personnalité du sujet modulent, tout au long de sa vie, son interaction avec l’environnement.
Les signes cliniques cutanés
Les signes cliniques cutanés de la période péri ménopausique et ménopausique sont à type de dessèchement et pâleur, d’amincissement avec diminution de 6% de l’épaisseur de la peau tous les 10 ans, avec de grandes variations individuelles ; il y a une perte progressive de la tonicité et de l’élasticité ; associés à signes d’élastose solaire (peau poïkilodermique, teint jaunâtre), des troubles de la pigmentation (taches actiniques, achromiques) et des troubles vasculaires (points rubis, purpura de Bateman, microthromboses).
En périménopause, on peut avoir des signes d’hyperandrogénie relative (acné, pilosité, chute de cheveux) secondaires à la perte d’équilibre androgènes, estrogènes, progestérone.
Les signes histologiques
Dans l’épiderme : il y a diminution du nombre de toutes les couches cellulaires, un ralentissement du cycle mitotique des cellules de la basale, qui tend à s’horizontaliser, une perturbation de la cinétique cellulaire épidermique, une perte d’adhérence aux plans profonds.
Dans le derme : on retrouve une diminution de l’activité et du nombre de cellules, une diminution de la teneur globale en collagène (30% en 5 ans après la ménopause), une raréfaction et une horizontalisation des fibres de collagène, une diminution et désorganisation des fibres élastiques, une diminution du taux d’acide hyaluronique, élément essentiel de l’hydratation dermique (diminution de la teneur en eau), et un amincissement avec une dilatation des parois vasculaires.
Les effets des stéroïdes sexuels sur la peau
Les stéroïdes ont des effets trophiques sur la croissance de l’épiderme ; augmentent l’activité des fibroblastes avec synthèse du collagène et de l’acide hyaluronique dans le derme. Dans les annexes (glande sébacée et follicule pileux), œstrogènes et androgènes ont des effets antagonistes. Les effets sur les fibres élastiques ont été rapportés par différents auteurs avec une diminution de l’extensibilité et prévention du relâchement ; la viscoélasticité de la peau du visage semble être asymétrique après la ménopause (1).
Une augmentation de l’élasticité sous traitement local par l’estriol (2) est observée avec augmentation de l’épaisseur cutanée dermique, +7 à 15%, et une augmentation du taux de collagène de 6,5%.
Une étude récente (3) montre après culture de fibroblastes dermiques dans un milieu contenant des hormones et facteurs de croissance (17 beta œstrodiol, progestérone, déhydroépiandrostérone, GH, IGF1) aux concentrations sanguines de femmes ménopausées et non ménopausées, une diminution de la prolifération cellulaire, du dépôt de collagène et du rapport collagène III/I et une augmentation des métalloprotéases (MMP 1 et 3 : enzymes de dégradation), dans les conditions ménopausées.
Les cheveux et la ménopause
Il peut y avoir une chute des poils axillaires et pubiens, l’apparition d’une alopécie avec une augmentation du pourcentage de cheveux télogènes et une diminution de la vascularisation du cuir chevelu due à baisse du taux circulant de la progestérone (hyper androgénie relative).
On peut voir une aggravation de l’alopécie de type androgénétique avec ou sans antécédents de syndrome des ovaires micropolykystiques, caractérisée par une miniaturisation des follicules pileux et, notion très récente, par une dégénérescence adipeuse du muscle arrecteur (4). Cette alopécie est parfois associée à des troubles métaboliques : diabète, obésité avec un hyperinsulinisme chronique et souvent une hypothyroïdie.
Une pilosité du visage (transformation des duvets en poils terminaux) secondaire à l’hyperactivité 5 α réductasique et à la disparition de l’activité antiandrogénique (baisse de la progestérone et des estrogènes) peut apparaître.
L’alopécie frontale fibrosante (post ménopausique ou non ; on sait aujourd’hui qu’elle peut apparaitre chez les sujets jeunes et dans de très rares cas chez l’homme) (5), entité décrite en 1994 (6) qui est localisée sur la zone frontale avec débord au niveau des tempes et de la nuque, réalisant une alopécie en bandeau avec recul de la ligne d’implantation avec atteinte possible d’autres zones pileuses : sourcils, creux axillaires et région pubienne. L’histologie de l’alopécie fibrosante est caractérisée par un infiltrat lymphocytaire lichénoïde situé à la partie haute du follicule pileux.
Alopécie de type androgénétique
Alopécie frontale fibrosante
Alopécie frontale fibrosante en bandeau
On a évoqué le rôle possible des androgènes (7) mais celui-ci n’a pas été confirmé.
Les traitements font appel à la corticothérapie locale, au minoxidil en lotion à 2 à 5%, au finasteride (8) au dutastéride (9) mais aucun traitement n’a vraiment fait la preuve de son efficacité (10).
Sans traitement, l’AFF peut de stabiliser.
Dans certain cas, la chirurgie par greffe peut être une alternative (11) mais plus de 50% des greffons avaient disparu 3 ans après la greffe dans cette étude.
Les ongles et la ménopause
La croissance de l’ongle est inversement proportionnelle à celle de l’âge (12), elle baisse environ de 0,5% par an ; les ongles sont dystrophiques, cassants, secs et fissurés présentant des stries longitudinales ; l’ongle devient plicaturé, en volute, en éventail, en tuile.
Alors que les ongles des mains sont de plus en plus fragiles, les ongles des pieds deviennent épais et durs, avec une hyperkératose souvent en rapport avec le port de chaussures inadaptées, mais aussi avec des troubles trophiques et des déformations ostéoarticulaires, auxquelles peut s’ajouter une infection mycosique.
La privation des hormones sexuelles s’associe souvent à un dysfonctionnement thyroïdien.
La fréquence de l’hypothyroïdie chez les femmes de plus de 50 ans augmente sans rapport avec la ménopause mais en rapport avec l’âge ; environ 20% ont une thyroïdite auto-immune d’Hashimoto latente (13).
Les signes cutanés à type peau sèche, prurit, une alopécie diffuse, avec chute de la queue du sourcil, parfois œdème des paupières, s’ils s’accompagnent de fatigue, déprime et prise de poids, doivent faire l’objet d’une recherche biologique (THS , T3, T4, anticorps antithyroïdiens) et d’une prise en charge endocrinologique.
Les solutions thérapeutiques
L’hygiène de vie avec une alimentation équilibrée ; un bon choix des nutriments ; la pratique d’une activité sportive régulière ; l’exposition solaire modérée est autorisée, toujours avec protection adaptée ; les excès alcoolo tabagiques à proscrire ; un bon sommeil indispensable (7 h/nuit). Il faudra dans la mesure du possible limiter les stress (yoga, sophrologie, méditation, autohypnose, taï-chi) et développer son capital affectif avec optimisme et relativité : un bon profil psychologique (peau et cerveau partagent récepteurs, hormones et neuromédiateurs) est un marqueur de bonne «longévité» cutanée.
L’hygiène de peau avec ces 4 commandements : Nettoyer, Hydrater, Stimuler, Protéger.
Les cosmétiques vont limiter la perte insensible en eau et reconstituer l’équilibre de la barrière cutanée par la reconstitution des lipides clés avec un ratio : 3/1/1/1. Il s’agit du Cholestérol, Céramides, des Acides gras libres (palmitate, linoléate) (14). Ceci est possible par l’apport de substances hygroscopiques et humectantes (Natural Moisturizing factors) représentées par l’acide lactique, l’urée, l’acide pyrolidone carboxylique, le glycérol et des aquaporines (AQP3 dans la couche basale épidermique = aquaglycéroporine) dont l’expression diminue avec l’âge et le soleil (15).
L’acide hyaluronique (macromolécule de 1 à 6 Millions de Daltons) reste en surface et, par son pouvoir hygroscopique, va avoir un effet filmogène de protection et de reconstruction de la barrière cutanée et de piégeurs de radicaux libres. Les poids moléculaires intermédiaires (200 000 à 1 million de Daltons ) HAFi à 1% pénètrent dans l’épiderme et auront de nombreuses propriétés démontrées sur la prolifération kératinocytaire en application topique pendant 1 mois chez les sujets porteurs d’une atrophie cutanée post corticothérapie ou liée à l’âge (16). Les petits poids moléculaires : les plus rares (100 000 Daltons) pénètrent dans le derme et vont jouer un rôle de réparation et cicatrisation et stimuler la densité cutanée.
Deux grandes familles de molécules : les vitamines et les acides de fruits qui ont fait l’objet de nombreuses études à niveau de preuve suffisant, seront utilisées pour régulariser la texture de la peau, disperser la pigmentation et densifier le derme.
- La Vitamine A ou Rétinol et ses dérivés, dont les principaux : rétinaldéhyde, acide rétinoïque, esters rétinyliques… (17,18) ; la Vitamine C (acide ascorbique) (19,20) ; la Vitamine B3 (Niacine) Niacinamide (Nicotinamide) (21).
- Les Acides de fruits avec ses 3 générations d’hydroxyacides : les Alpha hydroxyacides AHA dont le chef de file est l’acide glycolique ; les Polyhydroxyacide PHA (gluconolactone) PHA complexe (acide lactobionique) ; les Betahydroxyacides (22). L’acide citrique, l’acide kogique, l’acide phytique, l’acide alguronique, l’arbutine, la génistéine seront utilisées spécifiquement en préparation cosmétique pour les taches pigmentées.
Les isoflavonoides, avec comme chef de file la GENISTEINE, plus adaptés au vieillissement post ménopausique en topique ont des propriétés antioxydantes, anti radicalaires puissantes, anti inflammatoires, anti tumorales ; ils stimulent la production des macromolécules et des facteurs de croissance comme le TGFbéta et IGF1, réparent la membrane basale, sont hydratants et inhibent le transfert des mélanosomes des kératinocytes vers les mélanocytes.
Le RESVERATROL est un polyphénol (structure chimique proche du diéthylstilbestrol) présent dans 72 plantes (en particulier dans la peau du raisin et dans le sarment de vigne, les mûres, les cacahouètes, framboises et pamplemousse ; il active les sirtuines, enzymes exprimées par les kératinocytes et les fibroblastes au cours de restriction calorique et de situations de stress ; ils protègent ADN et mitochondries (23). Au cours du vieillissement l’ADN se défait comme une pelote de laine qui se «desserré» ; les fils, moins biens enroulés, offrent plus de prise aux agressions ; les sirtuines «coupent» ce qui dépasse : l’ADN devient plus résistant.
Le traitement hormonal de la ménopause (THM) a fait la preuve de son efficacité sur la peau (24).
- Une grande enquête, portant sur 3875 femmes ménopausées d’âge moyen 61 ans (83% de femmes blanches / 15% de femmes noires) entre 1971 – 1974 / 1982 – 1984 – 1986 dont les paramètres étudiés étaient : rides, sécheresse et atrophie par un examen clinique standardisé, montre que l’œstrogénothérapie diminue la sécheresse chez les femmes blanches (odd ratio 0,68) et les rides (odd ratio 0,68).
- Une autre étude (25) portant sur 106 femmes ménopausées depuis au moins 5 ans (dont 35 avec THR, 43 sans THM) a montré un bénéfice statistiquement significatif sur l’hydratation et le maintien de la sécrétion sébacée, la couleur de la peau, l’amélioration du relief de la peau du front chez femmes ménopausées qui prenaient un traitement hormonal depuis au moins 5 ans (mesures effectuées par Chromamètre, Evaporimètre, Cornéomètre, Skicon, Sébumètre, Ph-mètre, Siflo).
- Une étude récente (26) montre l’intérêt du THM (oral et non oral) sur les altérations cutanéophanériennes en particulier l’atrophie et le relâchement de la peau.
Peau sèche, atrophiée, relâchée ; points rubis
Conclusion
Pour sauver sa peau «ménopausée», il convient d’adopter une conscience préventive, d’adapter une thérapeutique personnalisée et une prise en charge dermo cosmétique ciblée, de ne pas transformer le vieillissement physiologique en vieillissement pathologique et surtout de maintenir, par des conseils d’hygiène de vie, désir/motivation/action.
Anny Cohen-Letessier – Dermatologue, Paris
RÉFÉRENCES
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26. Pierard GE, Humbert P, Berardesca E, Gaspard U, Hermanns- Lê, Pierard –Franchimont C. Revisiting the cutaneous impact of oral hormone replacement therapy. Biomed Res Int 2013;971760
Article paru dans le Genesis N°185 (juin/juillet 2015)
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