La loi Buzyn, n° 2019-774 du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé a été publiée au Journal Officiel du 26 juillet.
Titres et chapitres de cette loi se présentent sous forme d’objectifs et permettre d’appréhender les orientations de la loi :
– DÉCLOISONNER LES PARCOURS DE FORMATION ET LES CARRIÈRES DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ (Titre Ier) : réformer les études en santé… (Chap. 1er), répondre aux enjeux des territoires, …
– CRÉER UN COLLECTIF DE SOINS AU SERVICE DES PATIENTS ET MIEUX STRUCTURER L’OFFRE DE SOINS DANS LES TERRITOIRES (Titre II) : promouvoir les projets territoriaux de santé, développer une offre hospitalière de proximité, ouverte sur la ville et le secteur médico-social, renforcer la gradation des soins, …
– DÉVELOPPER L’AMBITION NUMÉRIQUE EN SANTÉ (Titre III) : innover en valorisant les données cliniques, déployer pleinement la télémédecine et les télésoins, …
Sans révolution, elle s’inscrit dans la continuité des lois de santé de ce dernier quart de siècle, depuis les ordonnances Juppé de 1996, avec toutefois une évolution sensible du cadre de l’exercice médical et de l’organisation de la santé.
Depuis, des constantes demeurent : qualité des soins, évaluation, droit des patients, etc. Certes, la loi nouvelle effectue quelques pas supplémentaires sur le chemin de l’offre de soins, de la coopération et de la coordination des soins, de l’appui à la coordination des parcours complexes, de la gradation des soins, de la gouvernance médicale des groupements hospitaliers de territoire. La loi de 2019 attend beaucoup des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) pour couvrir l’ensemble du territoire au 1er juillet 2021. En lien avec la stratégie Ma santé 2022, il s’agit de créer un collectif de soins autour du patient pour assurer le parcours du patient et la continuité des soins. La création d’hôpitaux de proximité vise à répondre à ces enjeux – 500 à 600 devraient être labellisés d’ici 2022.
Le dossier médical personnel (DMP) de 2004 était devenu dossier médical partagé en 2016.
Avec la loi de 2019, l’aventure se poursuit. Le DMP n’est plus qu’un volet de la stratégie numérique de Ma santé 2022 : la loi entend désormais doter chaque usager d’un espace numérique de santé créé automatiquement, sauf opposition du patient, d’ici le 1er janvier 2022. Le patient y trouvera son DMP, des constantes de santé, des données de remboursement, des outils d’échanges sécurisés avec des professionnels de santé, etc. A noter que le DMP sera accessible par la médecine du travail, mais uniquement pour déposer des documents. Ainsi se poursuit le projet du ministère chargé de la santé visant à accélérer le virage numérique. Pour mémoire, la précédente loi de santé de 20162 avait déjà ouvert la boite de Pandore et posé les jalons de l’ouverture élargie des échanges d’informations. Le secret médical est mort, vive le secret partagé !
Cela dit, l’esprit de la loi de 2019 semble moins s’embarrasser d’un fardeau dogmatique. Le numerus clausus est tombé. Les professionnels de santé et la ville semblent mieux respectés. A titre d’exemple, les hôpitaux de proximité « apportent un appui aux professionnels de santé de ville et aux autres acteurs de l’offre de soins(…) »3. Le texte évoque aussi les honoraires, rémunérations et frais « dus » aux professionnels de santé.
La mise en place de la loi de santé de 2019 impliquera d’autres évolutions, notamment en termes de financement de la santé. Certes, la télémédecine est déjà financée par l’assurance maladie. Pour mémoire, la téléconsultation médecin-patient est facturable (code TC = 23 € + complément d’honoraires). Ainsi que la téléexpertise médecin requis-médecin requérant (TE de 5 à 20 €). En 2019, les médecins libéraux bénéficient d’une (petite) aide à l’acquisition de matériel, de 350 € en équipement vidéo et de 175 € en équipement connecté. Avec l’impulsion de la loi de 2019, la télémédecine sera davantage financée. Par ailleurs, la nouvelle loi étend le dispositif en créant le télésoin. Il s’agit d’une forme de pratique à distance entre un patient et un ou plusieurs pharmaciens ou auxiliaire médicaux. Le télésoin est aussi de nature à doper l’exercice en pratiques avancées permettant à des professionnels paramédicaux d’exercer des compétences dévolues aux médecins.
La loi poursuit ainsi l’évolution des glissements de compétences visant à libérer le temps médical. Il s’agit de tenir compte de l’évolution des populations, de la démographie médicale notamment avec la refonte des études en santé, de favoriser l’accès aux soins, de renforcer l’offre de soins de proximité. De fait, elle prend également en compte l’effet 35h.
La loi déroge aussi à l’exercice illégal de la médecine pour les assistants médicaux (4 000 assistants médicaux sont attendus en 2022). Les gynécologues médicaux sont éligibles à ce dispositif d’assistants médicaux sur l’ensemble du territoire. Les gynécologues chirurgicaux n’y sont éligibles que sur la partie du territoire la plus en tension sur le plan démographique dans les départements suivants5 : 05 ; 08 ; 09 ; 10 ; 12 ; 20A ; 32 ; 36 ; 39 ; 43 ; 48 ; 52 ; 58 ; 61 ; 70 ; 90 ; 973 ; 976 ; 17 ; 75 ; 57 ; 53 ; 27 ; 91 ; 26 ; 50. Les contrats sont aidés en contrepartie notamment d’une augmentation de la file active.Les pharmaciens pourront délivrer certains médicaments sans prescription médicale pour certaines pathologies. Les infirmiers sont autorisés à adapter les posologies de certains traitements pour une pathologie donnée. Les protocoles de coopération entre professionnels de santé permettront plus facilement des transferts d’activités, d’actes de soins ou de prévention ou une réorganisation de leurs modes d’intervention. Les protocoles nationaux ont vocation à être déployés sur l’ensemble du territoire, aux côtés de protocoles expérimentaux locaux. Ils permettent de répondre aux besoins de patients, y compris en dérogeant aux règles tarifaires classiques.
En conclusion, la loi de 2019 s’inscrit dans la continuité des politiques déjà engagées en renforçant l’évolution des métiers ainsi que l’ambition numérique. Sans remède miracle, avec des moyens limités, la loi prend néanmoins en compte certains besoins des patient(e)s, des établissements et des professionnels de santé. La vigilance doit porter sur les conditions de mise en oeuvre de la loi et sur les correctifs qui s’avéreront nécessaires.
Thierry Casagrande, Avocat, DPO
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