Les vergetures sont des lésions cutanées atrophiques favorisées par la grossesse ou l’obésité. Elles suscitent souvent des complexes esthétiques. Même si on ne peut les faire disparaître, certains traitements topiques, administrés au début peuvent les atténuer. Le laser est efficace dans les vergetures rouges ou blanches.
Les vergetures sont des lésions cutanées atrophiques blanches débutant par un stade inflammatoire de
plusieurs mois. Elles touchent jusqu’à 80 % des femmes et 40 % des hommes. Bien que ces lésions soient considérées comme banales, il ne faut pas sous-estimer leur impact sur la qualité de vie. Les exigences croissantes de la société sur l’apparence et le culte de l’individu font des vergetures un motif fréquent de mal-être donc de consultation. Si l’on ne peut pas promettre un effacement complet des lésions à nos patientes, les progrès récents en matière de traitement laser permettent d’atténuer visiblement la plupart des vergetures.
Circonstances d’apparition
Les vergetures sont d’origine multifactorielle : facteurs hormonaux, surpoids, habitudes sportives, génétique…
1) La puberté
Les vergetures se développent principalement au cours de la puberté et prédominent sur les zones d’extension épiphysaires, les seins et la région lombo-sacrée. L’âge moyen de leur apparition est de 13,8 ans chez les filles.
2) La grossesse
Selon les auteurs 50 à 70 % des femmes enceintes primipares développent des vergetures à partir du sixième mois de grossesse (photo 1). Les facteurs de risque sont (1):
- Un IMC initial supérieur à 26.
- L’âge maternel peu élevé : les adolescentes ont volontiers
des vergetures sévères alors que l’incidence des
vergetures est moindre après 30 ans. - Une prise de poids de plus de 15 kilos.
- Un poids de naissance du bébé supérieur à 3,5 kilos (2)
Ces trois derniers facteurs influencent aussi la sévérité des vergetures. Par ailleurs, il semble exister une corrélation entre l’apparition des vergetures abdominales au cours de la grossesse et le risque de dilacérations vaginales à l’accouchement (3).
3) L’obésité
Dans l’obésité, elles se disposent perpendiculairement aux lignes de tension cutanée sur l’abdomen, les seins, les fesses, les cuisses et la région inguinale. Le rôle des glucocorticoïdes dans la genèse des vergetures du patient obèse a été mis en évidence, par rapport à des individus d’obésité égale sans vergetures (4). Les vergetures du patient obèse, par leur aspect plus clair, moins atrophique et plus étroit sont différentes de celles rencontrées dans le syndrome de Cushing (multiples vergetures pourpres, profondes, larges, parfois bifides, situées essentiellement sur l’abdomen et la racine des
membres). Les vergetures surviennent aussi après applications topiques prolongées de corticoïdes fluorés de classe I dans des zones fragiles ou soumises à la macération (pli inguinal, face interne des cuisses…) et particulièrement chez l’adolescent ou l’adulte jeune (5). L’occlusion majore ce risque. Le rôle des glucocorticoïdes dans le catabolisme cellulaire et protidique est évoqué, de même que leur rôle potentiel en tant que cofacteurs enzymatiques pour l’élastase et la collagénase.
4) Certains sports
Les contractions musculaires violentes et répétées, ainsi que l’accroissement rapide de la masse musculaire (haltérophilie, musculation) peuvent induire la formation de vergetures, en particulier chez l’adolescent.
5) Autres causes plus rares
Enfin, les vergetures sont également parfois notées au cours des régimes amaigrissants sévères, dans les anorexies mentales (6), voire en cas d’états infectieux prolongés avec hypercatabolisme protidique. On retrouve enfin des vergetures dans le syndrome de Marfan, ce qui fait partie des critères mineurs du diagnostic.
Hypothèses physiopathologiques
La tension de la peau intervient de toute évidence dans la formation des vergetures. Durant la phase initiale inflammatoire (6 à 24 mois), il y a une surexpression des enzymes protéolytiques avec participation active des mastocytes et des macrophages, et libération de cykotines pro-inflammatoires. La vergeture semble également résulter d’une agression de la cellule fibroblastique avec blocage de la synthèse des collagènes I et III. Ces altérations semblent liées à une surproduction de gluco-corticoïdes aboutissant à un catabolisme cellulaire et protidique.
Traitements
L’analyse bibliographique des traitements des vergetures n’est pas satisfaisante du fait de données hétérogènes ou imprécises et d’effectifs réduits. On retiendra que l’on sait atténuer les vergetures, sans pouvoir les effacer totalement ; et que la prise en charge précoce au stade inflammatoire semble donner de meilleurs résultats que le traitement des vergetures atrophiques séquellaires. Enfin, il ne faut pas perdre de vue qu’un des facteurs limitant des traitements physiques actuels (lasers) est leur coût.
1) TRAITEMENTS TOPIQUES
En cosmétique, les topiques à base de Centella Asiatica 1 %, de flavonoïdes et tannoïdes d’origine végétale ont montré une certaine efficacité dans la diminution des vergetures récentes. Ces crèmes sont commercialisées en France respectivement sous les noms de Centella® (Cytolnat) et Phytolastil (Liérac).
Sur prescription, la trétinoïne topique à 0,1 % a également montré un intérêt dans les vergetures récentes. Son inconvénient principal est d’être très irritante, ce qui oblige souvent en pratique à prescrire de la trétinoïne à 0,05 %. A noter que la trétinoïne est contre-indiquée chez la femme enceinte ou allaitant, et que ce médicament n’a pas reçu en France d’autorisation de mise sur le marché dans cette indication.
2) LES LASERS ET APPARENTÉS
A. Lasers vasculaires : la technique de référence pour les vergetures rouges
Leur efficacité dans les vergetures rouges récentes n’est plus à démontrer. Plusieurs types d’appareils ont fait la preuve de leur intérêt dans le contrôle de la phase inflammatoire des vergetures et ce depuis plus de 10 ans : Lasers à Colorants Pulsés, Lumière Intense Pulsée, ou Laser Nd: YAG 1064 nm. L’intérêt de leur utilisation précoce, à raison d’une séance mensuelle durant 3 mois, est de limiter le creusement des vergetures, et donc le préjudice esthétique (photos 2 et 3). Ces appareils sont proposés en pratique dans la prise en charge des vergetures post-gravidique. Dans mon expérience, il est souhaitable de voir les patientes dès l’apparition des vergetures rouges, de façon à pouvoir débuter le traitement dans les semaines qui suivent l’accouchement, l’allaitement n’étant pas une contre-indication au laser.
B. Technologies fractionnelles : la technique de choix
Une nouvelle génération d’appareils dits fractionnés, a fait son apparition dans l’arsenal thérapeutique du dermatologue depuis une dizaine d’années. Il s’agit de lasers ou de radiofréquences. Ils fonctionnent en réalisant des puits de traitements, ce qui permet une action thermique (stimulation de la collagénèse) en profondeur, et ablative (lissage des vergetures) en surface. Ils présentent un intérêt non seulement dans les vergetures rouges, mais aussi dans les vergetures anciennes. On privilégie dans ce dernier cas les appareils fractionnés ablatifs (lasers CO2 fractionnés principalement) qui détruiront en partie le tissu atrophique de la vergeture, permettant une réparation lors de la cicatrisation. De façon générale, la prise en charge précoce des vergetures rouges donne de meilleurs résultats que les traitements réalisés au stade atrophique. Concrètement, dans le cadre de vergetures gravidiques, si la patiente en exprime le souhait, il faut l’orienter dès que possible auprès d’un dermatologue lasériste. Cette consultation, et le démarrage du traitement, peuvent avoir lieu dans les semaines qui suivent l’accouchement, et même en cas d’allaitement.
Conclusion
Véritables “maladies orphelines” de la dermatologie esthétique, les vergetures sont un motif fréquent de complexes chez la femme. Leur impact sur la qualité de vie ne doit pas être sous-estimé par les médecins. Leur prise en charge nécessite d’en connaitre les facteurs favorisants, afin de les limiter, et de savoir reconnaitre les vergetures pathologiques accompagnant endocrinopathies ou élastorrhexies. Dans la pratique quotidienne, le médecin doit favoriser une prise en charge précoce des vergetures, si possible au stade inflammatoire, afin de limiter le préjudice esthétique. Mais les patientes doivent être prévenues
que les traitements ne sont que partiellement efficaces, et non remboursés.
Nina Roos, Dermatologue, Paris
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article.
RÉFÉRENCES
1. Atwal GSS, Manku LK, Griffiths CEM, Polson DW. Striae gravidarum in primiparae. Br J Dermatol.2006.155:965-969
2. Shuster S. The cause of striae distensae. Acta Dermatol Venereol (Stockh) 1979;59:161-9
3. Wahman AJ, Finan MA, Emercon SC. Striae gravidarum as a predictor of vaginal lacerations at delivery. South Med J. 2000; 93:873- 6
4. Simkin B, Arce R. Steroid excretion in obese patients with colored abdominal striae. N Eng J Med. ,1962;266:1031-35
5. Chernosky M, Knox J. Atrophic striae after occlusive corticosteroid therapy. Arch Dermatol. 1964;90:15-19
6. Strumia R. Dermatologic signs in patients with eating disorders. Am J Clin Dermatol.2005;6(3):165-73
Article paru dans le Genesis N°189 (avril/mai 2016)
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