Pour lutter contre la mauvaise observance et limiter le recours à la contraception d’urgence ou l’IVG, la prescription de pilule à schéma continu est de plus en plus utilisée. En systématisant la prise, il permet de limiter les risques d’oubli. L’utilité de ce schéma a été confirmée par l’étude Coraliance mais aussi par les observations de terrain faites par les gynécologues.
En France, les pratiques contraceptives évoluent. Surtout depuis 2013 et la mise à l’index des pilules de troisième et quatrième générations. La crise médiatique et le déremboursement de certaines d’entre elles ont incité beaucoup de femmes à changer de contraception et à se tourner vers d’autres méthodes. «Les comportements ont changé, confirme le Dr Lydia Marié-Scémama, gynécologue à Boulogne Billancourt, ces changements se sont produits dans le cadre d’un contexte particulier : il y a eu en même temps une véritable campagne anti pilule et le remboursement de l’IVG, le tout quelque temps après l’affaire Mediator… De plus, l’IVG est devenue pour certaines un moyen de contraception, ce qui est dramatique. Pourtant, tout le monde est revenu sur les dangers liés à la pilule. Mais personne n’en a parlé».
Moins de pilules…
Les gynécologues ont donc récemment observé une baisse nette de l’utilisation de la pilule. Une observation confirmée par les études Fecond 2010/2013, enquête nationale menée à deux reprises (2010 et 2013) par l’Inserm et l’Ined. Les chiffres de ces études soulignent que le recours à la pilule est passé de 55% en 2000 à 50% en 2010, puis à 41% en 2013. «La baisse de 9% de l’utilisation de pilule entre 2010 et 2013, chiffres Inserm, est énorme, souligne le Dr Lydia Marié-Scémama. Ce changement s’est fait au profit d’autres méthodes que je qualifie d’écolos qui ne sont pas fiables du tout.». La diminution du recours à la pilule est particulièrement importante chez les plus jeunes (moins de 30 ans). L’enquête souligne également que 3% des femmes sont sans contraception, un chiffre qui est resté stable au cours de l’évaluation.
«Le préservatif quant à lui est selon moi une méthode contraceptive hasardeuse, souligne le Dr Marie-Paule Bersani-Richert, gynécologue à Pau, il doit bien sûr être utilisé mais pas avec un objectif de contraception. Il est vraiment nécessaire d’associer le préservatif, pour lutter contre les maladies sexuellement transmissibles, et la pilule, pour protéger des grossesses non désirées.»
Même si une femme sur cinq a changé de méthodes contraceptives depuis janvier 2013, la pilule reste la première méthode contraceptive utilisée par les Françaises. Plus de cinq millions de Françaises seraient sous pilule contraceptive. Viennent ensuite le DIU et l’implant contraceptif.
La pilule régresse… … les IVG augmentent
Une étude (1) menée sur 5275 Françaises et 1011 médecins, généralistes et gynécologues, en 2010 et 2013, a confirmé la baisse continue de l’utilisation de la pilule entre 2000 (55%), 2010 (50%) et 2013 (41%). Cette diminution est particulièrement vraie chez les plus jeunes (moins de 30 ans). Depuis 2013, année de crise anti pilule, une femme sur cinq a changé de moyen de contraception.
Depuis 30 ans, le nombre d’IVG annuel ne cesse d’augmenter, avec un bond particulièrement important en 2013. La France reste le pays européen où le nombre d’IVG est le plus élevé, devant le Royaume-Uni et l’Ukraine.
(1) Etude FECOND réalisée par l’Inserm et l’Ined par téléphone ou par internet. responsables scientifiques : N. Bajos et C. Moreau
… Et plus d’IVG
Parallèlement à la baisse de l’utilisation de la pilule, les recours à l’IVG n’ont cessé de progresser : 217 000 IVG en 2013 contre 207 000 en 2012, soit une augmentation de 4,7% (chiffres Dress). «Cette augmentation est très importante et très inquiétante » estime le Dr Lydia Marié-Scémama. Les gynécologues craignaient de voir leurs impressions se confirmer dans les faits : nombreux étaient ceux qui voyaient, sur le terrain, certaines femmes modifier leur comportement vis-à-vis de leur contraception. «La perte de confiance vis-à-vis des pilules peut expliquer ces mauvais chiffres, propose le Dr Marie-Paule Bersani-Richert, j’ai vu des mères qui ont fait arrêter d’office la pilule à leur adolescente début 2013. Ce qui peut avoir de graves conséquences». En plus de la campagne anti pilules de 2013, la gratuité de l’IVG pourrait également avoir joué un rôle. «La banalisation de la pilule du lendemain, qui n’est d’ailleurs pas efficace à 100 % mais qui ne cesse de gagner du terrain puisque son utilisation a doublé en dix ans, peut être une autre explication, ajoute le Dr Marie-Paule Bersani-Richert. Les femmes se reposent sur cette solution et ne prennent pas assez de précautions». Et surtout les plus jeunes. Les chiffres du baromètre Santé de l’Inpes montrent en effet que la contraception d’urgence est davantage utilisée chez les femmes les plus jeunes.
Oublis de pilule : 2e cause d’IVG
Concernant l’IVG, les données scientifiques montrent que les deux tiers des grossesses non désirées apparaissent alors que la femme a bien une contraception.
Dans près de la moitié des cas, une erreur d’utilisation de la méthode contraceptive générerait une grossesse non prévue. Ainsi, l’oubli de pilule, et donc la mauvaise observance, serait la deuxième cause d’IVG, derrière l’absence de contraception. Sur les 5 millions de françaises qui prennent la pilule, seulement un tiers n’a jamais oublié de la prendre. Plus de 2 sur 10 l’oublient une voire plusieurs fois par mois. «Et cela quelque soit l’âge» précise le Dr Marie-Paule Bersani-Richert. Cet oubli de pilule est inévitablement responsable d’IVG mais aussi de recours à la contraception d’urgence. Il arrive en général au premier jour ou à la première semaine de prise (cas le plus fréquent) et entraîne une disparition de l’efficacité contraceptive et un arrêt de la contraception hormonale. De plus, après un oubli, les femmes ont tendance, dans 13,9% des cas, à arrêter purement et simplement leur moyen de contraception. Un autre comportement très à risque qui, là encore, augmente le risque de grossesse accidentelle.
Comment lutter contre l’oubli de la pilule ?
Face à ce constat, afin de tenter de limiter au mieux le nombre d’IVG, de plus en plus de gynécologues se tournent vers la prescription de pilules à schéma continu. «Nous notons un véritable changement dans le paysage de la prescription en France, souligne le Dr Marie-Paule Bersani-Richert, cette évolution du comportement est déjà très marquée chez les gynécologues et les médecins généralistes devraient rapidement suivre ce mouvement.»
«En Allemagne ou aux Etats-Unis, le schéma continu est très présent, ajoute le Dr Lydia Marié-Scémama. En France, cela commence à prendre ! Dans tous les cas, il faut adapter la prescription à la patiente. Notre souci est de limiter les IVG. Nous devons proposer une pilule adaptée afin que chaque femme prenne sa pilule correctement ».
Le schéma continu, avec l’administration de comprimés actifs et inactifs, permet de systématiser la prise de la pilule. Les femmes n’arrêtent pas leur pilule entre deux plaquettes. Sans intervalle libre, la prise devient un réflexe. Et le risque d’oubli diminue. Certaines femmes sont également contentes et soulagées de ne plus à avoir à compter les jours. Les gestes automatiques leur simplifient la vie.
Zoom sur l’étude Coraliance
Durant 6 mois, 617 gynécologues ont inclus 3316 patientes dans le cadre de l’étude Coraliance. Cette étude de cohorte a souhaité observer la fréquence des oublis de pilule contraceptive mais aussi le comportement des femmes face à ces oublis. Les résultats montrent l’importance du phénomène de non-observance : 22,5% des patientes ont eu un oubli au cours du dernier cycle (une sur quatre !). Ces oublis sont particulièrement fréquents au début du cycle, période la plus critique en terme de risque de grossesse. Ils concernent toutes les femmes, jeunes et moins jeunes. Que font-elles lorsqu’elles ont oublié de prendre leur pilule ? Rien pour 32% d’entre elles. 39 % lisent la notice de la pilule et 28% demandent conseil, principalement auprès de leur gynécologue (63%). 18% se tournent vers leur médecin généraliste, 17% vers leur entourage et 11% vers le pharmacien.
L’étude Coraliance en faveur du schéma continu
Ce schéma continu permettrait bien de diminuer la fréquence des oublis. Ainsi, l’étude Coraliance (voir encadré) a montré que les oublis, qui se produisaient majoritairement, rappelons-le, au premier jour ou à la première semaine de prise, pouvaient être moins nombreux lorsque les femmes passaient d’une plaquette de 21 comprimés actifs à une plaquette de 28 comprimés (21 actifs et 7 inactifs). Le fait de ne pas interrompre la prise entre deux cycles pourrait être bénéfique puisque le moment de la reprise de la plaquette, après un arrêt de plusieurs jours, serait bien la période critique d’oubli. «Avec le schéma continu, cette période difficile est gommée, précise le Dr Marie-Paule Bersani-Richert, ce schéma continu créée un automatisme et limite ainsi les oublis, notamment à la reprise de la plaquette, période où le risque d’ovulation est très élevé. La pilule avec un schéma continu est pour moi ce qu’il y a de mieux».
L’étude Coraliance suggère une diminution de 28% du nombre d’oublis durant la période critique du cycle, c’est-à- dire entre le premier jour et la première semaine du cycle.
Des données confirmées par la pratique quotidienne et l’Igas
L’étude Coraliance n’est pas la seule à avoir démontré l’intérêt du schéma continu sur le risque d’oubli de la pilule. Dans un rapport d’octobre 2009, l’Igas estimait que « le développement pour les contraceptifs de présentations et conditionnements favorisant l’observance pourrait limiter une cause reconnue d’oubli ou d’erreur que constitue la période d’arrêt mensuel de la contraception orale. Ce problème pourrait trouver une solution relativement aisée dans une présentation plus adaptée des plaquettes de pilules sur 28 jours ». Ainsi, la pilule en schéma continu favoriserait bien le réflexe de prise et participerait à l’amélioration de l’observance. Prendre des comprimés quotidiennement, sans phase d’arrêt, rendrait la prise de la pilule plus systématique, ce qui aiderait les patientes à ne pas oublier de redémarrer une nouvelle plaquette.
Une prise automatique pour une meilleure observance
En pratique, le Dr Lydia Marié-Scémama propose le schéma continu 28 jours à toutes ses patientes qui prennent la pilule pour la première fois : «Lors d’une première prescription, je propose d’emblée à la jeune fille un schéma continu, confirme la gynécologue. Nous limitons ainsi le risque d’oubli. Sa prise est plus facile à expliquer et il a l’avantage d’être remboursé. Je m’assure, avec le schéma continu, qu’elles prennent correctement leur pilule. A la fin de la consultation, je leur parle des applications, gratuites, qui existent sur leur téléphone (de type Optipill). Elles choisissent l’application qui leur plait, puis nous l’installons ensemble.
Pour les patientes moins jeunes déjà sous pilule, la prescription du schéma continu est également utile. Les femmes ont certes des habitudes installées mais restent néanmoins exposées au risque d’oubli.
Après une IVG consécutive à un oubli de pilule, je passe tout de suite au schéma continu, même si la femme tente de justifier son oubli. Les femmes qui prennent mal leur pilule doivent passer au schéma continu.» Les patientes ayant des soucis d’observance pourront voir leurs oublis diminuer avec le schéma 28 jours.
La gamme Opti : une gamme unique de pilules en schéma continu des laboratoires Majorelle
Il y a d’abord Optilova 20 qui associe Ethinylestradiol (20μg) et Lévonorgestrel (100μg). Remboursée à 65%, elle se prend tous les jours, en schéma continu 21 + 7. Mais aussi Optidril 30: Ethinylestradiol (30μg) et Lévonorgestrel (150μg), là aussi remboursée à 65% et en schéma continu 21 + 7. Ce sont des pilules de 2e Génération, monophasiques et recommandées en première intention.
Optimizette vient compléter la gamme Opti. Il s’agit d’une pilule micro progestative (désogestrel 75 microgrammes), premier et seul générique de Cérazette à être remboursé à 65% par la Sécurité sociale. Elle possède l’avantage d’être prescrite en post partum, aux femmes qui allaitent, qui sont en surpoids ou qui fument mais aussi en cas d’antécédent cardiovasculaire ou autres contres- indications aux estrogènes.
Enfin la famille va prochainement s’agrandir avec l’arrivée de pilules combinées 3G au gestodène (baptisées Optinesse) et au désogestrel (Optidéso) qui se prennent là aussi en schéma continu 28 jours.
«La première consultation ne peut pas se faire entre deux portes, dans un couloir» rappelle le Dr Marie-Paule Bersani-Richert. Elle nécessite un discours adapté à la femme qui est en face de nous. Avant toute prescription, les éventuelles contre indications doivent être recherchées. Age, poids, diabète, tabagisme, alcool, antécédents personnels et familiaux sont quelques uns des thèmes à aborder. «Dans tous les cas, il est très important de connaître sa patiente, résume le Dr Lydia Marié-Scémama. La première consultation est primordiale. Pour mieux connaître ma patiente, je lui fais remplir en amont un questionnaire, dans la salle d’attente. Ces questions me fournissent des informations personnelles et me permettent de poser des questions directes. Je demande par exemple sans détour le nombre de partenaires. Après cet interrogatoire sérieux et poussé, nous pouvons passer au choix de la pilule». Un choix pas toujours évident à faire. «La décision se prend toujours en fonction de la patiente, de ses éventuelles pathologies ou risques, rappelle le Dr Lydia Marié-Scémama. Nous sommes donc bien contents d’avoir le choix car nous devons souvent faire du cas par cas ! Nous devons surtout détecter les femmes qui risquent d’oublier leur pilule et leur proposer un schéma continu.» Les médecins doivent aussi aborder les risques d’oubli et leurs conséquences. Ils doivent enfin motiver leurs patientes».
Beaucoup de messages à faire passer, de données scientifiques à expliquer et d’idées reçues à combattre. «Nous subissons encore les effets de la crise de 2013, conclut le Dr Marie-Paule Bersani-Richert, mais malgré cela nous devons rappeler que la pilule possède de nombreux avantages».
Lydia Marié-Scemama – Gynécologue, Boulogne Billancourt
Marie-Paule Bersani-Richert – Gynécologue , Pau
Propos recueillis par Clémence Lamirand
Source : Compte rendu du symposium organisé par les laboratoires Majorelle au congrès Infogyn à Tarbes, octobre 2014.
Article paru dans le Genesis N°181 (octobre/novembre 2014)
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