L’évolution de l’AMP viendra moins des progrès des thérapeutiques médicamenteuses que de ceux de la biologie, la robotique et les souhaits des femmes et des hommes.
Parler du futur d’un secteur est toujours fascinant car cela oblige à rêver et à réfléchir. C’est aussi revenir en arrière et se demander s’il y a 25 ans j’aurai imagine ce qu’il en est aujourd’hui. Mais c’est aussi prendre le risque de dire des inepties totales. Pour Hermann KAHN, le grand futurologue des années 60, il ne faisait aucun doute qu’en 2010, on irait de Paris à Tokyo en une heure, mais il n’avait jamais imagine que chacun aurait son ordinateur et qu’Internet bouleverserait a ce point la planète. Donc je peux tout me permettre.
Nous aborderons quatre thèmes principaux dans ce chapitre : les thérapeutiques médicamenteuses, la biologie, la robotique et la sociologie.
LES THÉRAPEUTIQUES MÉDICAMENTEUSES
C’est surement le domaine qui connaîtra le moins de changement. Peut-être verra t-on une FSH par voie orale, mais le progrès sera modeste. Il faudra toujours de la FSH mais nous saurons probablement mieux prédire les réponses et adapter les doses a travers les progrès de la génomique.
Pour le reste, a mon sens, peu de progrès sont à attendre. Tout le monde rêve de l’embryon qui s’implante à tout coup. Mais lors du transfert d’un blastocyste euploïde dans un utérus normal chez des femmes relativement jeunes, les taux de succès sont de l’ordre de 75 % dans les meilleures équipes. L’intervention médicamenteuse sur les multiples cytokines, interleukines… en cause dans l’implantation sera certainement très délicate sans risquer des effets secondaires imprévus et tout cela pour un bénéfice modeste.
Si progrès il y a, il sera plutôt à la périphérie à travers le traitement médical de pathologies comme l’endométriose, les fibromes ou l’adénomyose. Encore faudra-t-il enfin découvrir l’étiologie de ces pathologies et surtout de l’endométriose.
LA BIOLOGIE
Les progrès et évolutions a attendre seront majeurs et iront dans différents sens
➢ Les conditions de culture seront de mieux en mieux connues et maîtrisées. Le time lapse (ou équivalent) deviendra généralisé. Les milieux seront analyses en continu à travers les progrès de la protéomique ce qui permettra une adaptation continue pour permettre le meilleur développement embryonnaire.
➢ Le diagnostic préimplantatoire se généralisera permettant de n’implanter que des embryons euploïdes et indemnes des mutations les plus courantes.
La protonique permettra, parmi ces super-embryons, de sélectionner le ou les meilleurs et de les transférer ou de les congeler selon l’état de l’endomètre que la génomique permettra d’évaluer en quelques minutes au jour prévu…
Tôt ou tard la biologie permettra d’aller encore plus loin en fabricant de novo des ovocytes à partir de fragments d’ovaire prélevés des années plus tôt. L’autogreffe disparaîtra au profit de la maturation in vitro plus sure, moins contraignante et moins consommatrice de tissu. Sinon a partir de cellules souches on fabriquera des ovogonies puis des ovocytes.
De même chez l’homme la récupération ou la fabrication de spermatozoïdes sera possible a partir de pulpe testiculaire prélevé dans l’enfance ou la encore à partir de celles souches. On peut même rêver à la fabrication de matrice de testicules de novo – une équipe japonaise y travaille déjà.
Le plus grand problème et défi sera celui de l’utérus. La GPA recule partout. L’équipe de Göteborg a montré la faisabilité de la transplantation d’utérus et en même temps la quasi-impossibilité à la généraliser pour faire face a la demande potentielle. Mais récemment une équipe américaine a été capable d’assurer les derniers mois d’une grossesse chez la brebis dans un utérus artificiel. Il y a 20 ans, une équipe japonaise avait pu aller jusque vers 3 mois de grossesse toujours chez la brebis mais sans pouvoir franchir cette barrière et avant d’abandonner leur recherche.
Nul doute que ces recherches ayant pris le problème par les deux bouts vont reprendre. L’utérus d’Aldous HUXLEY n’est surement pas pour demain mais dans 20 ou 30 ans cela ne parait plus impossible.
LA ROBOTIQUE ET L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE
La robotique et l’intelligence artificielle vont bouleverser notre vie. Nous ne sommes qu’au milieu de la phase 2 de l’intelligence artificielle. Tous les grands constructeurs annonce la voiture autonome pour 2020. La phase 3 commencera. Tout est imaginable. L’ordinateur pilotera l’échographe, intégrera les données et décidera du traitement de stimulation.
Un peu plus loin la ponction sera automatisée comme le screening des ovocytes et la micro-injection des spermatozoïdes. Des systèmes intelligents surveilleront la culture et adapteront les milieux. Quelques ingénieurs et de rares biologistes seront la pour pallier en cas de panne ou d’appel à l’aide de ces machines.
Bien sûr la biopsie de blastomères et le diagnostic implantatoire seront automatises.
SOCIOLOGIE
Mais en face de cette débauche de biologie de pharmacologie de robotique, il restera des hommes et des femmes avec leurs sensibilités, leurs émotions, leurs désirs, leurs croyances, leurs fantasmes.
Bien sûr, il restera encore des couples traditionnels. Une femme et un homme jeunes ayant cherche sans succès a avoir un enfant se tourneront vers nous. Mais il y aura de plus en plus de situations différentes sortant du cadre sociétal que nous avons connu : couples homosexuels, femme seule, demande de préservation sociétale des ovocytes puis leur réutilisation…
La dernière question est de savoir si toutes ces techniques seront encore dans des mains artisanales comme c’est encore le cas aujourd’hui dans bien des centres en France ou si cela ne sera pas fait principalement dans des succursales de grands groupes comme l’IVI ou d’autres, plus chers, plus performants et peut être moins humains.
On m’objectera que les lois des différents pays seront un frein a toute cette évolution. Le tourisme médical a déjà largement atténué la portée de nos lois locales. Il y a fort a parier que des règles éthiques minimalistes s’imposeront a la fois a nos pratiques et a nos gouvernants. Nos patients nous les imposeront. Nous risquons fort de n’être plus que des prestataires de service.
Le monde sera-t-il plus heureux ? Pas sur, car le bonheur n’est jamais que relatif.
RÉFÉRENCES
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