Il s’agit d’un cancer rare: il représente moins de 1% de l’ensemble des cancers du sein et moins de 0.5% des cancers masculins(1) (sauf en Afrique où sa fréquence est 5 fois plus élevée: 25% des cancers chez la femme).
Son âge de survenue est en général plus élevé que chez la femme, vers 65 ans. Le pronostic est généralement moins bon que chez la femme car le diagnostic est plus tardif.
Les facteurs de risque(2)
Certains facteurs de risque sont analogues chez l’homme comme chez la femme.
D’autres sont spécifiques aux hommes :
- Exposition excessive aux estrogènes.
- Altérations testiculaires (infectieuse, traumatique ou iatrogène)
- Syndrome de Klinefelter : risque 30 fois plus élevé (anomalies chromosomiques ou désordres hormonaux associés ?)
- Hyperprolactinémie (tumorale ou iatrogène) ou prolactinome
- Gynécomastie : pas de certitude absolue
- Irradiation thoracique
- ATCD familiaux : mutation type BRCA2
- Facteurs socio-culturels tels qu’un niveau socioéconomique élevé
- Origine ethnique : ashkénazes
Tout laisse à penser que le cancer résulte d’un déséquilibre entre estrogènes et androgènes (augmentation des estrogènes et diminution des androgènes par divers mécanismes).
La clinique est aisée
La palpation est fiable car le sein est de faible dimension.
Malgré cela, le diagnostic est souvent porté tardivement.
On retrouve donc l’apparition d’une tuméfaction, avec comme chez la femme un nodule dur, mal limité, adhérent à la peau ou au pectoral. On peut parfois retrouver un écoulement qui est en général unipore, spontané, séreux ou hémorragique (signe d’appel dans 20% des cas).
Si les lésions sont plus évoluées, un aspect eczémateux ou une ulcération du mamelon peuvent être retrouvé, évoquant une maladie de Pajet dans 5% des cas.
On peut aussi retrouver une rétraction isolée du mamelon.
L’examen des aires ganglionnaires axillaires doit être effectué et on retrouve plus fréquemment que chez la femme une atteinte ganglionnaire: les métastases ganglionnaires sont retrouvées dans près de 50% des cas.
Il faut rechercher des métastases (osseuses, hépatiques, pulmonaires ou cérébrales) qui sont présentes dans près du tiers des cas.
L’imagerie est le plus souvent univoque
Car la structure tissulaire favorise l’analyse radiologique.
Chez l’adulte normal, la glande mammaire est dépourvue de tissu acineux et en mammographie, le sein paraît vide, radio transparent, presque uniquement graisseux, ce qui rend son analyse simple. La sémiologie radiologique du cancer du sein chez l’homme comporte quelques particularités.
La tumeur est en général excentrée par rapport au mamelon et est en général mieux circonscrite que chez la femme. Les images stellaires sont les plus fréquentes, à type d’opacités avec prolongements dendritiques.
Les micro calcifications néoplasiques sont en général très petites et peu nombreuses. Quant aux micro calcifications non néoplasiques, elles sont exceptionnelles.
L’échographie peut aider au diagnostic en montrant une lacune hypo échogène avec cône d’ombre.
La cytoponction est possible et permet d’évoquer le diagnostic. Les micro biopsies sont préférables comme chez la femme pour affirmer le diagnostic.
La tumeur doit être classée
Les systèmes de classification sont les mêmes que chez la femme.
Histologie
Il s’agit essentiellement de carcinomes canalaires (80%).
Les carcinomes in situ sont rares : 5%.
La maladie de Pajet est rare.
Les carcinomes lobulaires sont exceptionnels (sauf en cas de syndrome de Klinefelter).
Quelques sarcomes ont été décrits, de même que des lymphomes.
Grade histo-pronostique : on utilise la classification de Scarff Bloom.
Récepteurs hormonaux : les récepteurs aux estrogènes et à la progestérone sont plus souvent positifs que chez la femme (75%).
Il faut faire le diagnostic différentiel
– Lipome : la mammographie redresse le diagnostic car c’est la seule tumeur radio transparente
– Tumeur cutanée
– Kyste galactophorique : l’échographie évoquera le diagnostic
– Abcès : il peut se présenter comme une forme pseudo tumorale mais le contexte clinique et l’échographie redresseront le diagnostic
– Ischémie mammaire spontanée
– Tumeur solide bénigne : les fibro adénomes n’existent pas chez l’homme. On peut par contre retrouver des adénomes papillaires.
Le pronostic est réputé mauvais
Probablement en raison du caractère tardif de son diagnostic.
A stade égal, le pronostic semble identique à celui de la femme.
On notera une plus grande fréquence de l’ hormono dépendance chez l’homme.
Les facteurs de mauvais pronostic suivants peuvent être retrouvés :
– âge avancé au diagnostic
– taille élevée de la tumeur
– envahissement ganglionnaire (plus de 3 ganglions atteints : 15% de survie à 10 ans)
– présence de métastases
– type histologique : carcinome canalaire infiltrant de grade élevé
– récepteurs hormonaux absents (rarement le cas)
– autres facteurs pronostics :
· mesure nombre de cellules en phase S
· ploïdie
· présence c erb 2
Le traitement dépend essentiellement de l’extension du cancer.
Il est très proche des traitements proposés aux femmes.
• La chirurgie
C’est souvent le premier traitement.
Une tumorectomie large associée à un curage ganglionnaire axillaire homolatéral est rarement proposée (rapport volume tumoral/ volume mammaire, caractère central de la tumeur, tumeur infiltrant les plans profonds).
La mastectomie type Patey est le plus fréquemment proposée.
Des exérèses musculaires sont parfois nécessaires en raison de l’atteinte des plans profonds.
La mastectomie est privilégiée en raison de la petite taille du sein, de l’atteinte de l’aréole, du retard au diagnostic.
On commence aussi à appliquer la technique dite du ganglion sentinelle en cas de tumeur de taille petite à moyenne sans adénopathie axillaire palpable.
• La radiothérapie
Elle est utilisée en complément de la chirurgie essentiellement diminuer le risque de récidives.
La survie semble peu améliorée par la radiothérapie.
Ses modalités sont identique à la femme, avec irradiation de la paroi thoracique et éventuellement des aires ganglionnaires.
• L’hormonothérapie
Le tamoxiféne est fréquemment employé, car les tumeurs sont fréquemment hormono-dépendantes (80% des cas) avec récepteurs hormonaux positifs, à la dose de 20 mg par jour et pendant 5 ans.
Les effets secondaires sont identiques chez l’homme et la femme.
• La chimiothérapie
Les indications des traitements adjuvants et des traitements en phase métastatiques sont calqués à stade égal, en sachant que le cancer du sein survient à un age plus tardif que chez la femme et qu’on ne l’emploiera pas au-delà de 70 ans.
• Le traitement des formes métastatiques
– On peut proposer une hormonothérapie suppressive par orchidectomie, adrenalectomie ou hypophysectomie mais elle est très mal acceptée par les patients.
– Les agonistes de LHRH peuvent aussi être utilisés à visée anti androgénique.
– L’aminoglutéthimide inhibe la conversion des androgènes en estrogènes et pour les derniers produits sortis (Femara® ou Arimidex®), ils n’ ont aucun effet sur la sécrétion de cortisol et ne nécessitent pas de supplémentation en cortisol.
– L’acétate de cyprotérone peut aussi être utilisé, progestatif fortement anti androgénique.
– Les chimiothérapies identiques à celles utilisées chez les femmes peuvent être proposées de deuxième intention.
En conclusion
Le cancer du sein chez l’homme est de diagnostic tardif, bien que le diagnostic clinique soit facile à faire.
Il existe quelques facteurs de risque spécifiques.
Les formes histologiques sont sensiblement identiques, exceptée la forme lobulaire.
Le pronostic est identique à stade égal et les traitements diffèrent peu.
Dr Eric Sebban – Chirurgien gynecologique, mammaire et oncologue ; Ancien assistant, service de chirurgie institut Gustave Roussy, Villejuif ; Clinique Hartmann, ISHH (Institut Du Sein Henri Hartmann), Neuilly
Site web du Dr Sebban : https://www.docteur-eric-sebban.fr
BIBLIOGRAPHIE
1. DONEGAN WL, REDLICH PN, LANG PJ et al. Carcinoma of the breast in males. A multi institutional survey. Cancer 1998, 83, 498-509.
2 . SASCO AJ, LOWENFELS AB et al. Review article : epidemiology of breast male cancer : a meta analysis of published case control studies and discussion of selected etiological factors. Int.J. Cancer 1993, 53, 538-549.
Article paru dans le Genesis N°178 (avril 2014)
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