Mais peut-être pas toujours en ce qui concerne les compositeurs et leur vision des femmes. Lisez donc cette lettre de Mahler (oui, le sublime adagietto de «Mort à Venise»…) à sa fiancée Alma, la croqueuse d’hommes célèbres : «A partir de maintenant, vous n’avez qu’une vocation : me rendre heureux (précisons qu’Alma souhaitait composer elle aussi !). Imaginez qu’au moment où j’aurais besoin de vous pour me chercher ou m’apporter quelque chose, l’inspiration vous vienne, qu’arriverait-il ? Il vous faut désormais vous consacrer à moi sans condition, que votre vie future, dans toutes ses facettes, ne dépende plus que de moi et de mes besoins, et n’en attendez rien d’autre en retour que mon amour.» (Tout de même !).
Ceci à la veille de leur mariage, afin d’assurer sa tranquillité. Mahler avait sans doute lu un des best-sellers de l’époque où les femmes hystériques de Freud étaient aussi dégénérées (comme l’art un peu plus tard). Pour l’auteur, Mr Weininger, aussi célèbre dans la Vienne intellectuelle que Freud, mais nettement plus oublié que lui, la pulsion sexuelle détruisait le corps et l’esprit des femmes dont l’état normal était la passivité. Il n’y a pas et il n’y a jamais eu de «génie féminin», précisait ce génie, aucune femme n’aspire à l’immortalité pas plus qu’elle n’a conscience de son destin, (cela valait sans doute mieux, plutôt que d’attendre de mourir en couches…).
Mais me direz-vous, tout ça c’est de l’histoire ancienne. Aujourd’hui nous avons le droit (le devoir ?) de travailler dehors et dedans, de réfléchir tout en passant l’aspirateur, d’emmener les enfants chez le dentiste ou à la danse entre deux réunions de brainstorming (encore une preuve que nous avons bel et bien un cerveau). Aussi pardonnez-moi, ce doit être l’effet de la rentrée et des jours qui raccourcissent, et surtout continuez à aimer la musique en général et Mahler en particulier !
Michèle Lachowsky
Article paru dans le Genesis N°186 (septembre/octobre 2015)
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