QUAND, POURQUOI, COMMENT ET A QUI LA PRESCRIRIEZ-VOUS ?
Malgré un dénigrement excessif, un souhait du tout naturel et des maladresses de communication sur des risques mal évalués, la contraception œstro-progestative garde une place majeure dans l’arsenal contraceptif du fait de son efficacité, de sa tolérance, de ses bénéfices non contraceptifs et des pathologies évitées.
Il existe trois types de contraception :
– Les contraceptions au «coup par coup» ou naturelles, où l’acte contraceptif est concomitant à l’acte sexuel. Entrent dans cette catégorie : les préservatifs masculins ou féminins, les rapports programmés (Ogino), le retrait, l’observation de la glaire, etc. Ces méthodes appliquées avec rigueur ont une efficacité réelle mais, dans la vraie vie (indice de Pearl (IP) typique), le taux de grossesse annuel varie de 15 à 40% du fait principalement de problème d’observance.
– Les contraceptions à courte ou moyenne durée d’action (Short Acting Reversible Contraception – SARC). Cette fois l’acte sexuel et l’acte contraceptif ne sont plus concomitants mais la femme reste l’acteur majeur de sa contraception. Entrent dans cette catégorie : les pilules progestatives pures (Progestin Only Pills (POP)), les contraceptifs œstroprogestatifs (CEP), les anneaux et les patches (Pills, Patches and Ring (PPR)). Le taux d’échec de ces SARC est de 6% par an environ. Les échecs sont probablement majoritairement dus à des arrêts intempestifs (anomalie de la persistance) mais aussi des prises irrégulières (anomalies de l’observance).
– Les contraceptions de longue durée d’action (Long Acting Reversible Contraception – LARC). La femme, après le premier choix de la pose, n’intervient plus dans sa contraception sauf pour y mettre fin par le retrait. Ici nous trouvons : les dispositifs intra utérins (DIU), les systèmes intra utérins (SIU) libérant localement du lévonorgestrel (LNG) (Mirena® et Jaydes®), l’implant libérant du 3 keto desogestrel (Nexplanon®) et les injections retard de médroyprogestérone acétate (DMPA), peu utilisées en France pouvant, aux USA, être associées à un œstrogène.
Le taux d’efficacité de ces LARC est très élevé 99,5% environ.
Les stérilisations, ligatures des trompes ou des déférents ou les implants tubaires (Essure®) ne sont pas à proprement parler des contraceptions car irréversibles.
Efficacités comparatives des différents contraceptifs
Il existe deux méthodes pour évaluer les contraceptifs.
L’indice de Pearl (IP), expérimental, corrigé ou non : nombre de grossesses observé lors d’essais cliniques en utilisation aussi parfaite que possible avec, pour les SARC et LARC, un IP de plus de 99%.
L’autre évaluation se passe dans la vraie vie : IP Typique.
Ici les IP des méthodes naturelles augmentent à 10-40%, les IP des SARC à 6%, les IP des LARC restent à plus de 99%. Ceci fait que les LARC sont considérés comme les plus efficaces, ce qui explique leur engouement actuel.
En réalité ces chiffres sont très discutables, en effet on compare dans la vraie vie des méthodes SARC, souvent arrêtées imprudemment (mesure en intention de traiter ITT), à des méthodes LARC poursuivies (en per protocole PP), sans tenir compte de ce qui a conduit les femmes à choisir et à poursuivre telle ou telle méthode. Il n’existe que très peu d’études où les produits sont comparés en ITT après randomisation. Une étude dans ces conditions de niveau 1 ne montre pas de différence entre la pilule et le SIU. Ainsi, ce qui différencie les SARC et LARC c’est la persistance. L’avantage des LARC est qu’il faut une intervention médicale pour l’interrompre. En revanche, pour les SARC, il a été montré que le taux de persistance est 2,7 fois plus élevé lorsqu’existe un bénéfice non contraceptif (BNC).
Parmi les CEP, il existe de petites différences d’efficacité typiques. Les produits les plus efficaces sont monophasiques, ceux dont le progestatif a une demi-vie plus longue et ceux dont la durée d’arrêt entre deux plaquettes est inférieure à 7 jours ou supprimée.
« La contraception la moins risquée est celle que la femme choisira et poursuivra »
Les risques des méthodes contraceptives
Il a beaucoup été question des risques liés aux SARC, avec une médiatisation et une politisation exagérées conduisant à des arrêts malencontreux, provoquant 10 000 IVG supplémentaires en 2013. Aucune des méthodes médicales n’est dénuée de risque. On évalue à une perforation pour 1 000 poses de DIU et à 1/100 le risque infectieux dans l’année de la pose. Alors que pour les CEP, le risque de phlébite est de 4/10 000(1) et le risque artériel est très faible (et dans l’immense majorité des cas en rapport avec une prescription imprudente(2)).
Chez une femme sans facteur de risque, ce n’est donc pas celui-ci qui est discriminant dans le choix contraceptif.
Il est indiscutable que le rapport bénéfice/risque des contraceptions médicales est positif quelles qu’elles soient. Le risque majeur est l’absence de contraception : il est surtout lié aux grossesses et aux IVG. Pour les CEP, ce n’est pas le risque intrinsèque de la méthode qui est en cause mais celui lié aux troubles de la persistance. Ainsi la contraception la moins risquée est celle que la femme choisira et poursuivra.
Les Short Acting Reversible Contraception (SARC)
Les SARC sont aussi désignés comme PPR : Pills, Patches and Ring
Progestatif pur ou œstro-progestatif ?
Après l’ovulation, la sécrétion de progestérone ralentit la pulsatilité du GnRH hypothalamique, empêchant toute nouvelle ovulation, trouble la glaire, transforme et atrophie l’endomètre. La contraception hormonale est basée sur ce principe en utilisant des molécules artificielles plus puissantes et à demi-vie plus longue : les progestatifs.
Si la dose de progestatif est faible, l’effet se limite à la glaire sans inhiber l’ovulation, la prise doit être continue et l’horaire de prise rigoureux. Cette contraception est de moins en moins utilisée (Microval®).
Si la dose ou la puissance du progestatif augmentent, l’ovulation est inhibée avec un fonctionnement ovarien qui persiste (Cerazette®, Antigone®…). La prise doit être continue, il n’y pas d’hémorragies de privation mais une aménorrhée avec parfois des saignements. Ces contraceptions progestatives pures (POP) sont dénuées de risques artériels et veineux, mais ne sont pas toujours bien acceptées du fait du trouble du cycle et de propension à l’acné par baisse de la SHBG, protéine porteuse de la testostérone liée à la baisse des estrogènes endogènes. Ainsi ce que l’on gagne en risque intrinsèque est perdu en persistance donc en efficacité, donc en risque global.
Si l’on augmente encore la dose de progestatif (et/ou la puissance), l’ovaire est au repos il devient alors nécessaire de substituer la sécrétion d’estradiol, le plus souvent par un œstrogène artificiel, l’éthynil estradiol (EE2), et plus récemment par de l’estradiol (E2). Cet apport d’œstrogène exogène permet de plus de s’opposer à l’effet androgénique du progestatif (effet androgénique intrinsèque du progestatif et baisse de la SHBG) et aux modifications endométriales induites par le progestatif. Ainsi, cet apport
d’œstrogène améliore l’hyperandrogénisme et régularise le cycle. Ces deux propriétés sont importantes car elles améliorent la tolérance, apportent des bénéfices non contraceptifs (BNC) : la persistance et donc l’efficacité(3) en sont augmentées. Plus le progestatif est puissant plus on peut baisser sa dose, plus ses effets endométriaux sont modérées plus on peut diminuer l’apport d’œstrogène sans altérer le contrôle du cycle. Ceci explique que, pour les CEP dosés à 20 mcg d’EE2, l’association à un progestatif de 3G donne moins de saignements et entraine ainsi moins d’arrêts intempestifs. Moins le progestatif est androgénique, plus l’apport d’EE2 augmente la SHBG et améliore de ce fait l’acné. Ceci explique que les CEP de 3 et 4G améliorent l’état cutané en cas d’acné et d’hirsutisme(4). Il est admis que l’existence d’un BNC augmente la persistance des CEP par un facteur de 2,7 fois. Et l’apport d’œstrogène artificiel est responsable des effets vasculaires indésirables des CEP, et ce à dose dépendante, à la fois pour le risque veineux et le risque artériel. Ce dernier, si l’on respecte les contre-indications de CEP, n’existe que pour une dose de 50mcg d’EE2(1).
Bénéfices non contraceptifs des œstro-progestatifs
Les BNC des CEP sont nombreux et importants et représentent l’une des raisons majeures de leur prescription et de la persistance de la prise. Deux catégories :
– les BNC communs à tous les CEP, comme une baisse globale de la mortalité(5), l’amélioration de la régularité du cycle, moins de syndrome prémenstruel, moins de dysménorrhée, moins de cancer de l’ovaire, du colon et de l’endomètre, moins d’anémie par perte martiale, moins de fibromes, prise en charge de l’endométriose, de l’adénomyose, moins de perte osseuse en périménopause, moins de syndrome climatérique …
– les BNC dont l’importance varie suivant le type de CEP et qui seront déterminants dans le choix.
Le contrôle du cycle se détériore au fur et à mesure que l’on diminue les doses d’œstrogènes ou plus précisément que le rapport endométrial œstro-progestatif diminue. Ainsi, si l’on ne se réfère qu’aux seuls CEP utilisables aujourd’hui, à doses inférieures à 35mcg d’EE, les CEP dosés à 30-35 donnent un meilleur contrôle du cycle que ceux dosés à 15-20mcg. La seule exception est l’anneau vaginal qui, malgré ses 15mcg, donne le meilleur contrôle du cycle. Ce paradoxe a été attribué tantôt à la stabilité de la pharmacocinétique, tantôt à l’effet de premier passage utérin.
Le second BNC qui varie selon le CEP est l’effet anti androgène. Celui-ci est lié à la baisse de sécrétion des androgènes, ovariens et un peu surrénaliens, commune à tous les CEP, à l’effet sur la protéine porteuse de la testostérone, la SHBG, et à l’effet androgénique neutre ou anti androgénique du progestatif. L’effet principal est lié à l’augmentation de la SHBG par l’effet hépatique de l’œstrogène. Cet effet est modulé par l’effet androgène des progestatifs. Ainsi les CEP de seconde génération augmentent moins la SHBG que ceux de 3 et 4G.
Les risques des contraceptifs œstro-progestatifs.
Ils sont liés principalement aux risques vasculaires, veineux ou artériels.
Cependant, les autres contre-indications doivent être connues : tumeurs et pathologies hormono-dépendantes, cancers, méningiomes, tumeurs hépatiques, tumeurs de l’endomètre et du sein, connectivites, porphyries, œdème angioneurotique, insuffisance hépatique, certaines tumeurs hypophysaires.
Pour ce qui concerne les risques artériels, les études récentes les attribuent aux CEP dosés à 50mcg et aux prescriptions à des femmes ayant des contre-indications ou des facteurs de risque. Les contre-indications sont : antécédents d’accidents artériels, hyper LDLhémie, diabète de type 2, hypertension artérielle, migraines avec aura dont ophtalmique, valvulopathie, trouble du rythme thrombogène. L’association de deux facteurs de risque devient une contre-indication : âge supérieur à 35 ans, tabagisme, antécédents familiaux d’accidents précoces, morphotype androïde, diabète de type 1, migraines.
Le risque de thrombose veineuse est plus fréquent, 4 cas pour 10 000 utilisatrices par an, heureusement souvent moins grave mais il est toujours lui prévisible. Cependant la grande majorité des TEV surviennent en présence de facteurs de risque et surtout de leurs associations.
Les contre-indications sont les antécédents personnels de thrombose veineuse, l’obésité grave ou morbide, les thrombophilies génétiques ou acquises, le post-partum avant 5 semaines, le port d’un plâtre d’un membre inférieur, une intervention chirurgicale thrombogène (os petit bassin), l’alitement prolongé, les cancers et connectivites (lupus), la maladie de Behcet. Là encore, deux facteurs de risque deviennent une contre-indication : âge supérieur à 35 ans, surpoids dès un IMC>25 kg/m2, antécédents familiaux surtout au premier degré survenant chez des sujets jeunes sans facteur de risque, maladies inflammatoires, post-partum avant 12 semaines, ovaire poly-kystique. D’autres facteurs ne sont pas mesurables comme la taille de la veine iliaque gauche…
De plus, le risque est plus élevé dans les 6 premiers mois de prise ou de reprise, les arrêts et reprises sont des facteurs de risque non négligeables.
Mais n’oublions pas que le vrai risque des contraceptifs est leur absence, en effet les risques de grossesse et d’IVG sont supérieurs à ceux des contraceptions, toutes les contraceptions sont à risque.
Y a-t-il des CEP plus à risque de TEV que d’autres ?
Nous ne développerons pas ici ce débat dont l’issue n’est toujours pas consensuelle, 20 ans après son début. La dose d’œstrogène est un facteur thrombogène et le sur-risque potentiel des CEP des 3 et 4G versus 2G – si l’on tient compte de la dose – est faible : RR=1,3 et sans commune mesure avec les facteurs de risque énumérés ci-dessus. Il est plus dangereux de prendre une 2G à 40 ans, avec un IMC banal de 25 kg/m2, qu’une 3 ou 4G à 18 ans, surtout si celle-ci améliore la persistance de prise grâce à un BNC. Ce débat a eu un effet désastreux sur l’image de la CEP, provoquant 10 000 IVG supplémentaires en 2013.
Contraception œstro-progestative, pour qui ?
Rappelons une fois de plus que l’absence de contraception en dehors d’un désir de grossesse est la situation la plus à risque. D’autre part, le choix de la femme est primordial pour la persistance donc pour l’efficacité. Enfin, aucune situation n’est figée, le choix d’un jour n’engage pas celui du lendemain.
Nous avons vu à qui ne pas la proposer : aux femmes ayant une contre-indication ou deux facteurs de risque. On devrait ajouter aux jeunes filles en post puberté immédiate(6), en dehors de risque de grossesse fort, pour ne pas obérer l’acquisition du pic de masse osseuse et aux femmes de plus de 40 ans, sans risque de grossesse majeur en particulier après 45 ans. Ainsi dans ces différents contextes, le risque de grossesse sera l’élément discriminant.
De plus en plus de femmes ne souhaitent pas prendre de CEP, au nom du «non naturel», sans autre précision, du fait de l’image véhiculée très maladroitement par les pouvoirs publiques et les médias lors de la «pill scare» de 2013.
Elle sera proposée à toute femme l’ayant choisie, à toute femme refusant ou ayant une contre-indication au DIU au cuivre ou hormonal, à toute femme demandant un BNC (trouble du cycle, dysménorrhée, hyperandrogénisme) qui, de ce fait, ne peut prendre de contraception progestative orale parentérale ou même utérine, chez les jeunes filles de moins de 18 ans qui ont un taux de rejet élevé des DIU au cuivre, chez les femmes ayant un OPK des troubles du cycle centraux ou périphériques, …
Ainsi, on le voit, la CEP garde une place très importante dans la panoplie des méthodes contraceptives disponibles, même si celle-ci s’est réduite au profit justifié des LARC, du fait de leur efficacité, et, plus discutable, des «méthodes naturelles» du fait, elles, de leur efficacité médiocre.
Les contraceptions dites définitives gardent une place très modeste, probablement trop modeste en France.
La contraception œstroprogestative à longtemps été considérée comme l’une des plus grandes avancées médicale du 20e siècle du fait de son efficacité, de sa tolérance, de ses bénéfices non contraceptifs et des pathologies évitées, diminuées, comme la mortalité globale des populations en particulier par cancers, ou améliorées par son utilisation (endométriose par exemple).
La vie est ainsi faite qu’il faut bruler ce qu’on a adoré avant de retrouver un équilibre juste. L’heure du dénigrement est venue avec le «tout naturel», la maladresse de communication sur les risques mal évalués, sans oublier la pression commerciale des autres méthodes. Ces cycles sur utilisation – sur dénigrement sont classiques en médecine, ils sont souvent longs. A moins de découvertes majeures innovantes, il y a fort à parier que la CEP gardera une place majeure dans l’arsenal contraceptif.
Christian Jamin – Gynécologue, Paris
L’auteur déclare les liens d’intérêt suivants : MSD, TEVA, GEDEON RICHTER
RÉFÉRENCES
1. Jamin C – Combined hormonal contraceptives and thesubsequent risk of a venous thromboembolism. Phlebolymphology 2016 ;23 :31-6
2. Roach RE, Helmerhost FM, Lijferring WM, et al – Combined oralcontraceptives : the risk of myocardial infarction and iscemic stroke (review) ; The Cochrane collaboration 2015, issue 8
3. Josefsson A, Wiréhn AB, Lindberg M, et al – Continuation rate of oral contraceptives in a cohort of first-time users : a population-based registry study, Sweden 2005-2010 – BMJ Open 2013;3:e003401.doi.1136bmjopen-2013-003401
4. Am College Obstet Gynecol – Non contraceptive use of hormonal
contraceptives – Practice Bul 2010;115:206-18
5. Charlton BM, Rich-Edwards JW, Rosner BA, et al – Oral contraceptive use and mortality after 36 years of follow up in the nurse health study : prospective cohort study – BMJ 2014;349:g6356 doi 10.1136
6. BiasonTP, Ledere Goldberg TBKurokawa CS, et al – Lo dose combined oral contraceptve use is associated with lower bone mineral content variartion in adolescents over a 1 year period. BMC endocrine Disorders 2015;15:15 doi 10.1186/s12902-015-0012-7
Article paru dans le Genesis N°188 (février/mars 2016)
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