LES DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES RÉCENTES SONT EN FAVEUR D’UNE INCIDENCE ÉLEVÉE DE L’ENDOMÉTRIOSE QUI POURRAIT CONCERNER 2 À 4 MILLIONS DE FEMMES EN FRANCE, SOIT 1 SUR 10… LES IMPACTS EN SANTÉ PUBLIQUE SONT DE MIEUX EN MIEUX CONNUS AVEC UN RETENTISSEMENT DOUBLE SUR LA QUALITÉ DE VIE (DOULEUR, ABSENTÉISME…), ET DES COMPLICATIONS SUR LA FERTILITÉ.
Ces impacts sont tels que les pouvoirs publics se sont clairement investis dans le sujet avec de multiples actions dans le cadre de la « stratégie nationale de lutte contre l’endométriose » décrétée par le gouvernement en 2022. Ses objectifs principaux sont d’informer la population, de mieux diagnostiquer et prendre en charge les femmes atteintes et de développer la recherche. Une implication de tous les acteurs est nécessaire : ARS, sociétés savantes, institutionnels, associations de patientes…
Pendant longtemps le retard diagnostic, 7 à 10 ans en moyenne, a été reproché dans la prise en charge de cette pathologie. Notre défi radiologique était de trouver une orientation étiologique pour nos patientes en consultation, avec la crainte constante de sous-estimer ce diagnostic. A vouloir améliorer notre sensibilité, peut-être a-t-on parfois oublié le manque de spécificité propre à chaque technique… et une tendance à revenir sur certains diagnostics d’endométriose est actuellement ressentie en vacation, avec une plus grande précaution sur la spécificité de certains signes radiologiques.
Les tests de dépistage salivaires des microRNA semblent extrêmement prometteurs, avec des performances très élevées dans les études préliminaires (Bendifallah et al, 2022)… Mais ils ne sont pas disponibles à l’heure actuelle en France ; les résultats des dernières études et des protocoles d’accord pour la prise en charge sont attendus. Leur excellente valeur prédictive négative sera incontestablement une aide majeure pour évaluer le risque d’endométriose et déclencher des imageries chez une patiente majeure et symptomatique, mais pour l’instant nous ne pouvons pas en tenir compte dans notre pratique quotidienne.
Pour certaines équipes, une approche sur score basé uniquement sur des questionnaires (symptômes cliniques et données épidémiologiques) permettrait d’identifier plus simplement les patientes à risque (Chapron et al, 2021).
A l’interrogatoire, l’endométriose sera envisagée devant les signes suivants :
• Dysménorrhées
• Dyspareunies profondes
• Symptomatologie digestive cataméniale
• Symptomatologie urinaire cataméniale
• Infertilité.
Selon les recommandations officielles de la HAS et du CNGOF de 2018, le diagnostic repose en première intention sur l’examen clinique si possible pelvien, et l’échographie pelvienne.
En deuxième intention : en cas de suspicion de localisation profonde (devant des signes de localisation, un échec des traitements ou une infertilité) le diagnostic repose alors sur le triptyque
• Examen clinique (par un clinicien référent)
• et IRM pelvienne (par un radiologue référent)
• et/ou échographie endo vaginale de 2e intention (par un échographiste référent).
En 2022 l’imagerie de l’endométriose est donc fondamentale pour le diagnostic, avec des performances bien étudiées (Nisenblat et al, 2018), variables en fonction de sa présentation phénotypique : ovarienne, profonde ou superfi cielle. L’examen de référence reste la coelioscopie diagnostique dans les études.
ENDOMÉTRIOSE SUPERFICIELLE
L’échographie est équivalente à l’IRM et leurs performances sont très insuffisantes. Une imagerie normale n’écarte jamais ce diagnostic… Ce qui laisse actuellement une place pour l’exploration coelioscopique dans certains cas (et probablement pour les tests salivaires dans le futur).
Néanmoins l’interprétation d’un épanchement échogène sera prudente en troisième semaine du cycle, phase pendant laquelle sa présence peut être physiologique. La description de spots hyperéchogènes notamment péri-ovariens est un signe classique mais dont la fi abilité n’est pas étudiée dans la littérature.
ENDOMÉTRIOSE OVARIENNE
Les deux modalités d’imagerie sont équivalentes et très performantes, (sensibilité et spécificité > 90%), pour la détection des endométriomes.
ENDOMÉTRIOSE PROFONDE
Une analyse topographique compartimentale est actuellement préconisée en IRM (Thomassin-Naggara et al, 2020) ; un compte rendu standardisé exhaustif sera prochainement édité par la Société d’Imagerie de la Femme (SIFEM), à la disposition des radiologues en vacation :
• pour le compartiment sous péritonéal antérieur, l’IRM a une meilleure sensibilité ; des séquelles post chirurgicales (césarienne notamment) ne devront pas être confondues avec les lésions endométriosiques.
• pour les compartiments latéraux, il n’y a aucune donnée fi able dans la littérature ; ces atteintes sont néanmoins corrélées à une endométriose sévère et ne posent pas de problème diagnostique.
• pour l’atteinte digestive rectale les performances sont équivalentes et satisfaisantes (> 90%) dans la détection d’une extension à la paroi musculeuse.
• enfin, l’IRM a une meilleure sensibilité (86 vs 64%) pour détecter l’atteinte postérieure notamment celle des ligaments utéro-sacrés (LUS) ; mais l’échographie reste plus spécifi que dans cette localisation (97 vs 84%). La technique de fusion échographie/IRM est évidemment intéressante pour améliorer les performances (Millischer et al, 2015) mais reste très peu développée : organisation pratique, codification…
Ce manque de spécificité de l’IRM a longtemps été négligé et le diagnostic d’endométriose ne doit plus reposer sur la seule observation d’un épaississement isolé des LUS, en l’absence de corrélation aux données cliniques ou à l’échopalpation.
ADÉNOMYOSE (« ENDOMÉTRIOSE INTRA-UTÉRINE »)
Un débat de physiopathologie les a un temps diff érenciées mais il s’agit bien d’une cause commune de dysménorrhées voire d’infertilité, et leur association est fréquente en pratique. L’IRM serait plus sensible, avec des spécifi cités équivalentes (Chapron et al, 2020).
Pendant longtemps, un simple épaississement de la zone jonctionnelle a fait poser ce diagnostic en IRM. Le signe pathognomonique reste la présence de spots en hypersignal T2 sous endométriaux.
Les diagnostics diff érentiels actuellement reconnus en IRM sont :
• un épaississement physiologique de la zone jonctionnelle observé pendant les règles, le diagnostic doit donc être très prudent en début de cycle.
• la présence de contractions utérines (dont le caractère pathologique ou pas sera probablement réévalué dans le futur compte tenu de leur constatation fréquente chez des patientes présentant une imagerie normale par ailleurs) devant des bandes en hyposignal T2 du myomètre intermittentes et de topographie variable pendant la procédure.
Cas particulier des adolescentes : nous assistons à une explosion de la demande d’imagerie pour suspicion d’endométriose devant des « dysménorrhées primaires » (6 à 24 mois après la ménarche). L’échographie est normale par voie sus-pubienne ainsi que l’IRM, facilement prescrite dans ce contexte. Ce désordre de mieux en mieux connu (Kho et al, JAMA 2020) pourrait concerner 16 à 93% des étudiantes et serait lié à une hypercontractilité myométriale sur des taux élevés de prostaglandines. Des études sont en cours de publication pour essayer de préciser la pertinence des examens d’imagerie en fonction de l’âge et des symptômes. En effet, l’endométriose avec traduction radiologique chez la jeune femme de 12 à 20 ans n’est pas classique, en tout cas probablement bien moins fréquente, mais son diagnostic reste un enjeu important à cet âge.
L’endométriose est actuellement une pathologie « d’actualité » avec des expressions phénotypiques variées rendant complexe le diagnostic en imagerie. Le diagnostic radiologique doit rester prudent, toujours corrélé aux données cliniques, et doit tenir compte des performances des diff érentes modalités. Une fois le diagnostic d’endométriose envisagé, la cartographie doit être rigoureuse en bilan de référence ou de réévaluation ce qui restera un enjeu propre à l’imagerie dans le futur, quelle que soit la place des autres moyens de dépistage.
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