Dans le cadre des traitements médicaux, l’hormonothérapie (HT) est le plus ancien de tous. A la fin des années 60la découverte des récepteurs hormonaux (RH) en a fait la première des thérapies ciblées (30 ans avant l’Herceptine!).
Le Tamoxifène (TMX) est la première des hormonothérapies modernes (1965) validée au stade métastatique comme en adjuvant (ou en néo-adjuvant chez la femme âgée). Il a été suivi par trois inhibiteurs de l’aromatase (IA)1 dans les années 2000, puis par le Fulvestrant (Faslodex*). Avec ces cinq médicaments nous disposons de l’arme majeure du traitement médical des cancers du sein hormonaux dépendants (qui constituent plus des 2/3 des cancers du sein).
Quelles sont les informations récentes dont nous disposons?
Dans le domaine de la prévention :
Les essais MAP 3 (avec de l’Exemestane, publié en 2011) et IBIS II (avec l’anastrozole, publié en 2013) en cumulant plus de 8000 femmes à haut de risque de cancer du sein, ont montré une réduction significative du risque de survenu d’un cancer du sein invasif ou non invasif. Cette attitude est validée aux Etats Unis mais n’est pas passée dans la pratique courante en Europe.
Dans le domaine des cancers du sein métastatiques :
– En pré ménopause : rien de neuf, le TMX reste la référence.
– En post ménopause : c’est devenu plutôt le domaine des IA et éventuellement du Fulvestrant.
Un essai publié en 2012 (BASELGA) montre l’apport d’une thérapie ciblée (Everolimus : inhibiteur de la voie mTor) quand il est associé à la prise d’Exemestane chez les patientes progressant sous inhibiteurs non stéroïdiens (Anastrozole ou Létrozole) avec une amélioration significative de la survie sans récidive (SSR), et non de la survie globale (SG).
Dans le domaine du traitement adjuvant du cancer du sein :
– En pré ménopause : deux actualités récentes :
- En 2014 : communication de la compilation des essais TEXT et SOFT : traitement adjuvant par Exemestane + suppression ovarienne / TMX + suppression ovarienne, au total 4690 patientes analysées avec un suivi médian de 5,7 ans = amélioration de la SSR locale et/ou à distance. Il faudra attendre d’avoir plus de recul pour espérer une amélioration en SG et surtout l’étude du bras comparatif avec TMX seul (dans l’essai SOFT), qui devrait être communiquée au congrès de SAN ANTONIO en décembre prochain. Le TMX reste chez ces femmes pour le moment le traitement de référence.
- La préservation de la fertilité chez les femmes RH – par adjonction à la chimiothérapie d’un agoniste de la LHRH : communication de MOORE (essai POEMS) à l’ASCO 2014 : le taux de grossesse obtenu était de 11% dans le bras chimiothérapie seule contre 21% dans le bras avec Gosériline et sans effet délétère (voir un avantage en survie à 4 ans). En cas de tumeur RH+, l’éventuelle interaction à la chimiothérapie (CT) avec l’hormonothérapie (HT) ne permet pas de recommander cette attitude.
– En post ménopause :
- On a maintenant plus de 10 essais internationaux incluant des dizaines de milliers de patientes sous IA qui nous ont permis une excellente connaissance de ces médicaments. Les trois IA disponibles apparaissent d’efficacité et de tolérance pratiquement équivalentes. La notion de «switch» entre TMX et IA (par rapport à 5 ans de TMX) est validée sans répercussion notable sur la SG.
- En ce qui concerne le Fulvestrant, à noter que l’on manque cruellement de données sur ce médicament en adjuvant, aucun essai n’a été publié ni même initié alors que cela permettrait peut-être une alternative séduisante en cas d’intolérance aux IA qui malheureusement reste fréquente.
- Le problème de la durée de l’hormonothérapie est actuellement le sujet principal d’actualité. Les débuts de ce questionnement sont apparus avec 3 essais (MA17 en 2003, ABCSG trial 6A en 2007 et NSABP 33 en 2008) qui testaient chez presque 8000 patientes l’hypothèse que l’IA donné 3 à 5 ans après 5 ans de TMX améliorait les résultats : on a conclu à l’amélioration de la SSR, sans preuve à ce jour d’une amélioration de la SG.
– ATLAS et aTTom : au total 17477 patientes incluses comparant TMX 5 ans à TMX 10 ans : là aussi amélioration de la SSR, avec un bénéfice tardif (après 7 ans) et sur la survie (après 10 ans).
A noter que tous les sous-groupes étudiés ont bénéficiés de la prolongation de l’hormonothérapie.
On observe une réduction de la mortalité par cancer du sein d’1/3 dans les premiers 10 ans suivant le diagnostic et de 50% dans la deuxième décade. Seul l’essai ATLAS a été publié en « full paper » à ce jour (l’essai aTTom n’ayant été que communiqué en session orale plénière à l’ASCO 2013).
En conclusion:
L’hormonothérapie reste un traitement essentiel des cancers du sein hormono dépendants (qui sont de loin les plus fréquents).
L’hormonothérapie ne s’est pas enrichie depuis 10 ans de nouvelles molécules. Même si il ne comporte que peu de médicaments, cet arsenal thérapeutique a continué cependant de s’améliorer. Ce n’est pas seulement faire du neuf avec du vieux, les progrès réalisés sont réels grâce à de très vastes essais prospectifs randomisés comparatifs.
La question principale actuellement est l’allongement de la durée de cette hormonothérapie qui a été clairement actée aux Etats-Unis. Pourquoi ne pas envisager demain une hormonothérapie définitive ? Avec bien sûr le problème des effets secondaires nombreux et de l’accord de nos patientes: quel prix à payer pour augmenter ses chances de guérir?
Certainement le débat qui vient d’être ouvert sur ce sujet n’est pas prêt de se terminer.
Jean-Michel Vannetzel, Eric Sebban et Jean-François Llory – Institut du Sein Henri Hartmann (ISHH) ; Clinique Hartmann, Neuilly sur Seine
Site web du Dr Sebban : https://www.docteur-eric-sebban.fr
Article paru dans le Genesis N°181 (octobre/novembre 2014)
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