Réflexions sur le futur
David nous a quittés il y a moins de 6 mois. Outre la peine immense qui ne nous lâche pas, se pose la question de la poursuite de ce qu’il a construit avec, en particulier, la revue et le congrès Genesis. La société Impact Medicom m’a fait le grand honneur de me demander de poursuivre le travail de David. J’ai bien entendu accepté avec enthousiasme mais n’ai pas tardé à m’interroger sur les orientations à mettre en place pour en assurer la pérennité.
A la réflexion, la tâche est immense.
Le passé et la réussite de Genesis
Genesis a dû sa réussite à la Gynécologie médicale de ville et ses praticiens avides de formation permanente. Or ces gynécologues à l’ancienne sont en voie de disparition, ou de repli vers une fin de carrière moins studieuse. Ceci explique une raréfaction et un vieillissement très net de l’auditoire et des lecteurs. Se sont aussi raréfiés les KOL (key opinion leadeurs) libéraux dont les grands noms ont, par une saine émulation avec les hospitaliers à l’époque, fait briller la gynécologie obstétrique française. La relève bien mal préparée par nos autorités de santé devait se faire par l’arrivée des internes « nouvelle mouture » issus de l’examen classant après la disparition du concours qui, rappelons-le, était le mode de recrutement des mondes médicaux hospitaliers. Or ces nouveaux internes, contrairement aux gynécos du passé, ne sont plus formés par la faculté mais par l’hôpital, dont la gynécologie de ville n’est pas la tasse de thé, et dont les enseignants sont peu familiers avec la gynécologie médicale de terrain. Les gynécologues de ville, nouvelle formation, sont souvent des spécialistes de l’obstétrique, de la chirurgie, de la cancérologie, de la colposcopie, de la PMA… mais pas de la gynécologie en pratique de ville. Les médecins généralistes pourraient par les DIU reprendre le flambeau mais, débordés, ils sont souvent peu enclins à remplir le vide laissé par leurs confrères aînés de la gynécologie médicale. Les sages-femmes, appelées à la rescousse, ont, elles aussi des emplois déjà largement pourvus par l’obstétrique : ainsi leur tâche de néo gynécologue est cantonnée à la gynécologie de suivi et de prévention, sans prise en charge des pathologies. Certes de nombreux universitaires ont mis en place des formations (DIU), certains libéraux s’y sont aussi collés et les écoles et congrès de sages-femmes n’ont pas été en reste.
Je ne m’étendrai pas sur les nouvelles contraintes réglementaires et sanitaires qui encadrent notre activité et nécessitent une prise en compte scrupuleuse, ni sur le financement par les industries du médicament des congrès et des revues de formation continue qui n’est plus dans l’air du temps…
Construire un avenir
Il y a aujourd’hui nécessité à redynamiser la formation initiale et permanente de l’ensemble de ces praticiens de ville, gynécos médicaux nouvelle formule, obstétriciens, médecins généralistes à tendance gynéco, sages-femmes, et pourquoi pas endocrino eux aussi à tendance gynéco. J’y vois là l’avenir de la revue et du congrès.
La gynécologie médicale doit rester une « Médecine de la Femme » dans un monde médical qui se « surspécialise » et qui est attaqué ou mis en cause dans sa pratique.
« A mon sens, la gynécologie ne se limite pas, en eff et, à la pathologie des organes génitaux de la femme. (…) Elle s’étend même aux caractères sexuels tertiaires, caractères purement psychiques, et ne se manifeste guère qu’à la nubilité. La gynécologie, ainsi comprise, du point de vue pratique comme du point de vue étymologique, est bien à proprement parler « la science de la femme ».
Professeur André Binet cité par Lucien Israël. Le médecin face au désir, collection « Hypothèses », Editions Erès, 2005, p. 257. 1948
Quel contenu proposer pour optimiser notre rôle ?
La gynécologie couvre un spectre immense, chacun d’entre nous y ayant ses domaines de compétence. Un congrès et une revue doivent nous permettre de consolider nos connaissances dans ces domaines d’excellence, mais aussi de répondre à toutes questions variées et inattendues touchant de près ou de loin à notre spécialité : idéalement une bonne revue doit remplir ces deux objectifs.
Par ailleurs, elle devra bien entendu inclure également les nouvelles professionnelles, les nouveautés thérapeutiques, les prises de position, les impératifs réglementaires, etc.
Enfin nous donnerons matière à réflexion dans la revue et le congrès par des conférences sur des sujets sociétaux, tel que le passionnant exposé de Brigitte Lahaie sur le néo féminisme au congrès Genesis de septembre 2021.
» Ceux qui luttent ne sont pas sûrs de gagner, mais ceux qui ne luttent pas ont déjà perdu «
Berthold Brecht
Docteur Christian Jamin, rédacteur en chef, Paris, 75008
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