Il ne fait plus aucun doute que les déserts médicaux existent, certes dans les campagnes reculées, mais en fait partout, au moins pour certaines spécialités comme la gynécologie, et même en plein Paris ou dans les banlieues « bourges ».
La prise de conscience des pouvoirs publics est enfin là, alors que tout cela était largement prévisible depuis des décennies.
Avec cette prise de conscience, les débats politiques dans leur litanie classique : « ce n’est pas moi, c’est l’autre », ont suivi, ainsi que les prises de positions stéréotypées : le « y a qu’à, faut qu’on ».
Y a qu’à, ou le bâton
Il faut obliger les médecins à s’installer là où il faut, là où nous le décidons.
Il faut augmenter la durée des études d’un an en obligeant les futurs médecins à aller se faire la main là où ils sont le plus utiles.
Il faut favoriser l’installation de médecins étrangers. Il faut remplacer les médecins par des dentistes, pharmaciens, kinés, sages femmes, infirmières… Il faut supprimer la rémunération à l’acte ou le secteur 2.
Il faut une autorisation de l’ARS pour s’installer dans les zones bien dotées. Le service médical citoyen : salarier de jeunes médecins fraichement diplômés dans le cadre limité d’un engagement contractuel dans les zones sous denses.
Faut qu’on, ou la carotte
Il faut augmenter le nombre d’étudiants en médecine. Il faut donner une prime à l’installation dans les zones difficiles. Il faut favoriser les maisons médicales mises à disposition par les municipalités. Il faut payer davantage les actes dans les régions à problèmes.
En bref il est proposé de faire ce que la médecine nous a enseigné de ne jamais faire : traiter sans analyse sémiologique.
Alors essayons de comprendre comment nous en sommes arrivés là
On manque de médecins pourquoi ? Pourquoi les médecins jeunes diplômés ne veulent plus visser leur plaque (ils ne sont que 12%) et sont majoritairement tentés par une pratique différente souvent salariée, de soin ou non (62%) ?
• La faute au numérus clausus dont le réajustement fut bien tardif et timide. Il faudra 10 ans pour inverser la démographie médicale.
• Certaines spécialités comme la gynécologie médicale de terrain n’ont plus été enseignées depuis des décennies (disparition du CES 1984 !). Notons cependant un réveil bien tardif avec 80 sortant(e)s par an souvent très spécialisé(e)s !
• Ce défi cit quantitatif est indiscutable, mais à cela il faut ajouter le vieillissement de la population et l’élévation du niveau de vie qui augmentent les besoins médicaux.
• Les médecins d’antan travaillaient plus de 12h par jour et les jeunes générations, comme toute la population française, aspirent à une « qualité de vie » sociale et familiale. Ceci est en encore plus vrai pour les femmes qui représentent la très grande majorité des nouveaux diplômés et qui ont souvent plus d’obligations familiales.
• Les médecins d’antan étaient chefs de famille : alors qu’aujourd’hui on est deux à vouloir travailler : il faut donc poser sa plaque là où le conjoint trouvera du travail.
• Si l’on est célibataire, ce qui est fréquent à la trentaine après 8 ans d’études harassantes, il faut vivre dans des régions où il est possible de trouver un conjoint en harmonie sociologique.
Alors que faire aujourd’hui pour sortir de cette situation : une seule réponse Il faut honorer à leur juste valeur 10 ans d’études et de sélection draconienne.
• Pour vivre bien sans être stakhanoviste de la consultation : plus de 12h par jour.
• Pour pouvoir s’installer à Paris ou dans de nombreuses autres villes ou banlieues, et de ce fait payer un loyer élevé mais aussi assumer des charges supplémentaires.
• Pour pouvoir consacrer une partie raisonnable de sa vie à une famille.
• Pour pouvoir si le conjoint n’est pas CSP+ assurer au couple un train de vie agréable, à fortiori si on est seul(e) à travailler dans un couple.
• Il faut si l’on veut pouvoir, ce qui est indispensable, se former régulièrement, quitter son cabinet.
• Assurer les visites chronophages et ainsi soulager les urgences hospitalières.
• Mais aussi pour assurer des charges administratives si lourdes en remplacement des administrations et de la Sécurité Sociale qui s’en défaussent de plus en plus. Il faut : soit réassurer vos responsabilités, soit que le médecin embauche et pour cela payer l’acte médical à sa juste valeur.
En effet 25€ la consultation du médecin généraliste, c’est indécent (23€ pour la consultation du médecin spécialiste qualifié). En bref messieurs les politiques « qu’on nomme grands » il faut quitter vos a prioris politiques dogmatiques de gauche ou de droite et traiter le mal avec un diagnostic juste et un traitement adapté (et ne pas hésiter bien entendu à proposer en seconde intention vos recettes, pour certaines utiles, mais qui resteront inefficaces si le mal n’est pas traité à la racine). Réponse du 24 avril 2023 : le prix de la consultation du médecin généraliste doit être augmenté de 1,5€ applicable le 1 novembre lorsque l’inflation aura grignoté cette manne…. Sans commentaires !
L’auteur déclare les liens d’intérêts suivants : Orateur ponctuel pour Gedeon Richter, Besins, CCD, Theramex