NOUS DÉPLORONS ENCORE EN FRANCE 43 000 NOUVEAUX CAS DE CANCER COLORECTAL. DANS 45% DES CAS CE CANCER TOUCHE LES FEMMES. C’EST LE 2ÈME CANCER LE PLUS FRÉQUENT DANS LA POPULATION, IL EST RESPONSABLE DE 18 000 DÉCÈS PAR AN. POURTANT, C’EST UN DES RARES CANCERS QUE L’ON PEUT ÉVITER OU GUÉRIR. TANT QUE LES CELLULES CANCÉREUSES SONT LIMITÉES AU CÔLON, LA RÉSECTION DE LA LÉSION VOIRE DE LA ZONE COLIQUE CONCERNÉE VA ÉVITER LA DIFFUSION DES CELLULES CANCÉREUSES ET L’APPARITION DE GANGLIONS PUIS DE MÉTASTASES. IL Y A DONC UNE PLACE IMPORTANTE POUR ÉVITER CE CANCER D’ABORD PAR LA PRÉVENTION PUIS PAR LE DÉPISTAGE.
PRÉVENIR LE CANCER COLORECTAL
L’influence de l’alimentation a souvent été évoquée puisque ce cancer est plus fréquent dans les pays développés. Pour autant les études sont contradictoires même s’il semble qu’une consommation riche en aliments frits, pauvre en légumes verts, riche en viande rouge et pauvre en viande blanche soit un facteur favorisant. Pour une prévention adaptée, il faut différencier les populations à risque moyen, et à risque élevé voire très élevé. • Les populations à risque moyen : C’est le risque de la population générale n’ayant pas d’antécédents familiaux de cancer colorectal et n’ayant pas de symptôme digestif. En revanche, dans cette population, certaines personnes pourraient en fait avoir un risque élevé de cancer colorectal. Cette population a été définie par le score de Kaminski ci-joint :
D’autres cas particuliers sont à retenir : maladies de Crohn, colique ou rectocolite hémorragique.
• Les populations à risque élevé : Il s’agit essentiellement des patients ayant des antécédents familiaux au premier degré de cancer colorectal.
De multiples études rétrospectives, prospectives et de population ont confirmé un risque accru de cancer colorectal en présence d’apparentés ayant développé cette affection. Ce risque sera directement corrélé au nombre de membres de la famille atteints et à l’âge précoce au diagnostic. Une métaanalyse de vingt-sept études a évalué le risque de cancer en fonction des antécédents familiaux de cancer du côlon et de polypes adénomateux1. Le risque relatif de cancer colorectal en présence d’un parent du premier degré atteint par cette affection est de 2,4. Ce risque s’élève à 3,8, 2,2 et 1,8 lorsque le cancer colorectal était diagnostiqué respectivement avant 45 ans, entre 45 et 59 ans, et à partir de 60 ans. Si plus d’un parent est atteint, le risque relatif de cancer est de 4,2. En présence d’un polype adénomateux chez un parent du premier degré, le risque de cancer colorectal s’élevait à 1,9 et l’association inverse entre risque et jeune âge au diagnostic est aussi retrouvée.
• Les populations à risque très élevé sont représentées par les maladies génétiques que sont la polypose adénomateuse familiale et le syndrome de Lynch. Ces maladies requièrent une prise en charge spécialisée associant gastro-entérologue et oncogénéticien. On rappelle que le syndrome de Lynch associe un sur risque de cancer de l’endomètre. De ce fait, devant un cancer de l’endomètre, il convient de se poser la question.
Les populations à risque moyen, n’ayant aucun symptôme digestif (et sous réserve des facteurs de risques décrits ci-dessus) doivent entrer à partir de 50 ans dans un programme de dépistage du cancer colorectal.
Les populations à risque élevé doivent entrer à partir de 50 ans ou à partir d’un âge plus précoce (en général 5 ans avant le cas index) dans un programme de prévention par coloscopies régulières tous les 5 ans tant qu’elles sont normales.
Les populations à très haut risque relèvent d’un avis concomitant du gastro-entérologue et de l’oncogénéticien.
Les nouvelles recommandations de la société Européenne de gastro-entérologie défi nissent le risque des patients à partir d’une première coloscopie réalisée à l’âge de 50 ans. Cette coloscopie doit être un examen de bonne qualité. Et c’est le nombre et le type de polypes réséqués lors de ce premier examen qui va défi nir le risque et le rythme de surveillance des patients quels que soient leurs antécédents familiaux. Pour l’instant, en France ce sont les recommandations de la Haute Autorité de Santé qui doivent être appliquées.
DÉPISTER LE CANCER COLORECTAL
Toutes les conditions qui déterminent l’efficacité d’un dépistage en population générale sont remplies pour le cancer colorectal :
• une affection suffi samment prévalente pour représenter un important problème de santé publique ;
• une maladie s’accompagnant d’une morbidité importante ;
• une association reconnue entre diagnostic précoce, traitement et meilleure survie ;
• l’identification et la détection possible d’une lésion à un stade préclinique (séquence adénome-carcinome) ;
• l’existence de mesure(s) de dépistage spécifique, sensible, simple, aisément disponible, acceptable par la population concernée, validée et d’un coût abordable.
Par définition, le dépistage concerne la détection du cancer colorectal et de polypes adénomateux dans une population à risque moyen.
En France, le dépistage est basé par la réalisation d’une recherche immunologique de sang humain dans les selles réalisée tous les 2 ans entre l’âge de 50 ans et de 74 ans. Ce test est proposé directement au patient par le biais des centres de dépistage des cancers. Dans certaines régions le patient reçoit directement le kit, dans d’autres régions il est invité à le récupérer auprès de son médecin traitant. Vous pouvez demander des kits sur le site Ameli pro (https://espacepro.ameli.fr) afin de les distribuer à vos patients.
Ce test est positif lorsque le seuil de 30 µg de sang humain par gramme de selles est atteint. Ainsi un patient négatif peut avoir quand même du sang dans les selles. C’est la réalisation bien régulière tous les 2 ans qui va permettre au prochain test le rattrapage d’un éventuel faux négatif. Il est donc important que les patients inclus dans ce protocole réalisent le test de manière régulière sans les oublier. Il serait souhaitable que le laboratoire signale la présence de sang dans les selles même si le test est négatif mais ce résultat précis reste encore difficile aujourd’hui à obtenir.
Pour cette raison, le taux de faux négatifs des FIT reste élevé à 30% en cas de cancer colorectal(2).
Il en ressort que si un patient devient symptomatique, l’existence d’un test de recherche de sang dans les selles négatif n’est pas un argument pour éviter une coloscopie et le patient doit être adressé en consultation de gastro-entérologie.
QUELLES SONT LES PERFORMANCES DE LA COLOSCOPIE ?
La performance de la coloscopie dépend de critères de qualité définis par la Société Française d’Endoscopie Digestive (SFED)3. Les principaux critères de qualité sont les suivants :
• Une consultation préalable à la coloscopie
• Une prescription de préparation colique expliquée et adaptée à la situation médicale du patient
• Une évaluation de la qualité de la préparation indiquée sur le compte-rendu est évaluée suivant le score de Boston allant de 0 à 9. 9 étant la meilleure préparation possible ne laissant aucun résidu.
• La technique de polypectomie doit être adaptée avec une résection macroscopique complète, le compte-rendu doit être factuel, descriptif et exhaustif.
La capacité de la coloscopie à réduire le risque de cancer colorectal est évaluée par le taux de cancer d’intervalle. C’est-à-dire le nombre de cancers colorectaux décelés avant l’examen de contrôle proposé. Ainsi lorsqu’une coloscopie de contrôle est proposée à 5 ans, on appelle cancer d’intervalle, un cancer qui se révèle dans les 5 années qui suivent la coloscopie. Un cancer du côlon qui apparaît au-delà des 5 ans qui suivent est considéré comme sporadique.
Une grande étude australienne a évalué ce taux à 0,06 % sur 352 685 individus suivis en moyenne pendant 55,4 mois4. En contrepartie, le risque de cancer colorectal sur une vie entière, dans la population à risque moyen est de 3 à 4%, de 4 à 10% dans la population à risque élevé et de 40 à 100% dans les populations à risque très élevé (données HAS, recommandations de bonnes pratiques, 20 Juin 2017).
QUELS SONT LES RISQUES DE LA COLOSCOPIE ?
Le risque d’ouverture de la paroi colique a beaucoup diminué avec la performance des endoscopes devenus plus souples, il concerne maintenant une coloscopie sur 2 000 à 10 000 en fonction des études, le plus souvent ces ouvertures ont lieu perprocédure et sont traitées au cours du geste de résection endoscopique. Elles sont le fait des possibilités de traitement de polypes volumineux ou étendus de plus en plus performant (dissection sous muqueuse, mucosectomie en piece-meal …).
Plusieurs mécanismes peuvent expliquer ce type d’accident : ouverture de la paroi sur une traction d’adhérence, sigmoïde fragilisé par des diverticules, ouverture barostatique du fait de l’insuffl ation… Ces diff érents mécanismes ont été décrits par la Société Française d’Endoscopie Digestive5 et en cas d’accident, l’origine doit être décrite dans le compte-rendu de la coloscopie.
L’étude de Laani et al6 publie les résultats d’une database française entre 2010 et 2015 regroupant 4 088 799 patients ayant bénéficié de coloscopie : le taux de perforation se situe entre 3,5 et 7,3 pour 10 000, le saignement de 6,5 à 23,1 pour 10 000 procédures et les lésions de la rate (complication de plus en plus décrite) entre 0,2 pour 10 000 procédures.
Les facteurs de risque sont l’âge avancé et les comorbidités, pour les saignements et la perforation, le principal facteur est la polypectomie pour des polypes de plus d’un centimètre.
CONCLUSION
Toute personne de plus de 50 ans doit suivre une démarche de dépistage ou de prévention du cancer colorectal. Le choix entre le dépistage par test de recherche de sang dans les selles ou de prévention par coloscopie dépend des facteurs de risque mais aussi du souhait du patient.
Les recommandations de la Société Française d’Endoscopie Digestive est que tout patient a le choix, il doit être informé des risques de l’une ou l’autre technique. L’auteur ne déclare pas de liens d’intérêts au sujet de cet article.
RÉFÉRENCES
1. Johns LE, Houlston RS. A systematic review and meta-analysis of familial colorectal cancer risk. Am J Gastroenterol 2001;96:2992-3003.
2. Selby Ket al. Ann Intern Med 2018 ; 169 : 439-47. Influence of varying quantitative fecal immunochemical test positivity thresholds on colorectal cancer detection: a community-based cohort study.
3. Lapuelle J, Bernardini D, Robaszkiewicz M et al. Critères de qualité de la coloscopie. Recommandations du CNP-HGE et de la SFED. Hépato-Gastro et Oncologie Digestive 2019 ;26 :15-28
4. Waldmann E, Penz D, Šinkovec H, Heinze G, Rinner C, Jiricka L, Majcher B, Hinterberger A, Trauner M, Ferlitsch M.Interval cancer after colonoscopy in the Austrian National Screening Programme: influence of physician and patient factors. Gut. 2021 Jul;70(7):1309-1317. doi: 10.1136/gutjnl-2019-319427. Epub 2020 Oct 6.
5. AL Tarrerias et al. Redéfinition de la perforation colique en fonction de son origine. Hépato-Gastro et Oncologie digestive / 13 Volume 27 Numéro 1 janvier 2020.
6. Moussa Laanani, Joël Coste, Pierre-Olivier Blotière, Franck Carbonnel, and Alain Weill. Patient, Procedure, and Endoscopist Risk Factors for Perforation, Bleeding, and Splenic Injury After Colonoscopies. Clinical Gastroenterology and Hepatology 2019;17:719–727