Téléconsultations : petite revue de la littérature nationale internationale
La COVID-19, pandémie meurtrière, ravageuse des économies de la planète, grande destructrice des liens humains mais aussi… accélératrice de progrès ? En témoigne le fantastique essor de la téléconsultation. Lancée en 2018 à l’échelon national par l’opérateur Doctolib, elle a pris son envol irrésistible pendant la période de confinement du printemps 202O et elle est devenue – qui l’eut pronostiqué – incontournable dans la vie des Français en l’espace de quelques semaines. En mai 2020, 41 000 téléconsultations avaient déjà eu lieu chaque jour. Les médecins, souvent plus réticents que les patients, se révèlent de plus en plus nombreux à s’y convertir au fil du temps et plébiscitent de plus en plus fort cette nouvelle façon de consulter. La téléconsultation n’est décidemment pas un moyen de fortune, une façon de consulter « faute de mieux », c’est une révolution tranquille dans l’art et la façon de pratiquer la médecine. Les médecins, mais aussi tous les autres praticiens de santé pratiquant des consultations prennent progressivement goût à cette nouvelle façon de pratiquer leur métier.
La consultation vidéo s’affirme dorénavant comme un nouvel outil essentiel à intégrer à la pratique quotidienne des cabinets médicaux. Les praticiens y étaient plutôt hostiles car ils considéraient ne pas pouvoir faire convenablement leur métier en= dehors de la consultation présentielle. L’épidémie de COVID les a en quelque sorte contraints de « s’y mettre » et beaucoup y ont pris goût et continuent aujourd’hui de l’utiliser. Chaque jour de nouveaux adeptes y adhèrent.
L’historique
Il y a plus de 20 ans, ce qu’on appelait la télémédecine faisait déjà l’objet d’un débat1 : « La télémédecine s’inscrit dans le mouvement général de la « technicisation » du système de soins mais il n’est pas non plus inutile de rappeler qu’elle ne doit en aucun cas modifier la qualité de la relation médecin/patient, en particulier elle ne doit pas se faire aux dépens de la clinique. En revanche, elle peut constituer une amélioration du confort de la pratique médicale dans les cas d’isolement du médecin ». La mise en garde était claire : « Oui d’accord pour la TC, mais attention à ne pas saborder sur l’autel de la technologie la consultation présentielle avec son rapport soignant/patient si particulier ainsi que sa clinique ».
En mai 2019, la HAS, définissait le cadre de la téléconsultation2 : « Pour pouvoir ouvrir droit à la facturation à l’Assurance Maladie les patients bénéficiant d’une téléconsultation doivent être :
1. Orientés initialement par leur médecin traitant,
2. Connus du médecin télé-consultant, c’est-à-dire ayant bénéficié au moins d’une consultation avec lui en présentiel dans les douze mois précédents. »
Ces restrictions, on le sait, voleront en éclat au Printemps 2020 avec la première vague.
Et, en pleine pandémie de COVID, voici les recommandations du CNGOF en ce qui concerne la contraception3.
- Éviter une consultation présentielle en première intention sauf cas particuliers et préférer une téléconsultation (téléphone, visiophone, Skype ou similaire, messages écrits en cas de défi cit auditif).
- La consultation présentielle pour contraception chez une femme présentant des symptômes de COVID doit être reportée après la fin de la période contaminante.
- La téléconsultation est acceptable pour le renouvellement de la contraception hormonale (pilule, patch, anneaux).
- La téléconsultation est acceptable pour une initiation de contraception hormonale (pilule, patch, anneaux) : l’examen gynécologique préalable est inutile en l’absence de signe d’appel.
- La téléconsultation est acceptable pour un suivi de contraception par LARC (implant contraceptif, DIU). Le changement d’un LARC peut être reporté de quelques mois, la durée de son e cacité allant au-delà de l’AMM selon les études.
- Une consultation à distance permet d’évaluer si la pose d’un DIU ou d’un implant est possible et de la programmer dans les meilleures conditions en fonction du cycle ou de la contraception en cours.
- Il convient de rappeler aux femmes que la contraception d’urgence hormonale (Norlevo® et Ella One®) est disponible sans ordonnance en pharmacie et doit être prise au plus vite après un rapport à risque.
Que de chemin parcouru depuis les balbutiements de la téléconsultation ! La revue de la littérature de Bashur4 en 2016 dresse un portrait-robot mondial de cette nouvelle façon de faire une consultation. Elle fait le point sur les fondements de la télémédecine en soins primaires. Il s’agit d’un travail considérable : une revue des 2 308 études scientifiques publiées de 2005 à 2015 parmi lesquelles 86 études répondant aux critères d’inclusion ont été retenues. La majorité des études montrent la faisabilité / l’acceptation de la télémédecine pour une utilisation en soins primaires avec cependant des variations importantes selon le sexe, l’âge et le statut socio-économique. Elle est souvent jugée plus acceptable par les patients que par les praticiens de santé. Et globalement les interventions de télémédecine sont généralement au moins aussi efficaces que les consultations présentielles. Quant aux coûts de réalisation, ils varient selon les pays et les publications, mais la télémédecine en soins primaires s’avère à priori très rentable. Reste cependant pour les auteurs à valider son impact sur les résultats cliniques avec une rigueur scientifique, ainsi que ses coûts réels.
En conclusion, l’acceptation des patients et des soignants ferait de plus en plus de la télémédecine une composante viable et intégrale des soins primaires dans le monde entier.
La Suisse s’est rapidement imposée dans ce domaine avec les plateformes pionnières « Medgate » et « Medi » avec des téléconsultations proposées aux patients par leurs caisses maladie 24h/24 et 365 jours /365 en plusieurs langues. « Medgate » revendique ainsi 5 millions de TC depuis 2000 et propose depuis avril 2018 une application de TC avec prises de rendez-vous en ligne. Une autre application « Ton docteur CH » propose aussi des vidéos de consultations sécurisées. Cette nouvelle option de consultations, complément de la consultation présentielle réduit les coûts car la TC suisse est tarifée moins chère que la consultation présentielle5.
Aux USA, plus de la moitié des hôpitaux américains possèdent un service de TC et leur nombre a explosé en quelques années : 350 000 TC en 2013, puis 800 000 TC en 2015 et on comptait 7 millions de TC en 20185. En 2014, la Mayo Clinic estimait que les employeurs pourraient économiser 6 milliards de dollars US en proposant la TC à leurs employés6. Avec une conclusion : faciliter l’accès aux soins médicaux, y compris durant les heures de travail, améliore le bien-être et donc réduit l’absentéisme et les coûts7 : « gagnant – gagnant pour les 2 parties ».
En Grande Bretagne l’utilisation des applications médicales de TC a augmenté de 35% entre 2014 et 20188. L’auto-évaluation de Santé (Self Assessment) en ligne est encouragée et plus de 40 millions de pages sont visitées chaque mois sur le site NHS Choices9. Une plateforme avec plusieurs outils en ligne, dont l’objectif est de diminuer les consultations non indispensables, a été mise à disposition des assurés dés 1998. Elle o re des prestations téléphoniques ou vidéo : rendez-vous médicaux, renouvellements d’ordonnances, conseils généraux sont à l’origine d’une réduction de 25% du nombre des consultations présentielles avec les généralistes10
Il n’en reste pas moins un certain nombre de critiques faites au service NHS – National Health Service. Ainsi l’Ecossais Spence persuadé que « l’avenir c’est la téléconsultation !11» ne mâche pas ses mots. Son groupe a en charge plus de 600 000 patients répartis sur 5 sites différents dans le centre de l’Ecosse. Mais les médecins ayant suffisamment de patients en ville ne visitent que rarement la banlieue et la province. Il affirme avec provocation que « … cette avancée technologique étant vécue comme un danger mortel, continue d’agresser le crâne épais de certains médecins » … Et il pose le problème : faut-il obliger les médecins à visiter ces lieux isolés ou à travailler à distance à partir de sites distants basés à Edimbourg ou à Glasgow ? Il plaide pour une solution vidéo simple qui permette la prise de rendez-vous, enregistre et stocke toutes les consultations et il se désole que » … le NHS soit « à peu près aussi agile qu’un supertanker et aussi innovant qu’un chef de rubrique à la BBC » en ce domaine. Il rêve de pouvoir faire des téléconsultations en ayant en main le dossier médical complet du NHS : « … les médecins pourraient consulter leurs patients à leurs domiciles, leur évitant les déplacements et les problèmes de garde d’enfants ». Des plages horaires de travail pourraient être choisies par le praticien de 6h00 à 22h00 ou même les WE : « … At Home », les médecins seraient sûrement plus disposés à travailler quelques heures supplémentaires en cas d’épidémies de grippe ou autres. Que de journées gâchées en moins pour le monde du travail si les patients pouvaient joindre leurs médecins aussi facilement ». Il fustige enfin : « Non, le National Health Service ne sera pas vraiment le moteur de développement des téléconsultations et il est donc temps que quelqu’un d’autre le fasse ! ».
Toujours au Royaume-Uni une récente revue de la littérature de Mars 202012 fait le point sur les coûts des téléconsultations dans le service National de Santé au Royaume-Uni. Au total, 3 132 articles ont été retrouvés et parmi les 140 publications retenues, 101 répondant aux critères d’inclusion ont été analysées. Les premières études montraient que le coût initial d’une TC était prohibitif : une d’entre elles citait en e et le chi re de 48 £ (61 $ US) pour établir une liaison de téléconsultation comprenant l’unité de TC et les frais de connexion au réseau numérique. Parmi d’autres études retenues, deux d’entre elles constataient que les téléconsultations en « live » coûtaient 5 fois plus chers à organiser pour les plateformes soins de santé que les modèles de téléconsultation à « mémorisation et retransmission » : 132 £ (169 $ US) versus 29 £ (37 $). Finalement les frais induits par les TC n’étaient pas acceptables en GB : leur surcoût s’établissait pour les praticiens entre 15% et 100% par rapport aux consultations présentielles.
Actuellement la situation semble s’améliorer en raison de la réduction des rendez-vous manqués qui a un impact fi nancier très favorable sur les coûts et surtout parce que les fournisseurs d’accès de la TC offrent des services de moins en moins chers. Pour les patients, les TC réalisent une économie drastique en raison de la réduction des frais de déplacements et de stationnements : le coût est estimé à 1,3 $ pour une connexion versus 23 $ par heure de trajet.
En France, pionnière la société AXA revendique 10 000 TC par an pour ses salariés et elle a su proposer la première cabine médicale connectée : la « Consult Station » installée dans les entreprises, collectivités, hôpitaux… Toktokdoc.com propose des TC en EHPAD, remboursées par la Sécurité Sociale. Enfin, Doctolib®, une société Française privée, a totalement révolutionné la téléconsultation en 2018 en offrant aux soignants (pas seulement aux médecins) une plateforme fiable et peu coûteuse et surtout synchronisée avec l’agenda Doctolib® de prise de rendez-vous déjà très implanté en secteur libéral et public. 2 ans plus tard, la pandémie COVID achèvera de confirmer la téléconsultation comme un mode de consultation incontournable.
Mais…la TC est-elle vraiment compatible avec l’exercice de la Gynécologie ?
Les spécialités de gynécologie médicale, chirurgicale et obstétricale comportent un certain nombre de gestes cliniques, qui à priori imposent la consultation présentielle mais sont-ils toujours indispensables, obligatoires et sans alternatives ? La réponse est aujourd’hui évidemment non. Une femme examinée récemment ne présentant strictement aucune anomalie clinique doit-elle systématiquement être réexaminée au titre rituel obligatoire de la consultation présentielle ? Un sondage (réalisé par Doctolib, avec la Fédération Nationale des Collèges de Gynécologie Médicale (FNCGM) pratiqué à la sortie de la tourmente de la première vague COVID du 5 au 15 mai 2020 auprès de 203 gynécologues utilisant la plateforme13 révèle que, de l’avis des praticiens, nombre de consultations peuvent être -et ont été – réalisées en TC.
Pendant la première vague de la pandémie 4 motifs principaux de TC émergent dans ce sondage.
Au hit-parade (Figure 1) :
1. les résultats d’examens complémentaires ;
2. les renouvellements des contraceptions hormonales (oestro-progestatives ou progestatives seules) ; 3. les modifi cations de traitements prescrits ;
4. les consultations d’informations. Mais ces indications sont loin d’être les seules et le même sondage révèle de nombreuses autres circonstances compatibles avec la TC. Ainsi ont été aussi cités :
- Le diagnostic et le traitement de certaines infections comme les mycoses ou les infections urinaires
- La prescription des examens et traitement du partenaire lors d’infections (ex : chlamydia, gonorrhée)
- La préparation d’une consultation présentielle
- Le suivi régulier d’une indication stable ne nécessitant pas d’examen physique (endométriose, ménopause, Infertilité…)
- La consultation initiale dans le cadre d’une infertilité (conseils, premier bilan)
- La consultation avec le partenaire masculin dans le cadre d’une infertilité
- Le suivi de patientes dans le cadre de la stérilité
- Le traitement et suivi dans le cadre d’une infertilité
- La contraception
- Le renouvellement d’une contraception (pilule, patch, anneau)
- La consultation d’information sur les problématiques autour de la sexualité
- La première consultation de contraception chez une jeune fille de moins de 25 ans
- La grossesse
- La consultation pré-conceptionelle
- Les résultats du dépistage de la trisomie 21
- La prolongation d’arrêt de travail (ex : dépression, suites opératoires compliquées)
- La prise en charge des résultats pathologiques entre deux consultations prénatales mensuelles
- La prise en charge du diabète gestationnel
Nous l’avons vu plus haut, la gestion de la contraception a fait l’objet de recommandations du CNGOF3 au plus fort de la première vague de la pandémie :
L’IVG médicamenteuse fait aussi partie des actes compatibles avec la TC et la HAS14 la recommande (tout du moins si incapacité à assurer une consultation présentielle) « … l’outil de téléconsultation peut être mobilisé par les professionnels de ville pour réaliser certaines ou l’ensemble des consultations qui structurent le parcours d’IVG médicamenteuse et les acteurs doivent être encouragés à davantage l’utiliser au cours de cette période, eu égard à la réduction du risque épidémique qu’il permet, tout en préservant la qualité de la prise en charge des femmes ».
Toujours concernant l’IVG médicamenteuse une étude intéressante15 fait le point sur l’intérêt de la TC auprès du personnel d’un centre de planning effectuant des IVG médicamenteuses dans le Great Northwest et les îles Hawaïennes en Alaska, zones particulièrement isolées. Les principaux enseignements de cette publication sont que la TC facilite une approche plus spécifique des femmes : elles peuvent être vues en présentiel ensuite plus tôt et plus près de leur domicile, elles ont un plus grand choix dans le type de procédure d’IVG. Par ailleurs les soignants estiment qu’une téléconsultation nécessite en grande partie les mêmes processus globaux et le même flux de résultats qu’une consultation présentielle. Ces résultats sont cohérents avec la littérature scientifique publiée et ils indiquent une acceptabilité élevée parmi les soignants ainsi que la pertinence d’une téléconsultation pour assurer un service d’IVG médicamenteuse.
L’intérêt de la TC pour les motifs habituels de consultations gynécologiques aussi été explorés en une étude d’acceptabilité et d’efficacité, menée par le Collège Royal Australien et Néo-Zélandais des Obstétriciens et Gynécologues16. Il s’agit d’une étude rétrospective ayant colligé toutes les téléconsultations de gynécologie de juin 2015 à Mars 2016. Sur 7 042 patientes, après élimination des indications de colposcopie, de début de grossesses… 4 738 consultations étaient éligibles à la téléconsultation et 1 013 patientes ont été choisies pour une téléconsultation (21,4%).
La réduction du nombre de consultations présentielles est de 18,2% (866 sur 4 738)
L’étude ne relève aucun décès ou admission urgente en rapport avec les raisons de la téléconsultation ni aucun diagnostic ultérieur de pré-cancers ou cancers sous-jacents. En conclusions de cette étude, la téléconsultation :
- est efficace à réduire le nombre de consultations présentielles sans compromis sur la qualité des soins ou la sécurité des patientes.
- permet aux gynécologues de donner des conseils,
- leur permet aussi d’assurer éventuellement leur mission d’expert auprès de leurs correspondants.
Restent à préciser pour les auteurs les avantages et la satisfaction des patientes ainsi que l’évaluation plus approfondie des impacts sociaux, économiques et financiers de toutes les parties concernées.
Sur le même thème de consultations pour motifs gynécologiques classiques, une autre étude prospective17, basée sur une population de femmes parlant polonais évalue l’utilisation de TC dans le monde entier pour la gynécologie obstétrique chez des femmes ayant un âge moyen de 27 ans. 244 TC (du 1/12/16 et 31/03/2018) ont été pratiquées pour 185 patientes, majoritairement en gynécologie (76%) et 24% en obstétrique. 10% d’entre elles résidaient en dehors de la Pologne et 1 seule patiente a nécessité une consultation en service d’urgence. Les conclusions de cette étude :
- Accès rapide des femmes à leurs médecins alors que l’accès traditionnel aux consultations présentielles était relativement plus di cile à obtenir
- Les TC peuvent réellement être une alternative aux consultations traditionnelles (pour celles qui souhaitent une consultation immédiate ou qui résident à l’étranger)
- Les motifs de consultations sont extrêmement ‘variés : les TC sont compatibles avec de nombreuses situations en gynécologie et en obstétrique comme on peut le voir sur la figure 2.
Une étude Australienne18 concernant l’utilisation de la TC auprès de populations résidant dans des « déserts médicaux (Figure 3) montre que si le nombre de TC est relativement stable de 2005 à 2014, le motif « grossesse » fait partie des 10 items ayant augmenté de façon significative en l’espace de 10 ans.
Téléconsultation : Acceptabilité Avantages-Défis
Une très récente étude britannique qualitative en soins primaires19 tente de répondre à ces questions en analysant les résultats d’entretiens semi-structurés auprès de 21 patients et 13 médecins :
Côté patients l’expérience est jugée positive. Particulièrement utile au travail, en cas de mobilité réduite, ou de problèmes de santé mentale. La TC est considérée comme supérieure aux consultations téléphoniques (le contact visuel permettant mieux la relation affective). Mais les problèmes techniques rencontrés restent fréquents et modèrent cette vision positive des patients : ils considèrent que la condition à leur faisabilité routinière est une indispensable amélioration de leur infrastructure technique. Ils estiment enfin que les consultations face à face restent préférables pour les problèmes complexes ou sensibles.
Côté médecins les TC devraient être plus fi ables et surtout, afin de pouvoir les utiliser au quotidien, être intégrées de façon simple à l’agenda (avec nécessité de mise à niveau des systèmes informatiques du NHS). Les auteurs concluent à la supériorité de la composante visuelle versus le simple contact téléphonique. Ils estiment que la demande de TC va sans doute s’accroitre dans un proche avenir et que si les TC sont intégrées à l’agenda elles offriront certainement une alternative rapide aux consultations « face à face » quand l’examen n’est pas requis.
Une autre publication très récente20 fait la revue systématique des expériences des patients et des médecins en matière de consultations vidéo. 7 études ont été incluses dans cette revue et les résultats montrent que les patients sont satisfaits en particulier pour le gain de temps et d’argent réalisés. Patients et médecins estiment que toutes les consultations ne peuvent être opportunes pour les TC. Si elle est possible la consultation présentielle est jugée préférable. Enfin oui, la TC est jugée plus pratique mais elle n’est pas de qualité supérieure à la consultation « face à face ».
La publication de Micheal O’Cathail et collaborateurs déjà citée12 résume la situation à date (2020). Les TC semblent être sures et efficaces et elles seront surement de plus en plus demandées par les patients. Elles devraient cependant rester une option d’enrichissement du système de soins traditionnels plutôt qu’un remplacement. Pour les patients et les médecins, l’« étalon or » reste la consultation « face à face ». Les TC restent globalement acceptables pour les patients mais un peu moins pour les médecins : pour les soignants, elles restent cliniquement utiles mais potentiellement limitées. Leur coût reste difficile à évaluer en raison des situations locales différentes, du large éventail d’études et des changements technologiques, mais pour les médecins les économies sont démontrées. L’organisation de la technique dans la pratique courante représente un obstacle complexe dans le financement, le remboursement et dans le flux de travail des médecins.
Remarquons ici que les soignants Français ont la chance de disposer depuis 2018 d’une plateforme techniquement efficace, de coût réduit et surtout intégrée à leur agenda électronique (Doctolib).
La revue de la littérature de Almathami publiée en 2021 inclut 45 études. 44 (98%) d’entre elles ont indiqué que les TC étaient efficaces à améliorer l’état de santé général des patients et à évaluer avec succès leurs conditions de santé. Cependant, le niveau de preuve est différent dans chaque étude, (allant du niveau 2 à 6), la majorité étant cependant de niveau 2 à 4. Au total, 12 études sur 45 se sont intéressées à la satisfaction éventuelle des participants et toutes montrent des scores record de satisfaction (selon les études et la forme de score retenu, par exemple : 9,5 sur 10, ou 100% (60% très satisfaits ; 40% satisfait) ou 4,71 sur 5 ou 3,91 sur 5 ou 97%… Les auteurs dressent enfin la liste des facteurs facilitateurs et barrières de la TC (Figure 4). Enfin en France une excellente thèse de troisième cycle de médecine générale22 dresse et évalue en 2015 les avantages et inconvénients de la TC tels que perçus par les praticiens (environ 5 ans avant le début de la pandémie COVID et 3 ans avant la mise à disposition de la plateforme française de TC par Doctolib).
Parmi les avantages :
- La possibilité d’avoir un avis de second recours plus rapide (81,7%)
- Le déplacement moindre des patients (80,5%)
- L’amélioration des échanges entre professionnels de santé (70,7%)
- L’amélioration de la prise en charge du patient (64,6%)
- La possibilité d’éviter les redondances d’examens complémentaires (59,8%)
- L’amélioration de vos compétences dans certains domaines (57,3%)
- La possibilité d’être présent au côté du patient lors de la consultation (53,7%)
- La possibilité de faire des économies pour la sécurité sociale (37,8%)
- Un moyen de lutter contre les déserts médicaux (36,6%) mais 45,1% ne considéraient pas la téléconsultation comme un moyen de lutter contre les déserts médicaux.
Parmi les freins :
- Les difficultés liées à l’organisation du planning des consultations (84,1%)
- Le temps accordé à ces consultations (64,6%)
- Le coût d’installation du matériel nécessaire (63,4%)
- Le montant de la rémunération de cet acte (61%)
- La non-adhésion des médecins généralistes (58%)
- La non-adhésion des médecins spécialistes (54,9%)
- La sensation de déshumanisation (52,4%)
- La non-adhésion des patients (37,8%)
- La peur du non-respect du secret médical (26,8%)
EN CONCLUSION
- La téléconsultation facilite la communication entre médecins et patients à condition qu’elle s’inscrive dans une relation de confiance déjà établie et qu’elle ne se substitue pas systématiquement au « face à face » lorsque cela est indiqué.
- La gynécologie obstétrique est une spécialité comportant de nombreux motifs de consultations réalisables en TC.
- Le rapport coût/efficacité, en général favorable, doit encourager le déploiement de la téléconsultation pour renforcer notamment l’éducation thérapeutique dans le suivi des maladies chroniques.
- Les changements induits par la télémédecine dans la relation médecin-patient sont généralement mieux admis par les nouvelles générations de patients et de médecins, plus à l’aise dans l’utilisation des nouveaux outils de communication.
- Les avantages en termes d’accessibilité, de sécurité et de confort expliquent l’accueil favorable des patients, voire souvent leur préférence pour cette modalité.
- Cependant contrairement à la situation française depuis 2018, la téléconsultation se heurte encore dans de nombreux pays à plusieurs obstacles : structurels, organisationnels, juridiques et surtout culturels. Elle remet en cause les fondamentaux de la relation médecin-patient, ainsi que les habitudes de travail ancrées de longue date dans la culture médicale.
La Téléconsultation ne s’oppose pas à la consultation traditionnelle : elle lui est complémentaire. Nul doute qu’elle trouve rapidement sa place définitive aux cotés de la consultation présentielle : bienvenue à un nouvel outil qui enrichit considérablement les moyens diagnostic et thérapeutiques à la disposition des médecins et de leurs patients !
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts envers cet article.
David Elia, Paris
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