Le microbiote vaginal : impact sur la santé de la femme
La dénomination microbiote est aujourd’hui remplacée par le terme de microbiome. Les microbiomes génitaux de la femme, regroupant les microbiomes vaginal, cervical, endométrial, périnéal, vésical, sont en interaction
QUELQUES RAPPELS SUR LE MICROBIOME VAGINAL
Dans la classification faite par J. Ravel, le microbiome vaginal de la femme non ménopausée a une dominante de lactobacilles (60 à 80 %) a priori bénéfique mais pas toujours. Certains comme L. iners sont de véritables faux frères qui peuvent se retrouver dans le vagin de femmes saines comme dans un vagin dysbiosique. A côté, il y a la série des autres bactéries majoritairement anaérobies (20 à 40%) qui peut être retrouvée à l’état normal chez les femmes et n’attendent qu’une chose : se développer si les lactobacilles évoluent mal.
Le microbiome vaginal est peu diversifié, contrairement à l’intestin où il y a de très nombreuses espèces de bactéries. L’augmentation de la diversité va signer le déséquilibre du microbiome. Le microbiome vaginal est œstrogènodépendant dynamique, et résilient. Plus il y a d’œstrogènes, plus la diversité est faible, plus le vagin est en bonne santé. Quand les œstrogènes manquent, comme en ménopause ou en postpartum, la diversité augmente et à ce moment-là le vagin va mal. Cette diversité est un critère à retenir pour les années à venir qui permettra de vérifier si la patiente a un bon équilibre au niveau vaginal.
La classification de J. Ravel est divisée en 5 classes communautés bactériennes. Les classes I, II et V représentent un microbiome normal. La classe III est dominée par le Lactobacillus iners, le fameux faux frère, qui représente soit un microbiote normal soit un début de dysbiose. La classe IV montre moins de lactobacilles, voire plus du tout, mais les anaérobies se développent, et la dysbiose mène jusqu’à la vaginose bactérienne. Cette description observée chez les femmes caucasiennes est différente du microbiome vaginal de femmes saines d’ethnie asiatique ou afroaméricaine. Ce qui fait qu’aujourd’hui il est difficile de dire ce qui normal et ce qui est anormal. Tant qu’il n’y a pas de nouvelles techniques d’exploration, la priorité est à la clinique en sachant que malheureusement certaines dysbioses qui peuvent avoir un effet délétère sont asymptomatiques.
Le microbiome vaginal est connecté au microbiote intestinal, au microbiote cervical, au microbiote de l’endomètre car l’utérus n’est pas stérile, mais aussi au microbiote périnéal (au niveau vulvaire) et au microbiote vésical. Le microbiote vaginal est largement influencé par tous les microbiotes qui l’entourent.
LES DYSBIOSES GÉNITALES
Les dysbioses génitales dépassent le cadre des infections génitales et sont impliquées dans d’autres pathologies : infections urinaires, histoire naturelle des infections HPV, grossesse, protocoles de FIV, syndrome génito-urinaire de la ménopause (SGUM)… Enfi n dans certaines pathologies tumorales, on commence à parler du rôle du microbiote, pas seulement vaginal mais aussi intestinal, de même dans l’endométriose ou dans le syndrome des ovaires polykystiques. Malheureusement, ce n’est pas parce que les microbiomes sont impliqués qu’il y a forcément une réponse thérapeutique basée sur les probiotiques. Il y a d’autres conséquences évidentes de la dysbiose, dont l’inconfort en premier lieu avec sécheresse, dyspareunie, et puis la série des infections : candidose, vaginose, infection urinaire.
- Microbiome vaginal et HPV
Il existe un lien entre l’histoire naturelle à HPV et la dysbiose vaginale. Certains lactobacilles comme L. gasseri (classe II de Ravel) permettent une clairance plus rapide et une progression plus lente des lésions du col de l’utérus. A l’inverse, la vraie dysbiose dont le stade ultime est la vaginose bactérienne, est un facteur de plus grande sévérité des lésions cervicales. Il y a une clairance beaucoup plus tardive du papillomavirus en cas de dysbiose vaginale. Il a aussi été démontré in vitro qu’un certain nombre de lactobacilles avait une action cytotoxique sur des cellules infectées par le papillomavirus, comme L. crispatus. Gardnerella vaginalis est associée à une progression plus fréquente vers des lésions de hauts grades.
- Microbiome vaginal et prématurité
De multiples études ont montré un rapport entre dysbiose et prématurité, avec des divergences sur les facteurs associés. Une étude faisant partie du Human Microbiome Project (soit 12 000 échantillons de microbiotes) montre cette augmentation de la diversité du microbiome vaginal des femmes qui ont accouché prématurément (diminution des lactobacilles, augmentation des bactéries associées à la vaginose) par rapport aux femmes qui ont accouché à terme, quelle que soit la technique d’évaluation de la diversité. Une méthode par séquençage shotgun (ce qui se fait de mieux à l’heure actuelle en métagénomique pour identifi er un nombre colossal de bactéries) montre que la présence de L. crispatus est associée à des naissances à terme, et que la dysbiose peut prédominer chez les femmes qui ont accouché prématurément.
- Microbiomes génitaux et FIV
Pendant longtemps, on a pensé que la cavité utérine était vierge de toute colonisation bactérienne. En fait, l’endomètre héberge un microbiome, une biomasse faible (moins riche que le vagin) compliquée à caractériser, mais détectable par amplification génique en PCR. Ces bactéries évoluent en nombre et en qualité en fonction du cycle menstruel.
Il y a une part de responsabilité du microbiome endométrial dans le nombre d’échecs d’implantation. On a démontré qu’il existe un continuum entre le microbiome vaginal et le microbiome cervical et le microbiome endométrial. Des études récentes ont montré qu’une diminution du nombre de lactobacilles au niveau vaginal pouvait être corrélée avec l’augmentation de l’α-diversité, elle-même prédictive d’un risque d’échec d’implantation. Deux autres études montrent que les femmes qui n’ont pas d’échec d’implantation ont un taux de lactobacilles vaginaux importants, et que les femmes qui ont des échecs répétés ont plus de Gardnerella, de Prevotella, d’Atopobium et de streptococcus, c’est-à-dire une dysbiose vaginale. Certaines bactéries, telles que L. iners ou Gardnerella vaginalis, augmentent la perméabilité cervicale par sécrétion de mucinases qui altèrent le bouchon cervical, alors que L. crispatus a un effet protecteur. Il faut à l’avenir s’intéresser au microbiome vaginal des femmes en échec de FIV même si elles sont asymptomatiques, car la dysbiose vaginale peut être cliniquement muette.
- Microbiome vaginal et SGUM
Le terme de SGUM a remplacé les termes un peu désagréables d’atrophie vulvo-vaginale, atrophie uro-génitale, ce qui est moins traumatisant ou anxiogène pour la femme. Les symptômes du SGUM apparaissent en préménopause et touchent 40 à 60% des femmes ménopausées.
Une majorité de femmes ménopausées présentent toujours des lactobacilles. Un peu plus d’un tiers d’entre elles sans traitement hormonal ont même un microbiote dominé par des lactobacilles. Une étude montre que dans le groupe I dominé par L. crispatus, le taux d’atrophie est faible. En comparaison avec la classe IV de Ravel (peu ou pas de lactobacilles), il y a une augmentation spectaculaire de l’incidence de la sécheresse et l’atrophie vaginale. Les lactobacilles jouent donc un rôle protecteur vis-à-vis de ces syndromes. Dans une étude parue il y a 6 mois portant sur 750 femmes, soit plus de 2 000 visites semestrielles, pratiquement un quart des femmes en préménopause n’ont pas suffi samment de lactobacilles et au moment de la ménopause le taux est pratiquement d’une femme sur deux.
ÉVALUATION DU MICROBIOTE VAGINAL ET TRAITEMENT
Le test de référence de la bactériologie, le score de Nugent, est un score quantitatif et non qualitatif. De nombreux lactobacilles inefficaces voire dangereux donnent un score de Nugent quasi normal alors que le vagin est dysbiosique. La majorité des bactéries qui vivent dans le vagin ne sont pas cultivables. On doit donc se fonder d’une part sur la clinique et d’autre part sur l’inflammation. Mais dans la majorité des dysbioses, il n’y a pas de réactions inflammatoires, ce qui implique le besoin de nouveaux tests comme les PCR Multiplex. Ce sont des tests PCR multicartes extrêmement fiables en spécificité et sensibilité. Leur précision risque cependant de faire basculer sur une overdose d’antibiotiques et éventuellement de probiotiques. Il est nécessaire de développer des tests plus simples qui permettent d’évaluer la diversité du microbiote vaginal, véritable marqueur de l’équilibre ou de la dysbiose.
- Quels sont les limites des traitements classiques ?
Que ce soit pour la candidose vaginale, la vaginose bactérienne ou la vaginite aérobie, les traitements possèdent des avantages et des inconvénients : résistances, effets secondaires, risque de récidives, etc. Restaurer les microbiotes est peut-être la solution. Pour cela, il faut comprendre pourquoi ils sont déséquilibrés (tabac, toilette antiseptique, antibiothérapie intempestive). Les solutions probiotiques en gynécologie sont les lactobacilles de restauration, mais aussi les prébiotiques qui correspondent au carburant des lactobacilles. Ce sont des saccharides du type FOS ou GOS. La solution synbiotique est l’association de moyens probiotiques et prébiotiques. La solution post-biotique correspond à des métabolites bénéfiques produits par les micro-organismes.
- Quelles sont les indications et les limites des probiotiques ?
Les probiotiques ne sont pas adaptés pour tout. Pour le traitement de la vaginose bactérienne, de la candidose, de la vaginite aérobie, les probiotiques montrent leur intérêt, surtout en prévention. Pour les échecs répétés de FIV, il est possible de considérer l’association de probiotique avec des antibiotiques. Pour le SGUM, il y a une amélioration significative du microbiome vaginal de femmes ménopausées après chimiothérapie pour cancer du sein traitées avec des probiotiques par rapport au placebo, sans toutefois avoir d’influence démontrée sur la symptomatologie clinique.
- Unisouche ou multisouche ?
Les résultats cliniques dans les études sur les probiotiques sont hétérogènes (pas les mêmes souches, unisouche, multisouche, modes d’administrations diff érents, durée du traitement et post traitement variables). En dehors des sujets immunodéprimés, les analyses concluent à l’innocuité des probiotiques. Il y a plusieurs intérêts à donner des multisouches. Tous les lactobacilles n’ont pas les mêmes propriétés (acidification, production de H2O2, anti-infectieux, adhésion, …) donc il est intéressant d’associer des souches qui pourraient avoir une action synergique. D’autre part, les lactobacilles n’ont pas toujours le même mode d’action, cela permettrait d’étendre le spectre d’activité. En particulier, deux méta analyses montrent une supériorité des multisouches vis-à-vis de la mortalité et de la morbidité des prématurés en comparaison avec des unisouches.
Il y a beaucoup d’avancées mais les solutions thérapeutiques ne sont pas encore là. Les probiotiques ne sont pas la réponse à tout : il faut aussi se baser sur le diagnostic, avec des techniques qui peuvent analyser la diversité microbienne qui semble plus simple à interpréter. Il faut utiliser les probiotiques à bon escient avec la ou les bonnes souches et les bonnes durées de traitement.
Les prélèvements vaginaux ne sont plus comme avant. Le batonnet en laboratoire suffit t-il pour un bon prélèvement ? Tout dépend du laboratoire. Si utilisation du multiplex PCR, il suffit de mettre dans un milieu de transport et le screening se fait. Les auto-prélèvements vont permettre la recherche de MST en général.
L’épilation totale vulvaire est-elle un facteur de risque ? Oui. Les conséquences de l’épilation totale sont la perte du poil avec le follicule pileux avec la glande sébacée qui produit le sébum qui est le fi lm hydrolipidique, qui sert de tapis roulant aux lactobacilles pour réensemencer le vagin quand il vient du rectum et surtout qui protège de la vulve de ces agressions quotidiennes que la femme peut vivre. Il faut dissuader de faire cette épilation.
Les probiotiques en ménopause ? En préménopause : on peut conseiller par exemple une association œstrogènes-probiotiques par voie vaginale 3 fois par semaine. Si la femme ne veut pas prendre d’œstrogènes locaux ou a des contre-indications, il est possible d’utiliser des probiotiques seuls : soit 1 semaine par mois avec 1 ovule tous les soirs, soit des probiotiques à eff et prolongé avec 1 ovule tous les 4 jours. En ménopause : il faut continuer le même schéma.
Le Multiplex ne permet pas d’identifier L. iners. Comment fait-on pour savoir que l’on a affaire à lui ? On ne peut se fier qu’à la clinique à l’heure actuelle.
Le stérilet / dispositif intra utérin et microbiote ? Longtemps un sujet de discorde. Enlever le dispositif ne doit pas être de première intention d’après des études actuelles très rassurantes.
Article rédigé par Mme Cindy Patinote
Relecture réalisée par le Dr Jean-Marc Bohbot
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