Abondance de mal, nuit
Jérôme K. Jérôme a écrit un livre fameux « Trois hommes dans un bateau » en 1889, mondialement connu. Dans ce livre, si mes souvenirs d’enfance ne me trompent pas, un homme trouve un dictionnaire médical, le lit, et se précipite chez le médecin terrorisé. Le médecin lui demande ce qui l’amène et l’homme affolé lui répond :
« Docteur, j’ai tout sauf l’épanchement de synovie ! »
Ma consultation ressemble actuellement à cela : lorsqu’une femme me consulte, je suis tenté de lui demander :
« Venez-vous pour une endométriose ou un ovaire polykystique ? »
L’endométriose n’est certes pas une nouvelle maladie. Maladie rare il y a encore 10 ans, découverte souvent lors d’une symptomatologie lourde, appartenant au champ de la chirurgie dans les questions d’internat. Le diagnostic devait être chirurgical laparotomie avant l’avènement de la coelioscopie. Les progrès de l’imagerie ont permis de se passer de la chirurgie pour le diagnostic : Echographie et IRM sont utilisés largement avec découvertes d’anomalies de plus en plus fines amenant des diagnostics très (trop ?) fréquents, voire fortuits. Un récent article du Lancet élargit encore le champ diagnostic puisque la symptomatologie clinique suffirait pour poser le diagnostic même en l’absence d’imagerie positive. La symptomatologie étant souvent aspécifique, on peut en arriver à se poser la question : l’endométriose est-elle physiologique ? Auraient potentiellement ainsi une endométriose, les femmes ayant une dysménorrhée, des douleurs abdominales hors des règles puis un côlon irritable, un état dépressif … Quelle femme peut ne pas se poser la question d’en être atteinte ?
L’ovaire polykystique SOPK décrit en 1935 par les docteurs Stein et Léventhal (SL), est une maladie rare dans sa forme caricaturale dite de type 1. Petit à petit l’ovaire polykystique s’est étendu grignotant l’espace entre le syndrome de SL et madame tout le monde. Plusieurs classifications dans plusieurs pays ont tenté de placer le curseur au bon endroit pour affirmer ou non l’existence d’un SOPK. Les diagnostic est basé actuellement sur les critères dits de Rotterdam : présence de 2 parmi 3 critères majeurs( cycles irréguliers, hyperandrogénie ou hyperandrogénisme, image échographique) affirment ainsi l’existence du syndrome.
Cycles irréguliers : signifie hors de la fourchette 24-38 jours. Les troubles de la nutrition jouent un rôle considérable dans la régularité du cycle surtout actuellement du fait des déviances alimentaires (anorexie, dysorexie, orthorexie, régimes végétariens, végétalien, véganisme, régime d’exclusion gluten, lactose… J’en passe et des meilleurs). De plus les
femmes SOPK ont tendance à prendre du poids (hyperinsulinisme) et se mettent fréquemment pour rester minces à l’un des régimes cités plus haut. SOPK dits Canderel !
Hyperandrogénie (augmentation des androgène circulants) La fiabilité du dosage est modeste dans les zones proches de la norme et le prélèvement doit être fait au 2 ou 3ème jour d’un cycle spontané ce qui est une gageure dans un syndrome où l’anomalie des cycles est fréquente. Le seuil pathologique est pour certains de 0,8 ng/ml. Une augmentation de la forme libre de la testostérone serait plus adéquate car il s’agit de la forme active mais elle est de dosage délicat peu fi able en pratique courante. Elle dépend du taux de la testostérone totale mais aussi de la baisse de la protéine porteuse de la testostérone par hyperinsulinisme très fréquent dans le SOPK (70%).
Hyperandrogénisme : est une manifestation clinique d’hyper androgénie avec androgènes circulants normaux. Je ne vois pas en quoi ceci serait une marque de SOPK !
Font partie de l’hyperandrogénie(isme) :
L’hirsutisme : développement d’une pilosité de type masculine dans des zones hormono-sensibles : visage (favoris moustache barbe), bas du dos, torse, ligne blanche de l’abdomen. Ni les bras ni les jambes ni le duvet n’en font partie. Les poils hormono-sensibles se développent certes sous l’influence des hormones mâles circulantes mais aussi et surtout lorsqu’existe une hypersensibilité aux androgènes plasmatiques. Il s’agit alors d’un hirsutisme dit idiopathique qui n’a rien à voir avec le SOPK mais qui est ethnique. Ainsi les femmes de Bretagne, du Massif Central, du Midi, du bassin Méditerranéen, de l’Afrique Noire, des Antilles, d’Amérique du Sud… ont de-facto un des critères majeurs de SOPK. Ce qui multiple faussement l’incidence du diagnostic.
L’acné : manifestation peu discriminante d’hyperandro- génisme, touche la quasi-totalité des adolescentes et 20% des femmes adultes. Elle est aussi certes sous la dépendance de l’hyperandrogénie mais aussi de la génétique (hyperandrogénisme), de l’anatomie du canal excréteur du sébum, de l’inflammation de l’infection (propioni bactérium).
L’alopécie androgéno génétique est rarissime chez la femme et c’est le plus souvent une alopécie féminine diffuse qui n’a rien à voir avec les androgènes. En effet les faces latérales et postérieures du cuir chevelu sont dépourvues de récepteurs des androgènes.
L’échographie doit confirmer : l’absence de kystes > 30 mm ou de follicule dominant, plus de 20 microkystes par ovaires ou 25 avec certaines machines, (ceci signe l’absence de sélection d’un follicule dominant) et enfin volume des ovaires supérieur à 10 ml probablement lié à l’hypertonie de la LH. L’abandon de ce critère dans les nouveaux critères du SOPK (2023) est une mauvaise idée et va multiplier les faux diagnostics échographiques. Ainsi la présence de micro follicules même en nombre élevé (ou le dosage élevé de l’AMH ce qui revient au même) ne sont pas un des critère diagnostic suffisant du SOPK bien que très souvent considérés comme tel. Ne parlons pas d’échographies faites avec prise de traitements hormonaux dont les pilules ! Nous voyons ainsi, là encore, que le diagnostic de SOPK est délicat et très souvent affirmé par excès.