L’intimité véritable, inséparable de l’estime de soi, demande des échanges, de la transparence, de la réciprocité et incidemment une certaine vulnérabilité. (1)
L’intimité sexuelle émotionnelle et physique comporte des dimensions biochimiques comme l’attraction sexuelle et des dimensions corporelles qui doivent permettre l’union sexuelle. Les perturbations somatiques et fonctionnelles de l’appareil génito-urinaire féminin sont à l’origine de troubles de l’intimité non partageable (ou intériorité) et de l’intimité sexuelle qui affectent gravement la sphère privée et l’estime de soi.
Les relations entre atrophie vulvovaginale et dysfonctions sexuelles
Dans une étude américaine (Université de Caroline du Nord-2008) (2) portant sur 1500 femmes ménopausées. Les prévalences suivantes sont rappelées :
- L’atrophie vulvo-vaginale (VV) source de sècheresse avec prurit, irritations, dyspareunie est retrouvée chez 10 à 50% des femmes.
- 50% de ces femmes actives sexuellement (dernier rapport datant de moins de 3 mois) souffrent de dysfonctions sexuelles (ce qui représente aux U.S. près de 10 millions de femmes entre 50 et 74 ans !).
- La prévalence de ces dysfonctions sexuelles (baisse de la libido, difficultés d’excitation, de satisfaction sexuelle et diminution ou perte de la réactivité orgasmique clitorovaginale) dans toute la population féminine américaine est de 20 à 40%.
Impact des dysfonctions sexuelles à la ménopause et du mal à en parler !
A l’origine de ces dysfonctions sexuelles, la chute hormonale est essentielle, en particulier dans les ménopauses chirurgicales précoces, mais bien d’autres facteurs interviennent (3) :
- Problématiques relationnelles avec le partenaire, dysfonctions érectiles de ce dernier, absence de partenaire…
- R. Nappi et M. Lachovsky, en reprenant une étude sur 300 femmes américaines ménopausées dont 41% souffraient de dysfonctions sexuelles, (pour 46% de bouffées de chaleurs), soulignaient l’importance du non-dit !! : seulement 22% de ces femmes en parlent incidemment au cours de la consultation et 7 % qui en font un vrai motif de consultation.
Nouvelles stratégies non hormonales de prise en charge de l’atrophie vulvovaginale et des dysfonctions sexuelles.
Deux techniques sont prometteuses :
- Les lasers
- L’acide hyaluronique (AH) injectable.
Notre présentation portera sur l’acide Hyaluronique.
- L’acide hyaluronique est un polysaccaride endogène hautement concentré dans la peau et les tissus conjonctifs, muqueuses inclues (4-5).
- L’acide hyaluronique (Hyaluronan) est la clef de voûte de la régularisation de la matrice extra cellulaire (M.E.C), régulateur des processus d’immunité, des fonctions fibroblastiques, de la production des fibres de collagène et d’élastine, des migrations cellulaires (macrophages), des différenciations des cellules mésenchymateuses, des proliférations des cellules endothéliales (néo-angiogenèse) et de la production du TGFβ1 (Transforming grow factor).
Dans les années 90, début des années 2000, est mis en évidence (9, 10, 11, 12, 13) l’importance de la dégradation des fibres de collagène dans le derme au cours des agressions extérieures (UV, blessures, traumatismes) et du vieillissement (6, 7, 8), en soulignant le parallélisme entre la dégradation des fibroblastes et la perturbation de l’expression des deux biotypes de fibres de collagène composants l’essentiel de la M.E.C :
- Le biotype 1 qui représente 90% du poids sec du derme.
- Et le biotype 3.
La compréhension des mécanismes d’action de l’AH par une équipe de l’Université d’Ontario (14) a permis de différencier les effets tissulaires en fonction de son poids moléculaire et de mieux identifier les récepteurs cellulaires en cause.
A propos du poids moléculaire de l’acide hyaluronique
La présence d’AH « native », supérieure à 500 KDA :
- Favorise la cicatrisation, la réparation, augmente l’expression du TGFβ3 (Transforming growth factor) et du collagène 3 (Col 3A).
- Améliore la réponse aux agressions extérieures : effet anti-inflammatoire, anti-radicaux libres (ROS).
Les molécules d’AH fragmentées entre 25 et 400 KDA : Augmentent l’inflammation, l’angiogenèse, l’expression du collagène 1 (Col 1A1), le TGFβ1 et le TIMP (tissue inhibition of metallo-protease).
Les oligosaccharides de fragments d’AH inférieurs à 25 KDA ou plus encore inférieurs à 10 KDA, même s’ils continuent à favoriser la migration et la prolifération cellulaire et l’angiogenèse, peuvent aussi bloquer les récepteurs membranaires d’AH et avoir un effet pro-inflammatoire.
Effets du vieillissement et corrections par l’AH
Dans les années 2000 des travaux menés dans les universités du Michigan (15) sur des populations âgées de 80 ans, rappellent le rôle des fibres de collagènes fabriquées par les fibroblastes dans le milieu extra cellulaire (M.E.C) en assurant la résistance à la pression mécanique (tonicité) et l’élasticité de la peau. Le vieillissement réduit la taille des fibroblastes, la production des fibres et fragmente les liens entre elles et les fibroblastes.
A l’inverse, l’injection de molécules d’AH réticulé (Cross-linked) inverse les effets de l’âge, grâce aux effets biomécaniques et à distance des molécules d’AH réticulé, sur les fibroblastes voisins et sur les fibres endommagées de collagène.
On constate :
- L’amélioration de la forme et des fonctions des fibroblastes.
- L’amélioration des qualités des fibres de collagène dans leur élongation, leur résistance mécanique, leur élasticité (résilience) et leur organisation architecturale en double hélice.
Par ailleurs, on observe également un développement de la vascularisation et un épaississement de l’épithélium, les récepteurs de type II TGFβ et CGF (connective tissue growth factor) jouant un rôle de régulateurs essentiels.
Ces travaux ont permis l’autorisation d’utilisation de ces molécules d’HA (NASHA : Non Animal Stabilized Hyaluronie Acid) par la FDA (Food and Drug Association) en décembre 2003 dans les indications en tant que fillers injectables de la correction du vieillissement.
Conclusion
Vous est rapportée ici :
Une étude sur 95 femmes menée pendant 12 mois (16) sur la base de traitements injectables d’AH spécifiques réticulés en maillage selon le procédé IPN-Like contenant des molécules d’AH de 3000 et 1500 KDA et dédiés aux 2 principales indications :
- Atrophie vulvo-vaginale
- Remodelage vulvaire en cas de lipoatrophie.
Les résultats montrent :
- Plus de 50% de retour à la normale du Ph, amélioration qui persiste plus de 6 mois.
- Plus de 50% des patientes ont une nette amélioration de l’inflammation muqueuse, de la sècheresse et de la dyspareunie.
- Sur l’échelle d’évaluation du GLIS (Global Life Improvement Scale) on retrouve une amélioration de 90%.
- L’amélioration du volume des grandes lèvres par l’AH, a un impact significatif sur les corrections des troubles fonctionnels vulvo-vaginaux.
Il reste bien-sûr à prévoir, principe de précaution oblige, des comparaisons avec placebo (Evidence Based Medecine) et à réfléchir sur l’association synergique entre l’AH et d’autres traitements spécifiques (Lasers).
Nicolas Berreni – Gynécologue-Obstétricien, Perpignan
RÉFÉRENCES
1. Jacques LACAN Séminaire XVI 2006 Edition de seuil
2. “Vulvovaginal atrophy is strongly associated with female sexual dysfunction among sexually active postmenopausal women” Kristen B. Levine, MSPH, Rachel E. Williams, PhD, MS, and Katherine E. Hartmann, MD, PHD (“The journal of the North American Menopause Society”)
3. “Menopause and sexuality: Prevalence of symptoms and impact on quality of life” (“Maturitas 63 (2009) 138-141”)
4. Sakai S, Yasuda R, Sayo T, Ischikawa O, Inoue S. Hyaluronan exists in the normal stratum corneum. J invest Dermatol. 200; 114:1184-1187
5. Weindl G, Schaller M, Schafer-Korting M, Korting HC. Hyaluronic acid in the treatement and prevention of skin diseases : molecular biological, pharmaceutical and clinical aspects. Skin Pharmacol Physiol. 2004;17:207-213.
6. Fisher GJ, Datta SC, Talwar HS, et al. Molecular basis of sun-induced premature skin ageing and retinoid antagonism. Nature. 1996;379:335-339
7. Griffiths CE, Russman AN, Majmudar G, Singer RS, Halmilton TA, Voorhees JJ. Restoration of collagen formation in photodamaged human skin by tretinoin (retinoic acid). N Engl J Med. 1993;329:530-535.
8. Talwar HS, Griffiths CE, Fisher GJ, Halmilton TA, Voorhees JJ. Reduced type I and type III procollagens in photodamaged adult human skin. J Invest Dermatol. 1995;105:285-290.
9. Lambert CA, Colige AC, Lapiere CM, Nusgens BV. Coordinated regulation of procollagens I and III and Their Post-translational enzymes by dissipation of mechanical tension in human dermal fibroblasts. Eur J Cell Biol. 2001;80:479-485.
10. Varani J, Perone P, Fligiel SE, Fisher GJ, Voorhees JJ. Pathophysiology of premature skin aging induced by ultraviolet light. N Engl J Med. 1997;337:1419-1428.
11. Kessler D, Dethlefsen S, Haase I, et al. Fibroblast in mechanically stressed collagn lattices assume a “synthetic” phenotype. J Biol Chem. 2001;276:36575-36585.
12. Lambert CA, Colige AC, Munaut, Lapiere CM, Nusgens BV. Distinct pathways in the overexpression of matrix metalloproteinases in human fibroblasts by relaxation of mechanical tension. Matrix Biol. 2001;20:397-408.
13. Lambert CA, Soudant EP, Nusgens BV, Lapiere CM. Pretranslational regulation of extracellular matrix macromolecules and collagenase expression in fibroblasts by mechanical forces. Lab Invest. 1992;66:444-451.
14. “A rhamm mimectic peptide blocks hyaluronan signaling and reduces inflammation and fibrogenesis in excisional skin wounds” (The American Journal of Pathology, Vol 181, No 4 October 2012).
15. “Enhancing structural support of the dermal microenvironment activates fibroblasts endothelial cells, and keratinocytes in aged human skin in vivo” (“Journal of investigative Dermatology 2013”)
16. “Correction of female genital deficiencies through a new specific product range of hyaluronic acid gels”. (“N. Berreni, MD; P. Marès, MD; N. Tan, Pharm.D; and D. Couchourel, Ph.D; MBA”).
Article paru dans le Genesis N°184 (mai 2015)
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