LE TERME « DYSBIOSE » DÉSIGNE UN DÉSÉQUILIBRE AU SEIN D’UN MICROBIOTE. EN PATHOLOGIE GÉNITALE FÉMININE, LA DYSBIOSE PEUT INTÉRESSER LE MICROBIOTE VAGINAL MAIS AUSSI LE MICROBIOTE VÉSICAL. LA DYSBIOSE VAGINALE N’IMPACTE PAS QUE LE BAS APPAREIL GÉNITAL PUISQU’ON SAIT QU’IL EXISTE UN CONTINUUM(1) ENTRE MICROBIOTES VAGINAL, CERVICAL ET ENDOMÉTRIAL. AINSI UNE DYSBIOSE VAGINALE PEUT RETENTIR SUR LA COMPOSITION DU MICROBIOTE ENDOMÉTRIAL ET DONC SUR LA FERTILITÉ DE LA FEMME. ENFIN, LE MICROBIOTE VAGINAL EST « CONNECTÉ » AUX MICROBIOTES ENVIRONNANTS : MICROBIOTE PÉRINÉAL, VÉSICAL ET INTESTINAL.
Concrètement la dysbiose vaginale se caractérise par une raréfaction ou une disparition des lactobacilles (60 à 80 % du microbiote normal). Parfois, le nombre de lactobacilles varie peu mais la souche dominante n’appartient pas aux lactobacilles « bénéfiques ». C’est le cas de Lactobacillus iners que l’on retrouve dans des microbiotes soit normaux soit dysbiosiques.
Les conséquences cliniques de la dysbiose vaginales sont nombreuses : infections uro-génitales : vaginose (stade ultime de la dysbiose vaginale), candidose, vaginite aérobie, cystite mais aussi augmentation du risque de contracter et de transmettre une Infection Sexuellement Transmissible, modification de l’histoire naturelle des infections à HPV-hr, endométrite avec risque de fausse-couche précoce ou d’échec d’implantation en cas de FIV, prématurité… Mais la dysbiose vaginale peut également être totalement asymptomatique (jusqu’à 50 % des cas selon certains auteurs).
Le diagnostic microbiologique de la dysbiose vaginale repose actuellement sur le score de Nugent. Ce score établi après coloration de Gram des sécrétions vaginales permet de classer le microbiote en 3 catégories :
Score de 0 à 3 : microbiote normal,
Score de 4 à 6 : flore intermédiaire,
Score de 7 à 10 : vaginose bactérienne.
Ce test a cependant des limites : il est semi-quantitatif et très observateur dépendant.
Les traitements dépendent du type d’infection lié à la dysbiose : antifongiques en cas de candidose, antibiotiques en cas de vaginose ou de vaginite aérobie ou de cystite. Ces traitements ont une bonne efficacité à court terme mais n’ont pas d’action préventive sur les récidives. Qui plus est, certains antibiotiques aggravent la dysbiose en raison de leur action délétère sur les lactobacilles vaginaux (Figure 1).
Les causes des dysbioses sont multiples. Il existe des situations physiologiques propices à la dysbiose comme la ménopause ou le post-partum. Certains états pathologiques généraux prédisposent à la dysbiose vaginale : diabète, immunodépression… de même que la prise de certains médicaments : antibiotiques (Figure 1), corticoïdes, immunosuppresseurs… Enfin, des habitudes de vie comme le tabac, la consommation excessive d’alcool, une hygiène intime inadaptée sont impliquées dans la dysbiose.
La dysbiose vaginale semble également liée à l’activité sexuelle (changement récent de partenaire, nombre de partenaires sexuel(le)s) sans que l’on ait pu démontrer formellement l’aspect sexuellement transmissible de la vaginose bactérienne.
CE QUE L’ON ESPÈRE :
- Une amélioration des techniques de dépistage de la dysbiose :
- PCR Multiplex (en cours d’implantation dans les laboratoires de ville) susceptibles de caractériser de manière plus précise que la bactériologie classique la présence de bactéries non cultivables associées à la dysbiose.
- Le séquençage du génome bactérien encore réservé à des protocoles de recherche.
- Une modification des recommandations (en cours d’évaluation) ou des habitudes de dépistage de la dysbiose :
- Chez les couples infertiles
- Avant les protocoles de FIV
- En cas d’infection HPV-hr
- Avant la pose d’un DIU…
- Une meilleure prise en charge thérapeutique et préventive :
- Limiter la consommation d’antibiotiques et la durée des traitements (recommandations internationales).
- Privilégier des traitements qui agissent sur les biofilms pathologiques (chlorure de dequalinium par exemple).
- Associer des probiotiques aux traitements anti-infectieux classiques : efficacité préventive des cures prolongées (au moins 3 mois) démontrée dans certaines études. Cependant, nous manquons d’études robustes sur la capacité des probiotiques à prévenir la prématurité chez les femmes dysbiosiques ou à limiter le risque d’échec d’implantation au cours des protocoles de FIV, ce qui ne contre-indique pas leur prescription mais invite à la circonspection vis-à-vis des effets attendus…
- Associer une oestrogéno-thérapie locale surtout chez la femme ménopausée (en l’absence de contre-indication).
- A long terme, l’évaluation de l’impact des dysbioses dans des pathologies génitales non infectieuses mérite d’être menée. C’est le cas dans l’endométriose, le syndrome des ovaires polykystiques ou certains cancers oestrogéno- dépendants comme le cancer du sein de la femme ménopausée pour lequel une partie du microbiote intestinal, l’estrobolome, pourrait jouer un rôle déterminant.
- De nouvelles pistes thérapeutiques ou préventives comme les bactériophages ou la transplantation de microbiote vaginal sont en cours d’évaluation par plusieurs équipes.
Enfin, rappelons que la prévention des dysbioses passe également (et peut être avant tout) par des conseils hygiéno-diététiques simples : arrêt du tabac, modération de la consommation d’alcool, régime alimentaire équilibré, exercice physique, hygiène intime adaptée…
L’auteur ne déclare pas de liens d’intérêts au sujet de cet article.
RÉFÉRENCES
- Chen C, et al The microbiota continuum along the female reproductive tract and its relation to uterine-related diseases. Nat Commun. 2017 Oct 17;8(1):875.
- Melkumyan A. R., et al (2015). Effects of antibiotic treatment on the lactobacillus composition of vaginal Bull. Exp. Biol. Med. 158,
Jean Marc BOHBOT, Institut Fournier Paris
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