Nous savons qu’un professionnel exerçant en établissement de santé a une obligation vaccinale concernant la COVID-19. Qu’à défaut de vaccination, la loi prévoit qu’il doit être suspendu dans ses fonctions, ou son contrat, ainsi que dans sa rémunération.
Voici un exemple de jurisprudence concernant la situation d’une infirmière exerçant à l’hôpital.
Mme D est agent public, infirmière, au CHBS (Centre Hospitalier de Bretagne Sud) de Lorient. Elle a été suspendue de ses fonctions le 17 septembre 2021 jusqu’à ce qu’elle satisfasse à l’obligation de vaccination contre la COVID-19 prévue à l’article 12 de la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire. Or, Mme D était en congé maladie depuis le 3 septembre 2021. Elle a contesté la décision de suspension prise par le Directeur du CHBS devant le Juge des référés du Tribunal administratif de Rennes.
Que va décider le Juge saisi ?
Par une ordonnance du 28 octobre 2021, le juge des référés a donné raison à l’infirmière en suspendant la décision du Directeur du CHBS. Le CHBS a décidé de former un pourvoi devant le Conseil d’Etat.
Deux questions majeures se posaient alors :
– Le Juge des référés était-il compétent ?
– La suspension était-elle justifiée ?
Le Conseil d’Etat a estimé que :
1 – Aux termes de l’article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : » Le fonctionnaire en activité à droit : (…) 2° A des congés de maladie (…) ».
2 – « si le directeur d’un établissement de santé public peut légalement prendre une mesure de suspension à l’égard d’un agent qui ne satisfait pas à l’obligation vaccinale contre la covid-19 alors que cet agent est déjà en congé de maladie, cette mesure et la suspension de traitement qui lui est associée ne peuvent toutefois entrer en vigueur qu’à compter de la date à laquelle prend fin le congé de maladie de l’agent en question. »
3 – La suspension portait sur la situation financière de Mme D une atteinte suffisamment grave et immédiate. Aucun intérêt public tenant à la protection de la santé publique ne s’attachait au maintien de son exécution. Le Juge des référés a porté une appréciation souveraine de la situation et n’a pas commis d’erreur de droit.
Le Conseil d’Etat a donc rejeté le pourvoi du CHBS, confirmant ainsi l’ordonnance de référé.
Cette décision a vocation à concerner tous les agents qui ont été suspendus pour défaut de vaccination alors qu’ils étaient en congé de maladie.
Aussi longtemps que l’agent est en congé de maladie, une suspension fondée sur une absence de vaccination reste possible, mais elle ne peut entrer en vigueur qu’à la fi n du congé de maladie. Les établissements qui ont suspendu le traitement des agents concernés ont donc pris une décision illicite.
Qu’en sera-t-il de l’évolution de l’obligation vaccinale ?
L’article 4 de la loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022 prévoit désormais que lorsque, au regard de l’évolution de la situation épidémiologique ou des connaissances médicales et scientifiques constatées par la HAS, l’obligation vaccinale ne sera plus justifiée, elle devra être suspendue par décret.
Mais pour l’instant, un avis du Collège de la HAS du 21 juillet 2022 précise que « la HAS considère que les données ne sont pas de nature à remettre en cause l’obligation vaccinale des personnels des secteurs sanitaire et médico-social ».
Donc pour l’instant, pas de modification de l’obligation vaccinale concernant les professionnels de santé.
Thierry CASAGRANDE, Avocat
www.ThierryCasagrandeAvocats.fr
RÉFÉRENCES
Conseil d’Etat, 2 mars 2022, n° 458353
Loi n° 2022-1089 du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid-19
Avis n°2022.0044/AC/SESPEV du 21 juillet 2022 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à l’obligation de vaccination contre la Covid-19 des professionnels des secteurs sanitaire et médico-social
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