Je vous parle d’un temps que les moins de… refrain connu…
Qui au début des années 70 du précédent siècle connaissait l’endométriose ? Pas grand monde… A Paris, René Musset et Jacques Varangot, chefs de service à l’hôtel Dieu et à Port Royal, Yves Rochet à Lyon et Raoul Palmer, l’inventeur de la cœlioscopie qui commençait à percevoir son rôle possible dans la genèse de l’infertilité.
En dehors de l’hystérographie, aussi relative soit sa contribution et de la cœlioscopie purement diagnostique à cette époque, rien ne permettait de l’identifier dans un contexte où l’échographie apparue en France au milieu de cette même décennie limitait ses ambitions à l’obstétrique.
En 1977, un groupe fondateur réuni à Bordeaux par Alain Audebert, allait initier ce qui allait devenir l’École Française de cœlio chirurgie dont on sait comment elle a essaimé dans le monde entier et dépassé très largement le cadre strict de la Gynécologie. C’est l’avènement de la cœlioscopie interventionnelle qui fût le point de départ d’une meilleure connaissance sur le plan diagnostique et d’une meilleure approche sur le plan thérapeutique de l’endométriose.
Mais c’est également au long de ces années que l’on vit évoluer la présentation anatomique d’une maladie qui ne se limitait plus aux granulations péritonéales et aux petits endométriomes ovariens de la période initiale sous l’influence de di érents facteurs que l’on était encore loin d’imaginer ainsi les perturbateurs endocriniens. De nouveaux aspects de la maladie, telles les localisations sous péritonéales aujourd’hui si fréquentes alors qu’elles étaient rarissimes à l’époque, étaient identifiés avec le secours de l’IRM qui prenait une place de plus en plus importante dans l’identification de la maladie. L’adénomyose trop longtemps méconnue voire contestée dans son existence et son rôle, bénéficiait aussi des progrès de l’imagerie au sein de laquelle l’échographie jouait enfin un rôle en ne se limitant plus à la simple identification des endométriomes.
Faut-il ajouter que l’Assistance Médicale à la Procréation et son développement fulgurant dans les années 80 et 90 servaient de laboratoire expérimental à la meilleure compréhension des rapports longtemps incertains unissant l’endométriose à l’infertilité.
Ainsi en moins de 30 ans avait-on enfin commencé à cerner le diagnostic et le traitement d’une maladie dont on constatait l’augmentation régulière de la prévalence et de la sévérité lésionnelle.
Est-ce à dire qu’au début de ce millénaire tous les problèmes étaient réglés ? Hélas non… Les publications toujours plus nombreuses concernant cette entité, les multiples congrès nationaux et internationaux, les sociétés savantes existantes ou de création récente répétaient à l’envie la même antienne : le retard au diagnostic de l’endométriose persistait à se chi rer en années en France comme dans le monde entier avec les conséquences dommageables que l’on imagine.
Ce fut donc une fort logique et unanime ces vingt dernières années pour toujours plus communiquer et informer par le biais des médias professionnels sur une affection encore trop souvent méconnue. Aujourd’hui une amélioration certaine peut être constatée dans la confraternité gynécologique. Il ne faut pas oublier de signaler combien le soutien d’associations comme EndoFrance, initialement et Endomind plus récemment a joué un rôle essentiel à la progression de la connaissance d’une affection qui sortait de limbes initiales. Toutefois un chemin important reste encore à parcourir en ce sens au sein de la communauté des sage-femmes et plus encore, numériquement parlant, des médecins généralistes.
Ces dernières années les médias généralistes dits « Grand Public » se sont également emparés de l’a aire avec un activisme parfois frénétique. Est-ce un bien ? Oui… indiscutablement… sur le plan du principe à la réserve toutefois que le message délivré à la population soit de bonne qualité et ne soit pas générateur de craintes infondées qui se retourneraient contre l’objectif initial. On ne peut plus accepter l’idée de voir des adolescentes souffrir atrocement de leurs règles sans que rien ne soit fait par leur entourage en dehors de quelques paroles de banalisation et de quelques automédications familiales totalement inadaptées. Il est donc heureux qu’aujourd’hui la dysménorrhée de la jeune fille ne soit plus considérée par sa mère comme une fatalité « qui s’améliorera à la première grossesse ».
Mais comme la langue d’Esope, la communication médiatique « Grand Public » peut avoir des effets négatifs voire pervers. Les consultations de gynécologie voient désormais affluer de jeunes patientes, qui à la seule raison de règles douloureuses sont convaincues, avant même que la moindre investigation ait été faite, qu’elles sont atteintes par l’endométriose. Pourquoi ? parce qu’elles l’ont lu ou entendu « à la télé » ou parce que leur « meilleure copine » le leur a suggéré. Certes sur le nombre de ces nouvelles consultantes un certain nombre d’endométriose seront reconnues et pourront donc bénéficier heureusement d’une prise en charge adéquate.
Mais les autres, les plus nombreuses, n’ont pas d’endométriose et il n’est pas toujours facile d’extirper cette idée de leur tête et de celle de leur mère souvent plus insistante encore que la fille.
Faut-il souhaiter que chez ces jeunes patientes une débauche d’examens radiographiques ou échographiques ne soit pas la réponse systématique de facilité des praticiens concernés ? Pis encore peut-on espérer que ces situations toujours plus fréquentes ces dernières années ne soient pas une incitation à la pratique de coelioscopies inutiles, contraignantes et sans aucun bénéfice pour l’avenir de ces jeunes filles.
Au même titre, il faudrait enfin faire cesser l’autre obsession qui les poursuit au quotidien, c’est-à-dire la perspective supposée inévitable de l’infertilité, qui pourrait les rattraper un jour.
Que n’a-t-on entendu de sottises à ce propos.
Les recommandations malheureusement trop souvent absurdes, qui leur sont trop fréquemment assénées sont une atteinte chronique à leur qualité de vie psycho intellectuelle. On ne décide pas de faire un enfant au plus tôt à la seule raison que l’on est atteinte par l’endométriose et les conseils trop souvent donnés en ce sens sont au minimum innocents voire même pernicieux.
Il est vrai que nul ne peut contester les relations qui unissent l’endométriose à l’hypofertilité, mais de là à en faire une fatalité inévitable… Le bon sens du médecin et la prise en compte de facteurs humains et personnels, lors des dialogues prolongés auxquels devrait donner lieu toute consultation sont essentiels aux informations que mérite chaque patiente dont le souhait est de trouver une amélioration de sa qualité de vie physique mais aussi un apaisement psycho affectif pour l’avenir.
Il reste à espérer que les réseaux sociaux dont on sait aujourd’hui les effets pervers majeurs, ne seront pas trop consultés par les patientes endométriosiques, car on peut craindre qu’elles y trouvent beaucoup plus de « fake news » que d’informations objectives et pertinentes.
Continuons donc à accorder la plus grande attention à tous les symptômes qui pourraient permettre de reconnaître toujours plus précocement l’endométriose chez les jeunes femmes algiques et infertiles. Entourons-nous d’avis autorisés par le biais de RCP dédiées et compétentes pour une prise en charge thérapeutique optimalisée.
Mais évitons de sombrer dans l’absurde qui consisterait à penser que l’endométriose est une fatalité à laquelle nulle femme, ou peu s’en faut, ne saurait échapper.
Patrick MADELENAT, Paris
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