Une contraception hormonale est avant tout un progestatif qui bloque l’ovulation exactement comme le fait d’ailleurs la progestérone sécrétée par l’ovaire après l’ovulation. La progestérone lors du cycle menstruel, où les progestatifs rendent la glaire opaque, interdisent donc l’entrée de nouveaux spermatozoïdes et entraînent par ailleurs une atrophie de l’endomètre ce qui bloque l’implantation.
Les premiers progestatifs utilisés en contraception ont été fabriqués à base de progestatifs androgéniques dérivés de la testostérone. Plus la dose de progestatifs est élevée plus le blocage ovarien est complet. A doses modérées, il bloque juste l’ovulation : c’est le cas des contraceptions progestatives dites micro-dosées (POP). Si on augmente la dose et la puissance des progestatifs on bloque totalement le fonctionnement ovarien.
Ces progestatifs, au départ, androgéniques, l’ont été de moins en moins, avec les progestatifs dits de deuxième et troisième générations. Certains progestatifs ne sont plus dérivés de la testostérone mais de la 17 hydroxy progestérone ou 19 nor-progestérone quatrième génération. Ces derniers ne sont pas androgéniques non plus.
Lorsque la dose de progestatifs est suffisante, le blocage ovarien est quasi-total, ce qui permet une pause dans la prise, en général de 4 à 7 jours par mois. Du fait de la mise au repos de l’ovaire on adjoint des estrogènes, principalement l’éthynil estradiol avec un radical CH3 en 17 qui permettait une bonne absorption orale. Ces oestrogènes permettent d’obtenir un cycle régulier avec une hémorragie dite de privation pendant les 4 à 7 jours où il n’y a pas prise de progestatifs. Les estrogènes ont aussi un effet anti-androgènes nécessaire lorsque l’on utilisait des progestatifs androgéniques. Les estrogènes augmentent également l’effet anti-gonadotrope du progestatif.
Très rapidement sont apparus des effets secondaires liés à ces estroprogestatifs : le premier d’entre eux est lié à l’effet thrombogène des estrogènes artificiels comme l’éthynil estradiol.
Au fur et à mesure les progestatifs sont devenus de moins en moins androgéniques et les doses d’estrogènes ont pu être diminuées. Malgré l’évolution favorable de ces contraceptifs hormonaux, a persisté un risque thrombo-embolique lié à l’éthynil estradiol. Il est apparu que ce risque thrombo-embolique des estrogènes était accentué lorsque les progestatifs n’étaient pas androgéniques. En effet les progestatifs non androgéniques ne s’opposent pas à l’effet thrombogène hépatique de l’éthynil estradiol.
La diminution de la dose d’éthynil estradiol a certes aussi participé à la diminution du risque thrombo-embolique mais il semble que cette diminution soit restée stable à partir du moment où on passait en dessous de 50 µg par jour. On a donc cherché à diminuer l’impact estrogénique des estroprogestatifs en utilisant des estrogènes dits naturels, de l’estradiol ou du valérate d’estradiol. Les dernières publications montrent que le risque thrombo-embolique de ces estroprogestatifs à l’estradiol « naturel » associé à un progestatif non androgénique serait équivalent à celui observé avec les pilules dites de deuxième génération, contenant elles un progestatif androgénique, le lévonorgestrel.
Il semble que l’on vienne de franchir un nouveau pas vers l’amélioration de la tolérance des estroprogestatifs.
L’originalité de ce nouveau produit est l’utilisation d’un nouvel estrogène, l’estétrol, découvert en 1965 par Egon Diczfalusy. Cet estétrol contient 4 radicaux OH, le nom d’estétrol étant apparu en 1966. De 1966 à 1987 de très nombreuses recherches ont été menées sur ce nouvel estrogène in vitro et in vivo. Les recherches pour la mise sur le marché de cet estrogène nouveau en tant que contraceptif ont débuté en 2001. Les premières études pré-cliniques ont été publiées en 2009, prouvant l’effet anti-gonadotrope de ce produit. Ces recherches ont permis l’obtention d’une AMM en 2021, AMM européenne d’un produit qui associe de l’estétrol dit E4 et un progestatif non androgénique, la drospirénone. L’estétrol est un estrogène produit par le foie fœtal humain. Il est détecté dès la 9ème semaine de gestation dans l’urine maternelle. Les taux plasmatiques fœtaux sont douze fois plus élevés que ceux observés chez la mère. Il a une très longue demi-vie de 24 à 32 heures. Il est synthétisé pour son utilisation en clinique à partir de plantes. On a constaté avec étonnement que cet estrogène se fixait bien, comme l’estradiol, sur le récepteur des estrogènes au niveau nucléaire, mais ne se fixe pas au niveau du récepteur membranaire des estrogènes, ce qui est responsable des effets génomiques. L’estétrol a même un effet de blocage sur le récepteur membranaire des estrogènes. Il a de plus des caractéristiques très différentes de l’estradiol et de l’éthynil estradiol puisque, semble-t-il, il n’a pas de métabolites actifs. Il est métabolisé dans le foie sous la forme d’un dérivé inactif sulfaté et glycoconjugué. Il n’est pas métabolisé par les enzymes du cytochrome P450 contrairement aux autres estrogènes, ce qui laisse à penser qu’il a un faible risque d’interaction avec les autres médicaments métabolisés par ce cytochrome.
Enfin les métabolites de l’estétrol et l’estétrol lui-même ne semblent pas avoir d’effets pro carcinogènes in vitro et dans les modèles animaux. Il ne se lie pas à la SHBG et surtout n’a pas d’effet hépatique, donc ne modifie pas les enzymes hépatiques comme le font les autres estrogènes artificiels et l’estradiol administrés par voie orale. Ceci explique qu’il n’augmente pas la SHBG reconnue comme marqueur de l’impact hépatique des estrogènes.
Comme il n’a pas d’effet estrogénique hépatique, on peut lui associer un progestatif non androgénique comme la drospirénone. En effet, il n’y a pas à rechercher un effet anti-estrogène par un progestatif androgénique pour diminuer les effets hépatiques de l’estrogène, et en particulier thrombotique. Par ailleurs cette drospirénone n’a pas d’effet androgénique périphérique et a un effet légèrement anti-minéralocorticoïde.
Cette nouvelle contraception contient donc 3 mg de drospirénone et 15 mg d’estétrol, administrés 24 jours sur 24. L’indication donnée par l’AMM obtenue en octobre 2021 est la contraception orale. Les essais cliniques ont confirmé que cette association n’entraîne aucune modification de la SHBG, et qu’elle n’avait pas d’effet sur le système rénine angiotensine.
L’éthynil estradiol et dans une moindre mesure l’estradiol per os ont des effets pro-coagulants car ils augmentent les facteurs de coagulation et inhibent les facteurs d’anticoagulation, ce qui est mesuré le plus souvent par une augmentation de la résistance à la protéine C activée. Il n’a semble-t-il pas d’effet sur la fibrinolyse et n’augmente pas la résistance à la protéine C activée ou très peu, et en tout cas beaucoup moins que les estroprogestatifs contenant de l’éthynil estradiol. Les tests pharmacologiques montrent que cette contraception n’a pas d’effet sur le métabolisme lipidique : elle ne modifie pas le taux du cholestérol total, du HDL cholestérol, du LDL cholestérol ni des triglycérides. Il n’a pas d’effet non plus sur le métabolisme glucidique avec une glycémie qui reste stable et une absence de modification de l’hémoglobine glyquée.
D’autres recherches en cours explorent l’effet de cette association sur l’athérogénèse et sur la carcinogénèse. In vitro il est montré que l’estétrol aurait un effet anti-estrogène sur la prolifération induite par l’estradiol sur les cellules mammaires en culture. Ce produit a bénéficié de deux études de phase 3, ouvertes, de 13 cycles chacune afin d’évaluer l’efficacité contraceptive et la tolérance clinique et biologique. Une étude a été faite aux USA avec 2 148 patientes de 16 à 50 ans, et parmi elles 1 939 patientes de 16 à 35 ans, âge le plus fertile. Une autre étude faite en Europe et en Russie incluait 1 577 femmes de 18 à 50 ans dont 1 373 femmes de 18 à 35 ans. Les résultats de ces études sont sensiblement équivalents avec comme cela est classique une efficacité inférieure dans l’étude américaine comparée à l’étude européenne. Ceci se retrouve dans toutes les études portant sur l’effet contraceptif dans ces deux continents.
L’étude européenne fait apparaître 5 grossesses sous traitement pour 14 759 cycles chez des femmes de 18 à 35 ans. Parmi celles-ci, il existe deux échecs d’utilisation et 3 échecs liés à la méthode. Ceci donne un indice de Pearl global de 0,44 (0,14-1,03), et un index de Pearl corrigé de 0,26 (0,05-0,77).
Ce produit a donc un effet contraceptif équivalent au produit contenant de l’éthynil estradiol et tous les autres progestatifs. Notons que le contrôle du cycle est excellent avec des saignements apparaissant dans 92% des cas sous forme d’hémorragies de privation lors des 4 jours d’arrêt avec un taux de spotting plutôt faible diminuant avec le temps 12,8% au cycle 11.
Il n’a pas été constaté d’augmentation des tensions mammaires. Ces études ont montré une diminution des douleurs de règles et surtout, ce qui a une grande importance aujourd’hui, pas de modification de la libido ni de l’humeur avec une amélioration du bien-être des femmes. Un cas thrombose veineuse a été observé. Ce nouveau contraceptif semble donc plein d’avenir, avec un estrogène sans impact hépatique qui permet d’espérer une parfaite tolérance en particulier sur le risque thrombo-embolique, un parfait contrôle du cycle et une parfaite tolérance générale et psychologique. Ces excellents résultats des études de phase 3 devront bien sûr être confirmés par des études en vie réelle, mais l’utilisation de ce produit associé à la drospirénone se présente sous les meilleurs auspices. Il est commercialisé sous le nom de Drovelis®.
Liens d’intérêt de l’auteur : Christian Jamin est consultant pour le laboratoire Gédéon Richter France
Christian JAMIN, Paris
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