La mastite répond à plusieurs étiologies : inflammatoire, infectieuse, maligne. La mastite infectieuse est très rare en dehors de l’allaitement. Ainsi la démarche diagnostique consiste en premier lieu à éliminer le diagnostic de mastite carcinomateuse. Au moindre doute, le recours à une biopsie doit être systématique.
Introduction
Le sein étant un organe superficiel, son atteinte par une inflammation, ou mastite, donne lieu aux signes cliniques classiques : rougeur-chaleur douleur. Il s’agit d’un motif rare de consultation. L’inflammation du sein peut être secondaire à un cancer du sein, une infection ou une maladie inflammatoire : il s’agit alors des mastites inflammatoires chroniques. Le terme d’abcès récidivant est parfois utilisé pour désigner les mastites inflammatoires chroniques mais il ne s’agit pas de réels abcès étant donné qu’il n’y a pas d’infection (du moins initialement) mais seulement une inflammation. Il est essentiel de rappeler qu’en dehors du contexte de l’allaitement ou post chirurgical, les mastites sont exceptionnellement d’origine infectieuse. Ainsi, en cas de mastite survenant en dehors de la grossesse et de la lactation, il convient en premier lieu d`exclure la présence d`une tumeur du sein (mastite carcinomateuse). S’il représente 1 à 5 % de tous les cancers mammaires, c’est une forme très agressive, dont le pronostic sévère nécessite un traitement urgent dans les meilleurs délais. De ce fait, une mammo /échographie doit être réalisée avec biopsie au moindre doute. Dans cet article nous allons nous intéresser aux mastites inflammatoires chroniques. On en distingue deux étiologies principales : la mastite plasmocytaire et la mastite granulomateuse. Leur étiopathogénie est mal connue en dehors de l’imputabilité certaine du tabagisme actif et de facteurs psychologiques.
Clinique
L’interrogatoire précise l’histoire de la maladie et les antécédents personnels et familiaux. L’examen clinique comporte comme toujours une inspection et une palpation des glandes mammaires et des aires ganglionnaires, d’abord au repos, la patiente debout ou assise puis couchée, puis sensibilisées par la mobilisation, active et passive. Il se termine par un examen général. On pourra ainsi préciser le cadre dans lequel survient cette réaction inflammatoire et ses modalités d’installation et reporter dans le dossier médical les constatations cliniques, incluant un schéma qui servira à surveiller l’évolution. Cliniquement les mastites se manifestent par la triade classique, chaleur, rougeur et douleur, le plus souvent sans signes généraux associés. L’oedème est rare dans les mastites purement inflammatoires. Et il n’y a généralement pas de peau d’orange, ce qui les distingue des mastites carcinomateuses. La palpation d’un empâtement ou d’une masse n’est pas forcément péjorative, pouvant correspondre à des canaux dilatés pseudokystiques. À l’inverse, dans le cancer inflammatoire, la palpation de la masse sous-jacente est inconstante.
Mastite plasmocytaire
La mastite plasmocytaire, elle, est l’apanage de la femme d’âge moyen. Dans la mastite plasmocytaire, les abcès sont périmamelonnaires et non périphériques. Un écoulement mamelonnaire peut être retrouvé. Quatre-vingt-dix pour cent des patientes présentant cette lésion fument. L’évolution est très capricieuse. La rougeur s’étend, s’associe à un oedème le plus souvent discret et peut apparaître une petite tumeur superficielle douloureuse, parfois fluctuante, réalisant un abcès péri-aréolaire amicrobien, qui finit habituellement par se fistuliser le long d’une zone de moindre résistance, le plus souvent la frontière aréole-peau. Les abcès péri-aréolaires, qui correspondent à la majorité des abcès mammaires non puerpéraux, ont une forte tendance à récidiver, avec surinfection secondaire possible à partir de germes cutanés. L’examen histologique retrouve l’absence de cellules géantes, et la présence de granulomes inflammatoires composés principalement par des plasmocytes.
Mastite granulomateuse
La mastite granulomateuse idiopathique (MGI) est une pathologie rare. Elle survient chez la femme d’âge jeune. La présentation clinique est habituellement celle d’un nodule du sein de siège périphérique inflammatoire, mal limité, si bien que dans plus de 50 % des cas la confusion est possible avec un cancer du sein inflammatoire. Ce nodule peut s’abcéder et ou s’infecter. Le diagnostic de mastite granulomateuse repose sur des constatations histologiques de lésions inflammatoires lobulocentriques, organisées sous la forme de granulomes giganto-épithélio-cellulaires sans nécrose caséeuse.
Elle est favorisée par des facteurs locaux (rétraction mamelonnaire, ectasie galactophorique, métaplasie malpighienne des sinus lactifères) et généraux (tabagisme principalement)
Imagerie
La mammographie est indispensable chez la femme adulte. Elle peut être difficile à réaliser et interpréter si la compression est insuffisante et si l’oedème est marqué, donnant un aspect grillagé à la trame. Elle peut être normale. Les signes d’oedème sont souvent plus discrets que dans les mastites carcinomateuses ou infectieuses, prédominant dans les quadrants inférieurs du fait de la gravité. On peut observer une distorsion architecturale discrète liée à la fibrose, ou nette posant de façon plus aiguë un problème de diagnostic différentiel avec une pathologie maligne. Les prélèvements biopsiques sont nécessaires devant une image de distorsion et le choix de la technique se discutera en fonction de la traduction ou pas de l’image à l’échographie. L’échographie retrouve des signes d’inflammation. Elle peut montrer des signes d’ectasie canalaire.
Lorsque les signes cliniques et échographiques sont en faveur de la bénignité, il vaut mieux alors la réaliser secondairement après résolution de l’inflammation pour obtenir un examen de bonne qualité.
Prise en charge thérapeutique
Le traitement est uniquement médical. Il n’y a pas d’indication à un traitement chirurgical. Au contraire, une intervention chirurgicale pourrait augmenter le risque de non cicatrisation et de récidive. Ainsi la prise en charge consiste en un traitement par anti-inflammatoires non stéroïdiens au long cours jusqu’à cicatrisation. Parfois, deux ou trois mois de traitement sont nécessaires. Il n’y a pas d’indication à un traitement antibiotique sauf si une surinfection est prouvée. Les récidives sont fréquentes (plus de 50%) justifiant un suivi régulier au long cours avec prise en charge psychologique, écoute attentive et identification des facteurs déclenchants tels le tabac.
Florence Ledoux,
Sénopole Paris Nord. Hôpital Saint Louis
L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts pour cet article
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