Les nouveautés en contraception souffrent de la situation réglementaire et financière de la santé ainsi que de la demande de retour au tout naturel. Les recommandations 2018 du CNGOF constituent une guide très pratique pour les médecins. Trois produits sont à venir : un microprogestatif à base de drospirénone et un estroprogestatif avec de l’estétrol comme estrogène et un nouveau DIU.
A la lecture du sujet « quelles nouveautés en contraception ? » le premier mot qui me vient à l’esprit est : RIEN, et rien pour longtemps…
Tout d’abord la baisse des recherches pour les médicaments destinés à un large public est un fait, les laboratoires ayant orienté toutes leurs recherches vers des niches à revenus élevés, avec des prix de traitement parfois faramineux. L’image en miroir est que le prix des médicaments destinés à un large public a atteint des niveaux si bas qu’aucun laboratoire ne veut financer des recherches dans ce domaine. Ces prix bas s’expliquent bien sûr par la prolifération des génériques qui entraînent une diminution des revenus des laboratoires de recherche au profit des laboratoires de commercialisation, qui eux ne se projettent pas vers l’innovation. (Les Echos 13 juin 2019)
Par ailleurs les contraceptifs oraux sont remboursés aujourd’hui à des prix très bas : un nouveau produit obtient une augmentation de 10 à 20% s’il peut démontrer une amélioration du service médical rendu ASMR. Cette amélioration est quasi impossible à établir aujourd’hui compte tenu de la très bonne tolérance et de la grande efficacité des contraceptifs existants. Il est donc probable qu’aucune innovation n’est à prévoir du fait du non-remboursement de produits faiblement innovants ou pour une ASMR potentielle quasi impossible à prouver par des essais cliniques classiques.
Du fait de leur très large diffusion, les médicaments destinés à un large public auront obligatoirement des effets secondaires, même s’ils sont très rares. Soulignons que tout accident est sur médiatisé, (cf. le paracétamol et bien sûr la crise des pilules en France en 2012/2013) ce qui effraie les pouvoir publics.
La notion de rapport bénéfices/risques a quasi disparu : aujourd’hui il faudrait donc chercher des produits à zéro risque, ce qui est bien sûr impossible en particulier pour ces produits à large public. Ainsi pour le traitement des fi bromes, l’apparition d’accidents hépatiques avec l’ulipristal acétate a entraîné dans un premier temps une suspension de commercialisation et dans un deuxième temps une remise sur le marché avec des mises en garde en Europe, ce qui est compréhensible. La France, elle, a choisi en plus le déremboursement pour tuer cette innovation indéniable. Si l’on tient compte du rapport bénéfices/risques d’un fi brome qui saigne, il n’y a pas photo… Les quelques accidents hépatiques dramatiques sont bien sûr inacceptables, et probablement évitables par les mesures de prudence édictées par l’Europe mais ces rares accidents n’ont rien à voir avec le risque induit par la chirurgie et sa mortalité.
Il s’agit donc aujourd’hui de fabriquer des médicaments à zéro risque, sauf en cas de maladie grave où cette fois la mortalité est acceptée et les prix très élevés. Ce qui n’est pas le cas pour les produits à large public et en particulier la contraception qui traite de très nombreuses femmes « en bonne santé ».
L’Europe a pourtant rappelé en 2013 que le rapport bénéfices/risques des contraceptifs en particulier estroprogestatifs est positif, mais les accidents sont considérés aujourd’hui comme inacceptables. Pourtant les grossesses qui surviennent du fait de cette diminution de la contraception sont plus dangereuses que la prise d’un contraceptif elle-même, sans parler du risque des IVG…
Les grands laboratoires pharmaceutiques se sont donc désintéressés des produits à grande consommation et en particulier de la pilule qui cumule deux inconvénients majeurs : le grand nombre de personnes qui prendront ce traitement et le fait que ces personnes sont en bonne santé. A cet état de fait s’ajoutent les modes médiatiques qui prônent le tout naturel, le message reçu par les femmes étant que la contraception n’est pas « naturelle ». Le naturel est cependant bien d’avoir onze enfants comme c’était le cas au siècle dernier.
A la dictature du tout naturel se greffe la peur des hormones, peur largement augmentée par la gestion calamiteuse de la crise dite des pilules de 3ème génération. Nous payons encore aujourd’hui la surmédiatisation de cette crise de 2012/2013, les patientes affirmant sans hésiter en consultation que la pilule est « comme chacun sait extrêmement dangereuse ».
Enfin, et il s’agit d’un fait plus récent, il semble que la sexualité ait changé : on assiste actuellement à une baisse de l’activité sexuelle dans plusieurs pays, la dernière étude en date portant sur la Grande Bretagne. Ceci explique probablement le fait que malgré la baisse de l’utilisation des contraceptifs (environ moins 4% par an), avec une baisse plus sensible des estroprogestatifs, remplacée par les méthodes dites naturelles à efficacité moindre, on n’observerait pas d’augmentation du nombre des interruptions volontaires de grosse(IVG). Cette baisse de la sexualité explique probablement une meilleure acceptation des contraceptions naturelles, et en particulier les préservatifs, dont le taux d’échec se situe pourtant entre 15 et 20% par an.
Notons que la seule pilule estroprogestative, pilule triphasique* à base de norgestimate, à risque de TEV équivalente aux 2G, dont les ventes ne baissent pas a un bénéfice non contraceptif, sur l’hyperandrogénisme. Une publication de 2011 a établi que le fait d’offrir un bénéfice non contraceptif perçu par les femmes multiplie la persistance par 3 environ.
Le prix des contraceptifs, en particulier remboursés, est donc très bas. Toute innovation ne se justifie donc pour les laboratoires que vers des produits non remboursés. Ceux-ci ayant une image très dégradée. En effet les patientes confondent souvent remboursement et efficacité. Même lorsque des produits sont remboursés, par exemple pour la contraception d’urgence, médecins et pharmaciens hésitent à proposer des produits, même remboursés, plus chers, et ceci même si le produit plus cher a une meilleure efficacité.
L’apparition du nouveau concept de la macro-épidémiologie, le plus souvent danoise, a un effet très négatif sur la contraception. Au Danemark toutes les prescriptions et toutes les maladies rentrent dans des banques de données : les chercheurs font en permanence des corrélations entre ventes et accidents. Une étude récemment publiée affirme que la prise de pilule augmenterait la survenue d’une forme particulière de leucémie, et une autre étude toujours de la même école danoise trouve une corrélation entre contraceptifs estroprogestatifs et cancer du sein. 1, 2 Or on sait que ce type d’étude ne tient pas compte de la totalité des biais d’inclusion, en particulier lorsque les facteurs favorisant des maladies sont inconnus comme c’est le cas pour le cancer du sein ou la leucémie. Il y a indiscutablement des différences entre les femmes qui prennent la pilule et celles qui ne la prennent pas, tant sur le plan médical qu’ethnique ou sociologique. Les différences de RR relativement faibles aux alentours de 1,2 comme pour les deux exemples cité ci-dessus n’empêchent pas les médias de confondre ces risques relatifs avec des liens de causalité, sans prendre en compte les données statistiques qui disent qu’en l’absence de randomisation on ne doit pas tenir compte de RR inférieur à 2 ou même 3, vu l’importance des risques d’erreurs. On a vécu ça en 2012 avec une publication sur les risques différents entre les générations de pilule, avec des RR inférieurs à 2. Ceci aggrave encore l’image des hormones dans le grand public, au mépris là encore du rapport bénéfices/risques.
Imaginons des innovations dans le domaine de la contraception, comme par exemple les inhibiteurs de la migration des spermatozoïdes ou les produits empêchant la fécondation… Il y a fort à parier que ces produits ne verront probablement jamais le jour. En effet l’amélioration du service médical rendu sera quasiment inexistante du fait de la très bonne efficacité des contraceptifs classiques et de leur faible niveau de risque. Ces produits n’auraient donc pas accès à un prix remboursé acceptable et seront classés comme produits potentiellement dangereux avant l’évaluation. On sera de nouveau devant le dilemme : peu de risques des produits existants donc peu de preuve d’ASMR des innovations lors des essais cliniques, donc peu de valorisation de ces innovations donc peu de prescriptions donc pas d’évaluation épidémiologique possible. C’est de cette malédiction qu’ont souffert les pilules à l’oestradiol.
Nous voilà donc condamnés à vivre dans les prochaines années avec nos bonnes vieilles pilules.
Autre nouveauté conceptuelle, cette fois moins déprimante : les médecins ont pris leur destin en main grâce aux Recommandations du CNGOF sur la contraception, sorties en décembre 2018. Les experts du CNGOF ont reconnu que deux pilules avaient un risque thrombo-embolique plus bas : les pilules au lévonorgestrel et au norgestimate, en triphasique, cette dernière étant efficace sur l’hyperandrogénisme à peu près comme celles de 3ème et 4ème génération. On peut donc espérer que la hache de guerre entre générations est enterrée. A quoi bon discuter pendant des heures sur la validité des observations épidémiologique sur le risque thrombo-embolique comparé entre 2ème et 3ème et 4ème génération puisqu’on a une solution pour ce qui concerne la prise en charge de l’acné et par extension de l’hyperandrogénisme avec un risque de thrombose équivalent. On arrive donc à une classification enfin logique, les recommandations rejoignant ainsi la réalité. Une femme demandant une contraception estroprogestative, ne présentant pas de manifestation d’hyperandrogénisme relève d’emblée d’une pilule au lévonorgestrel. S’il existe des signes d’hyperandrogénisme, on choisira la pilule triphasique au norgestimate. La pilule au dienogeste et les pilules de 3ème et 4ème génération n’interviendront qu’en deuxième intention. Il est enfin affirmé dans ces Recommandations du CNGOF qu’en dessous de 50 µg d’éthinyl estradiol le risque thrombo embolique ne varie pas entre les pilules à 35, 20 et 15 µg d’éthinyl estradiol. Il est affirmé aussi que les pilules les plus dosées donnent moins de saignements et que ces saignements induisent des anomalies de la persistance. Le CNGOF valide donc en filigrane le fait de commencer avec une pilule à 30 ou 35 µg dEE². Stédiril, a été enfin retiré du marché.
Il est aussi reconnu que les pilules contenant uniquement un microprogestatif n’entraînent aucun risque thrombo-embolique ni veineux ni artériel et doivent donc être préférées en cas de contre-indication aux estroprogestatifs, ou même d’importants facteurs de risque.
Il reste une anomalie de taille dans les recommandations officielles, ces microprogestatifs restent contre-indiqués en cas de phlébite en cours récente ou avec séquelles. Sachant que pendant cette période toute grossesse est interdite en particulier sous anticoagulants, qu’on ne peut utiliser les estroprogestatifs, que les DIU au cuivre entraîneraient des saignements que proposez-vous ? Le rôle des pouvoirs publics ne devrait pas se limiter au bâton.
Le CNGOF a également reconnu que les estroprogestatifs doivent être utilisés en première intention dans l’endométriose soit avec des cycles 3 semaines sur 4 soit avec des cycles étendus. Ceci vient à point nommé : en effet aucune étude n’a montré de supériorité des contraceptions macro progestatives versus estro progestatives dans l’endométriose. Par ailleurs il est probable bien qu’il y ait aucune étude avec les produits français que les macro-progestatifs ont un effet sur la perte osseuse. Ces macro-progestatifs utilisés en péri ménopause ont aussi été accusés dans les études EPIC et E3N d’augmenter les risques de cancer du sein. Enfin depuis que l’on sait que l’acétate de cyprotérone entraîne des méningiomes, une alerte a été lancée sur l’utilisation de ces macro-progestatifs.
Là encore les recommandations rejoignent la réalité : suivant le CNGOF, on proposera d’emblée des estroprogestatifs monophasiques chez les femmes endométriosiques. Ce n’est qu’après échec de ce traitement que l’on peut éventuellement proposer les macro-progestatifs.
Autres fait marquants : la mise en avant de l’avantage des LARC (DIU et implants). Les implants ne se développent pas en France, (pas d’augmentation nette des ventes de Nexplanon®). En revanche les ventes de DIU explosent. La majorité des prescripteurs semblent aujourd’hui confirmer que l’on peut poser des DIU chez des nullipares.
En revanche bien que les femmes apprécient que les DIU au cuivre ne s’accompagnent pas d’une prise hormonale la tolérance n’est pas toujours au rendez-vous, avec une augmentation des saignements et des dysménorrhées le plus souvent chez les femmes qui en avaient déjà avant la pose du DIU ou chez les adolescentes. Ceci entraîne nombre de femmes à demander qu’on les enlève douleurs abdominales)3.
Une publication NOVAC de 2018 sur les DIU au lévonorgestrel innocente ces SIU sur l’augmentation du cancer du sein évoquée par une grande étude épidémiologique finlandaise. Elle trouve également un effet protecteur du SIU sur les cancers de l’ovaire et de l’endomètre4.
Nouveaux produits
Une pilule à 30 µg d’EE² plus du Diénogest est sortie. Elle a la double AMM contraception et prise en charge de l’acné légère à modérée mais n’a pas de données très fi ables pour le risque thrombo-embolique. Une publication de 2018 lui donne un RR par rapport aux pilules au lévonorgestrel de 1,5, elle n’est donc pas classée comme à utiliser en première intention. Il ne s’agit pas réellement d’une nouveauté car elle est commercialisée depuis des décennies à l’étranger5.
Un nouveau DIU original Ballerine vient d’être commercialisé. Il s’agit d’un fil à mémoire de forme sur lequel sont enfilées des perles de cuivre. Le principe est séduisant car ce DIU pourrait être mieux toléré du fait de sa souplesse mais rien n’est encore prouvé.
Produits à venir prochainement
On attend avec impatience un nouveau microprogestatif qui n’utiliserait plus cette fois le désogestrel comme Cérazette® et ses génériques, mais de la drospirénone avec un arrêt de quatre jours dans le mois. Les données de tolérance ne sont pas encore connues : le talon d’Achille de ces contraceptions micro-progestatives reste la tolérance en particulier les saignements qui en limitent fortement l’utilisation. Par ailleurs pour l’efficacité de ce produit il faudra regarder de près ce qui se passe en cas d’oublis mais aussi chez les femmes à pharmacocinétique perturbée : interférences médicamenteuses et surpoids.
Enfin on entend toujours beaucoup de rumeur sur l’arrivée prochaine d’un estroprogestatif associant un estrogène original l’estétrol et le drospirénone.
Notons qu’aucune de ces nouveautés ne sera probablement remboursée du fait de ce qui est exposé en début de ce texte.
Ainsi les nouveautés en contraception souffrent énormément de la situation réglementaire et financière de la santé. La contraception ayant le double défaut de disposer de produits efficaces et bien tolérés et d’être destinée à une très large population. De plus elle souffre de la demande de retour au tout naturel, concept absurde car ce qui est naturel ce n’est pas l’orthogénie mais la reproduction.
Les nouveautés viennent d’un effort louable du CNGOF qui a produit des textes de recommandations pour les praticiens, intelligentes et pratiques. Peu d’innovations récentes ont été mises à notre disposition mais deux produits à venir feront peut-être mentir mon pessimisme.
RÉFÉRENCES
1. Hargreave M et al. Maternal use of hormonal contraception and risk of childhood leukaemia: a nationwide, population-based cohort study. Lancet Oncol. 2018 ;19:1307-14
2. Mørch LS et Contemporary Hormonal Contraception and the Risk of Breast Cancer. N Engl J Med. 2017;377:2228-39
3. Aoun J et al. Effects of age, parity, and device type on complications and discontinuation of intrauterine device. Obstet Gynecol 214 ;123 :585-92
4. Jareid M et al. Levonorgestrel releasing intrauterine system use is associated with a decreased of ovarian and endometrial cancer, without increased risk of breast cancer Results from the NOWAC Study Gynecol Oncol 2018 ;149 :127-32
5. Dragoman MV et al. A systematic review and meta-analysis of venous thrombosis risk among users of combined oral contraception. Int J Gynaecol Obstet. 2018 ;141:287-294
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