Avant de vous donner mon point de vue sur ces 10 dernières années de notre exercice, il me paraît bon de rappeler que notre spécialité, la gynécologie obstétrique, est très plurielle et tend de plus en plus à se spécialiser.
Je n’évoquerai donc qu‘une petite partie de la spécialité, la chirurgie gynécologique et mammaire en ne parlant que d’une sous partie de cette sous spécialité, la chirurgie oncologique mammaire et gynécologique.
Comment votre exercice a –t-il évolué au cours des 10 dernières années ?
Il n’y a pas eu de révolution chirurgicale en gynécologie ces 10 dernières années.
La chirurgie minimale invasive se développe de plus en plus dans la pathologie bénigne.
Dans le domaine de l’oncologie mammaire, les techniques d’oncoplastie se sont généralisées de même que la technique du ganglion sentinelle. Les indications de mammectomies restent stables mais les reconstructions immédiates sont de plus en plus proposées aux patientes.
La chirurgie cœlioscopique cancérologique prend de l’essor mais reste encore l’exception : moins de 20 % des cancers gynécologiques sont traités par voie coeliovaginale en France, la laparotomie restant le traitement standard.
Il est probable que la chirurgie robotique qui a vu le jour ces 10 dernières années dans notre spécialité augmentera le ratio de chirurgie laparoscopique mais son coût et la longueur de la formation sont un frein majeur à son développement.
Le point des contraintes administratives s’est décuplé ces 10 dernières années et ce, même au sein de l’hospitalisation privée, l’HAS étant de plus en plus exigeante vis à vis des praticiens avant de donner l’agrément aux établissements.
Quelles sont selon vous les orientations futures de la gynécologie obstétrique ?
La chirurgie cancérologique se spécialise de plus en plus et les praticiens deviendront dans le futur des spécialistes d’organe.
Pour l’ instant, les accréditations pour exercer la chirurgie cancérologique sont attribuées à des établissements. A titre d’exemple, le seuil pour opérer un cancer du sein est fixé à 50 procédures dans l’année, tout praticien confondu au sein du même établissement.
C’est notoirement insuffisant surtout au vu des dernières publications démontrant l‘impact direct de l’expérience et du volume d’activité du chirurgien sur la diminution de la survie et l’augmentation du risque de récidive.
Les seuils seront relevés dans le futur et probablement qu’ils seront donnés à titre individuel.
Un bon nombre d’hôpitaux, de cliniques et de gynécologues obstétriciens perdront dans les années proches l’autorisation d’exercer la chirurgie cancérologique gynécologique pour le plus grand bien des patientes.
Quelle a été votre meilleure expérience professionnelle ?
Nous avons aussi fêté les 10 ans de la création de notre institut qui est un véritable outil pluridisciplinaire de prise en charge du cancer du sein regroupant les radiologues, les chirurgiens, la radiothérapie et la chimiothérapie mais aussi l’ oncogénétique, ainsi que tous les acteurs para médicaux nécessaires à la prise en charge de ce cancer.
En complément de notre institut, une structure para médicale de prise en charge des patientes atteintes de cancer a vu le jour cette année l’institut Rafaël. Cette maison de l’après-cancer regroupe l’ensemble des compétences permettant enfin de ne plus seulement traiter la maladie mais d’avoir une approche intégrative pour enfin s’occuper du malade.
Travailler au sein de cette équipe est un plaisir quotidien toujours renouvelé.
Quelle a été votre principale déception ?
Ma plus grande déception est la judiciarisation de plus en plus grande de la médecine.
Les patientes ne supportent pas l’aléa thérapeutique et c’est encore plus vrai dans la chirurgie cancérologique, soumises aux aléas de la chirurgie mais aussi à ceux du cancer.
La seule réponse à apporter à cette tendance est de s’hyperspécialiser et de travailler dans des structures pluridisciplinaires ou les décisions seront partagées au sein de la RCP (ce qui ne dégage absolument pas le chirurgien de ses obligations).
Chez Maimounide et chez tant d’autres : Soigner l’humain avec au cœur l’exigence éthique et les moyens de bien conduire cette mission.
Quels sont vos espoirs ?
Ces 10 dernières années n’ont pas donné envie aux jeunes générations de rejoindre la médecine libérale.
J’espère pour le futur que nos dirigeants comprendront enfin la nécessité de 2 pôles de santé forts et complémentaires, l’hôpital public et l’hospitalisation privée.
A titre d’exemple et dans notre spécialité, 50 % des cancers sont pris en charge dans le privé.
Le Dr Eric Sebban est chirurgien gynécologue et cancérologue à la Clinique Hartmann ainsi que chef de pôle de chirurgie gynécologique à l’hôpital Américain. Il est aussi cofondateur de l’Institut Rafaël, un centre de médecine intégrative et maison de l’après cancer.
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