Experts et autorités de santé ont analysé dix années d’expérience de vaccination HPV et ont détaillé le plan d’action à mettre en place pour optimiser la prévention du cancer du col de l’utérus
Ce séminaire a réuni les experts du domaine et les autorités de santé responsables des programmes de prévention du cancer du col de l’utérus, avec pour objectif de faire le point sur les 10 années d’expérience du dépistage et de la vaccination HPV en France.
F. Hamers (Santé Publique, France) a dressé un état des lieux du cancer du col en France et fait le point sur les stratégies de contrôle de la maladie.
– On dénombre en France environ 3000 nouveaux cas annuels de CCU et 1100 décès.
– On enregistre depuis les années 2000 un ralentissement de la baisse de l’incidence et de la mortalité du cancer du col de l’utérus. La survie à 5 ans, de 63% (en 2005-2010) est, elle aussi, en régression.
– La France conjugue, d’une part, un dépistage majoritairement opportuniste (caractérisé par une couverture suboptimale et d’importantes disparités sociales et géographiques) et, d’autre part, l’une des couvertures vaccinales HPV les plus basses d’Europe (seulement 24% des françaises de 15 ans ont reçu 1 dose de vaccin HPV en 2016).
L’une des réponses à cette situation est la généralisation du dépistage, dont l’évaluation et la mise oeuvre ont été détaillées par S. Barré (INCa, France). Cette évolution fait suite la mise en place d’expériences pilotes, basées sur un système de courriers d’invitation et de relance et sur le suivi des femmes dépistées positives, ayant permis, en moyenne, un gain de 10 % de taux de couverture par site.
– Un modèle médico-économique a été réalisé par l’INCa pour comparer la situation actuelle à plusieurs stratégies de dépistage organisé intégrant différents paramètres parmi lesquels les tests (cytologie, test HPV, double marquage immunochimique p16/Ki67) et les intervalles de dépistage (3, 5 et 10 ans).
– Les conclusions de ce modèle plaident pour la mise en place d’une organisation basée sur un système d’invitation/relance et un dépistage primaire fondé sur un test HPV tous les 5 ans. Toutefois, compte tenu des contraintes d’organisation, – Le dépistage organisé, qui sera déployé à partir de 2018, restera d’abord basé sur la cytologie, l’utilisation du test HPV en dépistage primaire étant repoussée à l’horizon 2020-2025.
La troisième intervention (S. Gilberg, France) a proposé une analyse des dix années d’expérience de la vaccination HPV en France. Le faible niveau de la couverture vaccinale en France peut être lié au nombre des recommandations vaccinales (9 en 10 ans) et à leur complexité, et au fait qu’elles ont initialement « sexualisé » la vaccination HPV.
– Néanmoins, la crainte d’hypothétiques effets secondaires liés à la vaccination, entretenue par des polémiques très médiatisées auxquelles n’ont que peu répondu les autorités de santé, est en France la cause essentielle de la défiance du public et des médecins.
– La sécurité de la vaccination HPV est pourtant aujourd’hui étayée par les données issues de plus de 270 millions de doses distribuées et par l’avis unanime des experts et des autorités de santé, dont l’OMS qui a réaffirmé en 2017 qu’elle considérait « le vaccin HPV comme extrêmement sur ».
L’hésitation vaccinale, thème de la quatrième intervention (E. Karafillakis, Vaccinse Confidence Project, Royaume Uni), est en effet un problème majeur en France, championne du monde dans la discipline avec, dans une récente enquête, 41% des personnes interrogées exprimant des doutes sur la sécurité des vaccins.
– Un engagement fort des autorités de santé dans la défense de la vaccination lors des crises et dans sa promotion permanente est la condition indispensable du retour à la confiance.
– Ce retour à la confiance pourrait, conformément à l’exemple d’autres pays, passer par la mise en place d’un système de surveillance et d’analyse des médias numériques visant à identifier les doutes et les rumeurs puis par le déploiement d’un vaste programme de communication multicanal associant l’ensemble des organisations favorables à la vaccination.
La cinquième intervention (J. Viguier, INCa, France) a détaillé les stratégies et perspectives d’une coordination de la vaccination et du dépistage. L’approche intégrée associant organisation du dépistage et organisation de la vaccination a fait ses preuves dans de nombreux pays mais l’une de ses difficultés réside dans la nécessité d’un pilotage distinct de chacun des deux programmes de prévention, qui différent en termes de publics et d’acteurs.
– La mobilisation des organismes de gestion du dépistage et des relais de l’Assurance Maladie, qui sont en France au carrefour de la mise en place des deux stratégies, pourrait faire du déploiement du dépistage organisé une opportunité d’un plan d’action en faveur de la couverture vaccinale. Car si l‘organisation du dépistage est aujourd’hui, largement amorcée, aucun calendrier français d’évolution de la vaccination HPV vers un programme organisé à moyen/long terme n’est à ce jour disponible.
Enfin, la sixième et dernière intervention (Odile Launay, CIC Vaccinologie, France) a fait le point sur la vaccination HPV nonavalente. Le vaccin HPV nonavalent contient, en plus des quatre types originels d’HPV (6, 11, 16 et 18) déjà présents dans Gardasil, cinq types additionnels, les HPV 31, 33, 45, 52 et 58, et offre une protection contre 85 à 90 % des cancers anogénitaux HPV-induits et 75 à 95% des lésions précancéreuses anogénitales
HPV-induites.
– Des données d’immunobridging ont apporté la preuve que son efficacité clinique en prévention des maladies dues aux HPV 6, 11, 16 ou 18 est comparable à celle de Gardasil. Il a par ailleurs, comparativement à Gardasil, une efficacité clinique proche de 100% en prévention des lésions génitales précancéreuses liées aux HPV 31, 33, 45, 52, 58 parmi une population de jeunes femmes non infectées à ces HPV au moment de la vaccination.
– Son profil de tolérance est similaire à celui de Gardasil à l’exception de réactions plus nombreuses au site d’injection. Gardasil 9 a une AMM européenne depuis le 10 juin 2015 et il est recommandé en France depuis le 10 février 2017. Il n’est pas encore commercialisé en France mais remplace d’ores et déjà Gardasil dans de nombreux pays. 23 millions de doses de Gardasil 9 ont à ce jour été distribuées dans le monde.
Une synthèse des débats a clos ce séminaire et a fait le bilan des actions à mettre en place pour optimiser les évolutions de la prévention du cancer du col de l’utérus en France. Parmi ces actions, figure l’accélération de la transition vers le test HPV, l’engagement des autorités de santé dans la défense et la promotion de la vaccination HPV (matérialisé par un système de surveillance et d’analyse des médias numériques et un programme de communication multicanal en direction du grand public), la mise en place d’un registre de la vaccination et la mobilisation des organismes de gestion du dépistage et des relais de l’Assurance Maladie autour d’un plan d’action en faveur de la couverture vaccinale.
Dr Joseph Monsonego
Le Dr Joseph Monsonego a coordonné les essais cliniques pour les 2 vaccins (MSD et GSK) et mené des essais cliniques sur le dépistage HPV avec les ARN m et le génotypage (Geneprobe et Roche respectivement).
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