En ce qui me concerne, je considère toujours que la meilleure réponse thérapeutique aux symptômes et aux conséquences de la carence œstrogéniques réside dans l’instauration d’un THM bien équilibré et adapté à l’individualité de chacune.
Cependant, cela fait exactement 13 ans qu’un cataclysme planétaire a fondu sur la planète terre : la WHI (Women Health Initiative Study).
La médiatisation à charge de cette étude fut telle, et ce pendant plus de 5 ans, que la plupart de nos patientes ont déserté leur THS et que les nouvelles femmes ménopausées ne se bousculent pas pour nous demander un THM. Alain Tamborini a fait ses calculs : les ventes de THS se sont effondrées de 79% et la baisse continue chaque année (Figure 1 – D’après Alain Tamborini au Samedi des Controverse de Gynécole à Paris, le 27 juin 2015).
Figure 1 – D’après Alain Tamborini au Samedi des Controverse de Gynécole à Paris, le 27 juin 2015
De moins en moins de femmes hormonalement traitées
D’après ses estimations, il n’y a donc plus que 600 à 650 000 françaises sous THM en 2015 !
Ces femmes littéralement terrorisées à l’idée de pouvoir augmenter leur risque de cancer du sein refusent de plus en plus souvent énergiquement nos propositions de THM. Il faut dire que les recommandations de nos Autorités de santé, si elles n’interdisent pas le THM, nous enjoignent à nous comporter ici de façon très circonspecte : lisez la dernière mise à jour datant d’il y tout juste 1 an (figure 2 – Communiqué de presse de la HAS. Juillet 2014).
Figure 2 – Communiqué de presse de la HAS. Juillet 2014
Ceci a des conséquences importantes et, en premier lieu, sur la qualité de vie de nos patientes. Car si 10 à 20% des femmes ménopausées n’ont pas ou peu de symptômes gênants, les autres font durement la connaissance qui avec les bouffées de chaleur et les suées nocturnes, qui avec l’insomnie, qui encore avec les arthralgies et la sécheresse vaginale, la fatigue et la baisse de tonus … Et de se retourner vers nous tout en nous prévenant d’emblée «Ah ! Non, pas d’hormones, Docteur !».
Alors que pouvons-nous leur répondre ?
Je fais ici pour vous le tour des solutions disponibles.
Quelles sont les alternatives non hormonales au THS ?
L’Abufène® : c’est un médicament, de la Béta alanine. Il nous permettait, faute de mieux, de prescrire un placebo remboursé ! Las, il a été dé-remboursé par nos Autorités de Santé pour faute de preuves cliniques d’efficacité. Et les prescriptions se sont effondrées (chute de 50%).
L’Agreal® : c’est un neuroleptique ! Il a été retiré du marché en raison d’accidents neurologiques si exceptionnels que peu d’entre nous ont pu les noter dans leur exercice au fil des années. Dommage car il nous semblait bien qu’il était efficace sur les bouffées de chaleur et les suées ainsi que sur le sommeil pour une proportion non négligeable de nos patientes concernées. Une remarque sur ce médicament : nous l’avons prescrit «larga manu» à nos patientes aux antécédents de cancer du sein alors que la molécule est hyperprolactinémiante et que nous n’avions aucune étude documentée quant à son effet éventuellement délétère chez de telles patientes.
L’Acthéane® : c’est de l’homéopathie et certaines de nos patientes sont très fans d’homéopathie. Une étude randomisée versus placebo a été faite par le laboratoire Boiron. Les résultats sur les bouffées de chaleur sont résumés sur la figure 3. Il y a, semble-t-il, peu de différence entre les résultats du placebo et de cette spécialité. Il a ainsi été calculé une diminution des bouffées de chaleur dans cette étude au profit des femmes traitées de 21,5%.
Figure 3 – Evolution des bouffées de chaleur à 12 semaines versus placebo
Le Mahnaé® : ce produit fait sa publicité sur le fait qu’il «ne contient pas de soja» et qu’il est «sans aucune source d’hormones, même d’origine végétale (phyto-œstrogènes)», «sans soja, lin, sauge, houblon, fenouil, trèfle…». Ce produit contient des extraits de citrus, dont 85 mg de flavonoïdes par capsule. Les flavonoïdes font partie de la grande famille des phyto-œstrogènes qui présentent une similitude plus ou moins grande avec l’œstradiol (7). Dans ces flavonoïdes figurent notamment la naringénine, la 8-penylnaringenine, la naringine, l’hespéridine. Il semble que ces molécules aient une activité œstrogénique et pourraient favoriser la prolifération des cellules MCF7 (2, 3, 4).
Nous allons le voir plus loin : le soja a vu, après avoir semblé être LA solution des bouffées de chaleur dans les années qui ont suivi la parution de la WHI, ses ventes s’effondrer après la parution de la mise au point AFSSA.AFSSAPS de 2005.
Les Isoflavones extraites du soja (nombreuses spécialités)
Elles font également partie de la grande famille des «phytœstrogènes». La daidzéine et génistéine sont les isoflavones les plus étudiées. Ces «mini SERM» ne lient pas les 2 récepteurs œstrogéniques (RE) avec la même affinité (5) : Cf figure 4.
Evelyne Drapier-Faure, Philippe Chantre et Pierre Mares ont effectué une étude multicentrique randomisée versus placebo avec la spécialité Phytosoya® (6).
La figure 5 montre une réelle différence à 12 semaines versus le placebo avec une différence entre le placebo et le produit avec un delta de 40,5 à 12 semaines.
Figure 5 – Effects of a standardized soy extract on hot flushes: a multicentre, double blind, randomized, placebo-controlled study – Evelyne Drapier-Faure, Philippe Chantre, Pierre Mares, MENOPAUSE, Vol.9, N°5, September 2002.
Mais le 9 mars 2005, l’AFSSA et l’AFFSAPS rendent public un rapport de 440 pages. Les conclusions du rapport sont sans appel : les isoflavones n’ont pas fait la preuve de leur efficacité et elles pourraient constituer un danger pour la santé (7). Ceci a été confirmé ensuite par l’EFSA (8) (l’Agence Européenne de Sécurité des Aliments).
Enfin Serelys® : ce sont des extraits de pollen. L’efficacité sur les bouffées de chaleur été confirmée par deux études randomisées versus placebo et d’autres études d’observation dont deux menées en France (10) confirmant cet effet positif.
La bibliographie positive s’est progressivement développée depuis une dizaine d’années jusqu’à faire de ce produit une solution alternative au THM en matière de symptômes climatériques (9, 10, 11, 12, 13,14 15). Dénué de toute activité œstrogénique, ce composé peut être prescrit à des femmes ayant eu un cancer du sein. René Druckman a présenté récemment à l’EMAS 2015 un poster qui résume bien l’originalité du produit dans ce contexte particulier (16).
Conclusion
Il existe bien des alternatives symptomatiques au THM.
Les extraits de pollen semblent aujourd’hui être la meilleure proposition à faire aux femmes qui ne peuvent ou ne veulent pas adopter un THM et qui souffrent de symptômes gênants induits par la carence œstrogénique.
David Elia – Gynécologue, Paris
RÉFÉRENCES
1. Efficacité d’un traitement non hormonal le BRN-01, sur les bouffées de chaleur liées à la ménopause. Drugs RD 2012;12(3):107-19.
2. (Anti)estrogenic effects of phytochemicals on human primary mammary fibroblasts, MCF-7 cells and their co-culture.J.A. van Meeuwen , N. Korthagen , P.C. de Jong , A.H. Piersma , M. van den BergToxicology and Applied Pharmacology 221 (2007) 372–383
3. Citrus flavonoids: Molecular structure, biological activity and nutritional properties: A review Elisa Tripoli , Maurizio La Guardia, Santo Giammanco, Danila Di Majo, Marco Giammanco , Food Chemistry 104 (2007) 466–479
4. Naringenin-type flavonoids show different estrogenic effects in mammalian and teleost test systems,Oliver Zieraua,, Juliane Hamanna, Sandra Tischerb, Pia Schwabb, Peter Metzb, Günter Vollmera, Herwig O. Gutzeita, Stefan Scholzc, Biochemical and Biophysical Research Communications 326 (2005) 909–916
5. Kuiper GCJM et al. Endocrinol.138:863, 1997;139:4252, 1998
6. Effects of a standardized soy extract on hot flushes: a multicentre, double blind, randomized, placebo-controlled study – Evelyne Drapier Faure, Philippe Chantre, Pierre Mares, MENOPAUSE, Vol.9, N°5, September 2002.
7. http://www.afssa.fr/Documents/NUT-Ra-Phytoestrogenes.pdf
8. http://www.efsa.europa.eu/fr/efsajournal/doc/2264.pdf
9. Femal (Sérélys®) an herbal remedy from pollen extracts, reduces hot flushes and improves quality of life, in menopausal women. A randomized, placebo-controlled parallel study. Kaj Winther & All: MD, DMSCi, Dept. Biochem, Gentofte Hospital, University of Copenhagen DK-2900 Hellerup, Denmark.CLIMACTERIC – 2005; 8:162-170
10. D. Elia, P. Marès, Evaluation de la tolérance et de l’efficacité d’un complément alimentaire Sérélys® chez les femmes en période de ménopause; Reproduction humaine et hormone – 2009; Vol XXII; N°2; 05-2009
11 . Docteur H. ROZENBAUM. Hormones et reproduction – Mars 2009
12. A preparation containing pollen and pistil extracts combined with Royal jelly reduces PMS and Menopausal symptoms. Kaj Winther: MD, DMSCi, Dept. Biochem., Gentofte Hospital, University of Copenhagen DK-2900 Hellerup, Denmark. Christer Hedman: DMSCi, Medartis, Sahlgrenska Science Park, Gothenburg, Sweden. Current Therapeutiv Research; volume 63, N°5, Mai 2002.
13. Assessment of the effects of the Herbal Remedy Femal on the Symptoms of Premenstrual Syndrome: A Randomized, Double blind, Placebo-Controlled Study. Kaj Winther, MD DMSci1, and Christer Hedman, DMSci2 6e congrès de la société européenne de gynécologie.
14. Étude multicentrique en double aveugle contre Placebo 101 patientes. Dr. Gerhardt M. Gerhardsen, Legehuset, Forteins Valens vei 45, Kolbotn, Norvège. Dr. Frank H. Petersen, Service de Gynécologie, Hôpital Herning, Danemark. Dr. Gitte Gleerup Fornitz, Dr en Médecine& Sciences, Hôpital Amager, Copenhague, Danemark
15. Standardized pollen reduces Premenopausal symptoms such as hot flushes and mood swings and pistil extracts. Dr. Hiroho: MD, Kimura Clinic, 4-12-17 Nishitenna, Kitoku, Osaka, japan.
16. A non-hormonal treatment of vasomotor symptoms in female patients with and after breast cancer. René Druckman. EMAS 2015- Poster.
Article paru dans le Genesis N°185 (juin/juillet 2015)
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