La campagne médiatique «anti-pilule» qui a secoué la France en janvier 2013 a mis en lumière essentiellement les risques liés à ce mode de contraception.
Les chiffres publiés en mai 2014 par N. BAJOS (INSERM) ont montré une désaffection pour la pilule (-9%) au profit du stérilet (DIU : +1,9%) et des méthodes dites «naturelles» (+6,5%).
Mais on a peu entendu parler des différents modes de contraception hormonaux. L’amalgame a été fait entre toutes les pilules : œstroprogestatives et micro dosées progestatives. La classification liée à la génération des progestatifs a été mal interprétée puisque même les pilules micro dosées au desogestrel (DSG) ont été mises au ban sous prétexte qu’elles étaient de 3e génération. Jusqu’à la méconnaissance de ce qui pouvait être un risque thromboembolique artériel et un risque thromboembolique veineux (VTE) : le premier cas présenté concernait la survenue d’un AVC chez une jeune utilisatrice. Pour les autorités sanitaires, il illustrait l’augmentation du risque VTE des pilules dites de 3e génération ! Cet article aborde les pilules progestatives pures, les POP.
Mode d’action des différentes familles de contraceptifs oraux
– Les pilules œstroprogestatives (O/P) agissent grâce à un contrôle négatif de l’axe hypothalamo-hypophysaire.
Elles sont responsables du «triple verrou contraceptif» : inhibition de l’ovulation, modification du mucus cervical afin d’empêcher le passage du col utérin aux spermatozoïdes et modification de l’endomètre rendu impropre à la nidation.
– Les pilules progestatives : 2 catégories de pilules sont actuellement sur le marché : Microval® : 30μg/jour de Levonorgestrel ou Cérazette® et ses génériques : 75μg/jour de désogestrel.
La première agit par action sur les 2 verrous utérins (endomètre et glaire), il n’y a pas de blocage de l’axe hypothalamo-hypophysaire.
La seconde est responsable d’un blocage incomplet : elle provoque une inhibition de l’ovulation mais laisse persister une sécrétion d’estrogènes endogènes et d’une action sur les 2 verrous utérins.
Les indications des pilules progestatives
L‘utilisation de pilules micro dosées progestatives ou pilules orales progestatives (les POP) est intéressante dans des conditions bien définies (Contre-indications des estrogènes, post-partum, tabac, obésité). L’objectif est d’induire une hypo-œstrogénie, de diminuer la sécrétion d’estrogènes endogènes par un effet anti gonadotrope, d’éviter le passage hépatique des estrogènes en cas de pathologies estrogéno-dépendantes ou de facteurs de risque notamment de MVTE. On s’informera dans ce cas, par un interrogatoire méticuleux de l’âge de la patiente, des antécédents personnels ou familiaux de maladie veineuse, d’un surpoids voire d’une obésité, d’une thrombophilie congénitale (mutation de facteurs de coagulation) ou acquise (lupus, maladie de Behcet, maladies inflammatoires, hémopathies, syndrome des antiphospholipides. La période de post-partum est considérée comme une période à haut risque, la prise d’œstrogènes est formellement contre indiquée en général pendant 8 semaines, l’OMS est plus restrictive : 6 semaines.
Cette recherche d’hypoestrogénie ne peut éviter l’apparition d’une activité androgénique qui, contrairement aux pilules O/P, ne sera pas contrebalancée par les estrogènes et se traduira par une prise de poids, la survenue d’acné et, sur le plan biologique, la diminution des HDL.
Mais ces 2 pilules (LNG et DSG) sont différentes
Microval® (LNG) a été longtemps la plus prescrite car la seule remboursée. L’arrivée récente d’Optimizette®, générique de Cérazette® (DSG) et son remboursement devrait permettre une plus grande utilisation de ce produit.
Microval® (LNG) inhibe faiblement l’ovulation (moins de 50%), elle diminue la perméabilité des spermatozoïdes, elle assure un déphasage de l’endomètre inhibant la nidation, elle ralentirait la progression de l’œuf dans la trompe (GEU ?).
Comme toutes les POP, sa prise sera continue en insistant sur le respect du délai d’oubli : 3 heures.
Elle pourra être responsable de troubles de règles (aménorrhée, spottings) qui seront un facteur de nonobservance, de kystes fonctionnels de l’ovaire voire de grossesse extra-utérine.
Les pilules au DSG (Cérazette®, Antigone 75 μg®, Desogestrel Teva 75 μg®, Desogestrel Biogaran 75 μg®, Optimizette®) se prennent également en continu sans arrêt pendant les règles. Elles inhibent l’ovulation dans 97% des cas et ont une action sur la glaire et l’endomètre. Leur activité androgénique est plus faible par rapport à celles au DSG. Le délai d’oubli est de 12 heures.
L’étude collaborative Study Group (1998), randomisée en double aveugle a comparé 979 femmes prenant une POP au DNG et 327 une POP au LNG. (1)
Dans le 1er groupe, l’indice de Pearl a été : 0,17 (0,004-0,93), dans le 2nd, 1,41 (0,29-4,12).
RICE et al (1999), dans une autre étude, ont également montré la supériorité du DSG, confirmant la supériorité du délai d’oubli. (12H/3H). (2)
KORVER et al (2004) ont, pour leur part, confirmé l’absence d’action du DSG sur la durée de la lactation ou sur le volume du lait. (3)
Les progestatifs oraux ont un effet négligeable sur l’hémostase ; le métabolisme des lipides et des glucides. Néanmoins, leur tolérance est moins bonne que celle des 0/P. Le contrôle du cycle et notamment la survenue de saignements intercurrents est souvent un motif d’arrêts prématurés. La prise de poids se retrouve surtout en cas de terrain prédisposé. Les plaintes les plus fréquentes concernent la survenue d’acné, de céphalées, de nausées, de mastodynies et de baisse de la libido.
Elle sera plus facile à conseiller aux femmes d’âge mûr, R.Sitruck Ware parle de «counselling» plus adapté avec les jeunes utilisatrices. (4)
Leur prescription est contre-indiquée en cas de tumeurs hormonosensibles, notamment en cas de cancer du sein. En cas de grossesse, en cas d’hémorragies génitales inexpliquées ou de maladie Veineuse thromboembolique en évolution.
En Conclusion
Les pilules au DSG ont une fiabilité contraceptive très importante, elles inhibent presque totalement l’ovulation, leur délai d’oubli est de 12h, bien supérieure à celui de celles au LNG. La sécrétion d’estrogènes endogènes est maintenue, les taux sont suffisants pour prévenir une perte osseuse ; les saignements ont tendance à s’atténuer avec le temps, l’incidence d’effets indésirables est faible. Le remboursement récent par la sécurité sociale de Optimizette® va permettre aux professionnels de santé concernés de la prescrire d’avantage en cas de contre-indications à la prise d’œstro-progestatifs.
Lydia Marié Scemama – Gynécologue Obstétricienne
RÉFÉRENCES
1. Collaborative STUDY Group: on the desogestrelcontaining progesteroneonlypill. A double-blind study comparing the contraceptive efficacy, acceptability and safety of two progestogen-only pills containing desogestrel 75 μg per day or Levonorgestrel 30 μg per day. Eur J Contracept Reprod Health Care (1998; 3:1969-78)
2. RICE CF et al. A comparison of the inhibition, of ovulation achieved by desogestrel 75 μg and Levonorgestrel 30 μg daily. Hum Reprod 1999; 14:982-5
3. KORVER T, et al: Maintenance of consistant ovulation inhibition with the 75mcg desogetrel only contraceptive pill: European J Contr Reprod; Care 2004; 9 (suppl.1): 43
4. R SITRUK WARE, D. SERFATI in Abrégés de Contraception, Elsevier Masson, 4e edition, 118-122 (avril 2011)
Article paru dans le Genesis N°182 (janvier/février 2015)
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