Infections extrêmement fréquentes, les candidoses vulvo-vaginales (CVV) demeurent un problème quotidien pour le gynécologue : récidives, difficultés diagnostiques et de suivi peuvent les rendre plus complexes qu’il n’y parait.
Basées principalement sur le diagnostic clinique ou l’interrogatoire des patientes, les données épidémiologiques sur les CVV évoquent un pourcentage très élevé (75%) de femmes qui auront au moins un épisode de CVV dans leur vie, dont 5% présenteront des épisodes récurrents (CVVR) ou chroniques.
L’incidence de la CVV diminue rapidement après la ménopause (7% par an) : seulement 5 à 6% des femmes ménopausées peuvent présenter une CVV (1).
L’impact psychosocial des CVV n’est plus à démontrer. Dans une étude récente (2) réalisée dans différents pays (Europe, USA) sur plus de 600 patientes atteintes de mycoses récidivantes avec une durée moyenne de récurrence de 6 à 10 jours, la gêne et des douleurs ressenties par ces femmes sont deux fois supérieures à celles de la population générale. Les symptômes d’anxiété et de dépression, évalués à environ 15% dans la population générale française, atteignent pratiquement 60% chez les femmes avec CVVR. La qualité de vie est altérée chez ces patientes (score de 0,5 au lieu de 0,9 dans la population générale), même en dehors d’un épisode aigu dans la crainte de la survenue d’une nouvelle «poussée».
Une clinique parfois trompeuse
Les signes d’appel d’une CVV sont bien connus : érythème vulvaire, oedème, prurit, fissures, lésions de grattage, sensations de brûlures et leucorrhées blanchâtres.
Mais face à ces symptômes pourtant typiques de mycose, 1 diagnostic clinique sur 2 est faux. Même si ils sont très évocateurs, les symptômes et l’examen clinique ont une valeur prédictive relativement faible : 35 à 40% seulement des femmes présentant un prurit et un érythème vulvaire ont réellement une CVV (3). De même la valeur prédictive positive du prurit ne dépasse pas 18%, celle des leucorrhées est encore plus basse, et celle de l’observation d’un érythème par le gynécologue n’excède pas 25% (4). En fait, les symptômes absents, en écartant une CVV, ont plus de valeur que des symptômes présents.
La confirmation du diagnostic de CVV repose donc essentiellement sur l’examen bactériologique, avec présence de spores et surtout de filaments mycéliens. La culture quant à elle permettra d’identifier la souche de Candida, et d’adapter le traitement.
Des diagnostics différentiels à ne pas méconnaître
Il est essentiel de savoir éviter les pièges d’un diagnostic essentiellement clinique, car en pratique peuvent se présenter un certain nombre de dermatoses dont la symptomatologie (prurit, vulvite) peut faire égarer le diagnostic. Un prurit vulvaire aigu doit faire évoquer une cause infectieuse.
Un prurit chronique peut révéler une localisation vulvaire de dermatose, voire une lésion néoplasique.
L’absence de leucorrhées, le caractère peu spécifique de l’érythème et la prédominance des signes cutanés sur les signes muqueux sont des pièges cliniques fréquents dans le diagnostic de candidose vulvovaginale récidivante (CVVR).
Les pièges mycologiques existent également. Il est essentiel d’être vigilant sur le timing du prélèvement (à réaliser au moment d’une crise) et sur le site (au niveau vaginal mais aussi vulvaire, en dehors de tout traitement).
Les diagnostics différentiels sont nombreux : sur le plan dermatologique, quand ça gratte et que c’est rouge, on peut évoquer de nombreux diagnostics !
Les dermites sont fréquentes, et majoritairement de contact :
- eczéma vulvaire, exceptionnellement aigu (lié par exemple à l’application d’un anesthésique topique avec fortes démangeaisons, vésicules et aspect suintant), ou plus souvent chronique (dans le cas d’allergies à des lingettes),
- dermite aux corticoïdes, érythémateuse et sèche,
- dermite d’incontinence (l’urine est irritante)
- dermites caustiques (dans le cas d’utilisation abusive d’antiseptiques).
Le psoriasis peut toucher les muqueuses, et les régions génitales peuvent être le siège de plaques érythémateuses bien délimitées, souvent fissurées, rouges mais indolores ne desquamant pas. On recherchera les lésions à distance, au niveau du cuir chevelu, des conduits auditifs ou des fissures au niveau du pli fessier.
La lichénification est retrouvée fréquemment en cas de CVVR, mais également en cas de psoriasis. Hyperplasie épithéliale bénigne, elle peut se produire secondairement à un grattage permanent. L’érythème apparaît symétrique, débordant sur les grandes lèvres, plus cutané que muqueux, souvent fissuré. Parfois se retrouve une desquamation en périphérie, et des petites pustules. Les lésions cutanées (fissures) sont responsables de dyspareunie, et de douleurs à la miction.
La vulvite à streptocoque, connue chez l’enfant, est possible chez l’adulte, notamment en post-ménopause. Il faut penser à ce diagnostic face à un tableau clinique douloureux (beaucoup plus qu’en cas de CVV), et en cas d’antécédents ORL (portage possible chez le partenaire) ou d’atrophie post-ménopausique, facteur favorisant de cette infection.
Traitement d’un épisode aigu de CVV
Face à une automédication extrêmement fréquente, banalisée voire encouragée (publicités), il est utile de rappeler que tous les topiques que la patiente peut ainsi utiliser localement sont susceptibles, s’ils sont administrés à mauvais escient ou avec une utilisation répétitive, d’aggraver le tableau clinique.
La prise en charge d’un épisode aigu de CVV par le médecin vise à soulager la patiente avec le moins d’inconvénients possibles, tout en obtenant une bonne efficacité microbiologique. Le fluconazole est efficace sur la souche de Candida la plus fréquente, Candida albicans, et sur d’autres types de Candida (parapsilosis et tropicalis) (5). Son efficacité est par contre réduite sur le Candida glabrata (qui représente moins de 5% des CVV en Europe). Le taux de résistance au fluconazole en Europe est extrêmement faible (0,2% selon les données 2010-2011 d’une étude longitudinale actualisée annuellement). L’efficacité du Fluconazole administré par voie orale a été comparée à celle des traitements locaux, polyènes ou imidazolés: il n’y a pas de différence entre les deux types de traitement, et les résultats sont comparables aussi bien en termes cliniques que microbiologiques (3).
Cependant la voie orale présente un certain nombre d’avantages qu’il est nécessaire de souligner. En termes de praticité, le traitement oral est réalisé par une prise unique de 150mg (une seule gélule), contre plusieurs jours de traitement par ovules et crèmes. La candidose est une infection à la fois vulvaire et vaginale : l’atteinte vulvaire est à l’origine de symptômes cliniques particulièrement gênants et invalidants, mais aussi la source potentielle de récidives (6). Il est donc indispensable lorsque l’on traite par ovules intravaginaux d’ajouter une crème antimycosique pour prendre en compte la localisation vulvaire. Par son action systémique, le fluconazole par voie orale en dose unique agit simultanément sur le site muqueux (le vagin) et sur le site cutané (la vulve), ce qui permet d’éviter les risques d’irritations locales et de sécheresse liés à l’utilisation itérative et prolongée de crèmes antifongiques.
Les récidives
Certains facteurs favorisent les récidives de candidoses vulvo-vaginales.
La grossesse est une période particulièrement propice à la survenue d’épisodes récurrents de candidose en raison de l’augmentation du taux d’estrogènes, favorable à la germination des levures, ce qui va faciliter l’adhésion des candida aux cellules épithéliales et leur pénétration. La grossesse est aussi une période d’immuno-tolérance (vis-à-vis du foetus, mais aussi du candida pathogène). La relation entre contraception et récurrences de CVV a été étudiée (7) sans qu’aucune étude ne conclue à une action favorisante, ni pour la contraception orale, ni pour des méthodes locales. La question d’un changement de contraception chez une femme en récidive de CVV ne se pose donc pas.
Cause connue d’infection candidosique, le diabète est une condition particulière. Avec 19% de candidoses contre 12 % dans le groupe non-diabétique, le groupe de femmes diabétiques (type 2) d’une récente étude (8) semble aussi moins bien répondre au traitement par 150mg hebdomadaires de fluconazole pendant 2 semaines (75% de guérisons versus 87%) : l’existence d’un diabète est à prendre en compte dans le cadre d’un traitement prolongé de CVVR.
Et le partenaire ? La candidose n’étant pas une IST (Infection sexuellement transmissible), inutile de traiter le partenaire. Une étude parue récemment montre cependant que le sperme contient des substances susceptibles de faciliter la filamentation (10), donc la transformation du candida saprophyte en candida pathogène, ce qui pourrait expliquer les cas de réactions vulvaires exacerbées en post coïtal.
Sur le plan thérapeutique, le fluconazole au long cours est recommandé par les sociétés savantes pour le traitement des CVV récidivantes : une gélule de 150 mg par semaine pendant 3 à 6 mois (11). Avec un tel protocole on obtient une efficacité pendant la durée du traitement, mais aussi un espacement des récurrences, avec absence de récidives chez 82% des patientes 6 mois après le traitement (12).
Jean-Marc Bohbot – Institut Fournier, Paris
David Elia – Gynécologue, Paris
D’après les communications des docteurs Jean-Marc Bohbot (Paris) et Sandra Ly (Gradignan), symposium organisé avec le soutien des laboratoires Majorelle.
Soucieux d’apporter aux femmes des solutions thérapeutiques innovantes et accessibles, les laboratoires Majorelle ont mis récemment à la disposition du corps médical la spécialité OROFLUCO Gé (Fluconazole 150mg), gélule en dose unique par voie orale, indiqué dans le traitement des candidoses vaginales et périnéales aiguës ou récidivantes.
OROFLUCO est disponible au prix public de 3,44 € et remboursable à 30%.
RÉFÉRENCES
1. Hoffmann JN. J Gerontol B Psychol Sci Soc SCI. 2014
2. Alballéa S. Health Qual Life 2013
3. Mendling W. Mycoses. 2015
4. Rathod SD. Infect Dis Obstet Gynecol. 2012
5. Pfaller MA. J Clin Microbiol 2013
6. Beikert FC. Mycoses 2011
7. Güzel AB. J Obstet Gynaecol 2013
8. Gunther LS. Sao Paulo Med J 2014
1O. Alvarez FJ. Appl Environ Microbiol 2015
11. Rosa MI. Eur J Obstet Gynaecol Reprod Biol 2013
12. Fan S. Mycopathologia 2014
Article paru dans le Genesis N°184 (mai 2015)
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