Christian Jamin fait le point sur les différentes contraceptions d’urgence, DIU d’urgence, levonorgestrel, ulipristal : modalités d’utilisation, tolérance, efficacité.
Genesis : La «contraception du lendemain» : de quoi parle-t-on au juste ?
Christian Jamin : Je préfère la terminologie «contraception d’urgence» (CU) mais on la nomme aussi post-coïtale, de rattrapage ou du lendemain.
La CU est une contraception proposée à une femme ayant un rapport sexuel non ou insuffisamment protégé et il en existe en fait deux versions :
- le dispositif intra utérin (DIU) au cuivre
- méthodes hormonales : lévonorgestrel (LNG) Norlevo® et génériques, ulipristal acétate (UPA) EllaOne®.
Les estroprogestatifs à fortes doses ont eu leurs heures de gloire mais ont dû être abandonnés du fait de leur efficacité moindre et de leur tolérance médiocre.
Avant toute utilisation d’une contraception d’urgence, il faut s’enquérir par l’interrogatoire de la possibilité d’une grossesse en cours. La réalisation d’un test biologique de grossesse n’est pas recommandée en dehors de situations particulières.
Le DIU d’urgence est peu utilisé. Dites-nous en plus
Il s’agit de la méthode la plus efficace présentant l’avantage de proposer dans le même temps une contraception pérenne après son utilisation avec un taux d’abandon faible dans l’année qui suit. Plus, elle peut être utilisée jusqu’à 5 jours après le rapport potentiellement fécondant. (1)
Quel est son mode d’action ?
Il est utilisé après le rapport sexuel, il est donc probable qu’il n’agit pas comme il le fait en contraception classique en rendant les spermatozoïdes inaptes à la fécondation mais en inhibant l’implantation. Son mode d’action serait donc celui d’une contragestion.
Sa mise en œuvre n’est pas simple, en particulier en termes de délais : la femme doit en effet consulter un médecin ayant l’habitude de poser un DIU, se le procurer puis revoir le praticien, tout cela en 5 jours maximum. Les centres de PMI et de nombreux praticiens disposent cependant de DIU sur place ce qui résout ce problème.
D’autre part, le risque infectieux n’est pas négligeable chez cette femme le plus souvent non connue du médecin poseur. Une prophylaxie systématique par antibiothérapie a été proposée mais n’est pas validée.
Enfin, le taux de perforation utérine est celui de toutes poses de DIU : probablement de 1% et les difficultés d’insertion sont de 1,5%.
Ce sont probablement ces deux dernières raisons qui font que le DIU d’urgence est assez peu utilisé, tout du moins en France.
Venons-en maintenant aux contraceptions d’urgence hormonales
Il en existe deux types : le lévonorgestrel LNG Norlévo® et l’ulipristal acétate UPA EllaOne®.
Ces 2 méthodes agissent en décalant de plus de 5 jours l’ovulation ou en l’inhibant. Et l’on sait qu’au-delà de 5 jours les spermatozoïdes perdent leur pouvoir fécondant.
1/Le lévonorgestrel, progestatif de la classe des 19-nortestostérone est en achat direct par les femmes. L’achat direct représente 97% de son utilisation en France. Sur prescription ou si la femme est mineure (avec ou sans prescription), il est pris en charge à 100% par la Sécurité sociale.
La dose habituellement utilisée est de 1,5 mg de LNG en une prise. Plus le produit est pris tôt après le rapport potentiellement fécondant, plus il est efficace. Mais s’il est pris après le début du pic de LH, il n’est plus efficace. Il ne l’est plus non plus si, au moment de la prise, le follicule ovarien dépasse 14 mm. Pas d’efficacité au-delà de 3 jours après le rapport potentiellement fécondant.
Son efficacité : selon la date de prise, entre 50 et 80%.
2/L’ulipristal acétate (UPA).
Il appartient à la famille des modulateurs des récepteurs de la progestérone SPRM. Posologie : 30 mg d’UPA en une prise.
Lui aussi agit en décalant l’ovulation de plus de 5 jours ou en l’inhibant. Il doit lui aussi être pris le plus tôt possible après le rapport potentiellement fécondant mais, différence notable, il garde une certaine efficacité jusqu’à 5 jours après celui-ci.
Il est efficace s’il est pris avant et au début du pic de LH : il inhibe l’ovulation jusqu’à une taille folliculaire de 18 mm ce qui le différencie du LNG et en fait sa supériorité. Enfin, il n’est plus efficace s’il est pris le jour de l’ovulation.
Il est de ce fait plus efficace que le LNG car la fécondité est maximum 48h avant l’ovulation, à un moment où le follicule ovarien mesure habituellement 16 à 18 mm (taille du follicule sur lequel le LNG n’est plus efficace). (2)
Il est ainsi estimé 2 à 3 fois plus efficace que le LNG y compris si les deux produits sont pris dans les 3 jours après le rapport potentiellement fécondant. Si la prise a lieu dans les 24h qui suivent le rapport à risque, le LNG divise par 2 le risque de grossesse et l’UPA par 6. (3,4)
Nouveauté : Il est disponible depuis peu sans prescription et il est remboursé par la Sécurité sociale s’il est prescrit tandis qu’il est gratuit pour les mineurs avec ou sans prescription.
Je vous demande maintenant de répondre à un QUIZZ :
- Peut-on remplacer une contraception régulière par une contraception d’urgence ?
Aucune des CU orales n’est efficace le jour de l’ovulation (au moment de l’expulsion de l’ovule hors du follicule), ce qui est incompatible pour des raisons d’efficacité avec une utilisation régulière. De plus, les prises répétées dans le cycle entraineraient des troubles du cycle. Si la femme a un rapport sexuel en moyenne tous les 3 jours (statistiquement) aucune des CU ne peut lui apporter une contraception efficace car il y aura toujours dans ce contexte un rapport coïncidant avec l’ovulation. De plus, lorsque le follicule a une taille de 18 mm le LNG ne s’oppose pas à l’ovulation tandis que l’UPA laisse une ovulation survenir dans 30% des cas.
- Laquelle de ces deux CU doit on utiliser en première intention ?
En raison de la différence d’efficacité, il est logique de proposer l’UPA en première intention sauf cas particuliers.
- La tolérance de ces produits est-elle bonne et diffère-t-elle entre eux ?
La tolérance est bonne à très bonne et ne diffère pas entre les produits et pas du placebo.
- Y a-t-il des périodes du cycle ou l’on puisse se passer de CU ?
La date de l’ovulation varie d’une femme à l’autre et chez toutes femmes d’un cycle à l’autre. Toute période du cycle est potentiellement à risque, on ne peut donc affirmer, quelque soit la période du cycle, qu’un rapport est sans risque.
- Quand peut-on débuter une contraception hormonale après prise d’une CU ? (voir schéma 1)
Il est indispensable d’avoir un moyen contraceptif après prise d’une CU car celle-ci n’agit que pour le rapport l’ayant justifiée.
Une CEP peut être débutée immédiatement après prise de LNG avec utilisation de préservatifs pendant 7 jours, temps nécessaire à l’efficacité d’une CEP lorsqu’elle n’est pas débutée le premier jour du cycle.
Les interférences UPA/contraceptifs estroprogestatifs (CEP) sont connues. Il semble souhaitable de débuter la CEP 7 jours après la prise d’UPA pour ne pas diminuer l’efficacité de cette CU et d’utiliser un préservatif pendant 14 jours en tout après prise de l’UPA (les 7 jours sans CEP et les 7 jours du début de la CEP).
- Peut-on utiliser une CU en cas d’oublis de CEP ? (voir schéma 2)
Il n’existe aucune étude sur l’efficacité des CU lors des oublis de pilules. Ceci est logique car il est impossible de comparer son efficacité au risque théorique de grossesse lié à l’oubli de CEP. Le LNG ne peut pas modifier l’efficacité du CEP mais son efficacité est non prouvée puisque le LNG ou la pilule EP perdent leur capacité à inhiber l’ovulation si le follicule dépasse 14mm.
L’UPA peut inhiber l’ovulation jusqu’à une taille folliculaire de 18 mm et peut donc suppléer en partie la perte d’efficacité de la CEP qui n’inhibe plus l’ovulation pour une taille de plus de 14 mm. Cependant, on ne connait pas les interférences CEP et UPA : l’un est-il susceptible de faire perdre de l’efficacité à l’autre ? En cas de prise d’UPA lors d’un oubli de pilule il est, à ce jour, souhaitable :
– d’interrompre la prise de CEP 7 jours pour ne pas diminuer l’efficacité de la CU,
– de débuter la plaquette de CEP en se protégeant en tout 14 jours avec un préservatif : 7 jours sans CEP et les 7 premiers jours de CEP.
Rappelons que pour les oublis uniques, seuls ceux de la première semaine sont à risque si rapport sexuel dans les 5 jours qui précèdent l’oubli. La prise de CU lors des oublis de pilules uniques n’est de ce fait que peu fréquente.
- Y a-t-il des causes de perte d’efficacité de l’un ou l’autre ?
Le poids est une cause de perte d’efficacité du LNG qui débute au delà de 75 kg. Pour l’UPA, il semble que la perte d’efficacité soit pour des poids supérieurs 95 kg. En cas de poids supérieur à 75 kg, il faut donc préférer l’UPA. (5)
Parmi les autres causes d’inefficacité, on peut aussi évoquer la prise de deux CU, l’une par LNG l’autre par UPA à des dates (<5j) rapprochées. Les inducteurs enzymatiques des stéroïdes sexuels peuvent aussi être responsables d’une perte d’efficacité.
Enfin il y a aussi les oublis de pilule (cf. ci-dessus).
- Peut-on prendre ces produits lors de l’allaitement ?
Oui sans problème pour le LNG après interruption de la lactation 8 heures. Pour l’UPA, on manque de donnés mais il est recommandé de tirer le lait et le jeter pendant 7 jours après prise d’UPA. Le LNG sera donc le plus souvent préféré lors de l’allaitement.
- Le cycle est-il perturbé après prise de ces produits ?
Le plus souvent pas ou peu. Un retard de règles de plus de 5 jours par rapport à la date prévue impose la réalisation d’un test de grossesse. Le LNG induit davantage de saignements qui peuvent être pris pour des règles : une certaine prudence s’impose donc.
- Un test de grossesse doit-il être systématiquement réalisé après prise d’une CU ?
Non, sauf si les règles sont décalées de plus de 5 jours.
- A partir de quel âge peut-on prendre une CU ?
On peut donner ces CU quelque soit l’âge dès lors qu’un risque de grossesse existe.
- Plusieurs prises de CU sont-elles possibles lors du même cycle ?
Il n’y a pas de problème d’intolérance ni de risques pour la femme à utiliser plusieurs fois une CU dans un même cycle mais le nombre de prises de risques doit faire craindre la survenue d’une grossesse. De plus, il y a risque de troubles du cycle.
- Y a-t il des contre-indications à l’utilisation de ces produits ?
Il n’y a quasiment pas de contre-indications à utiliser ces produits en dehors, comme cela est classique, d’une hypersensibilité à la substance active ou à un des excipients.
- Que se passe-t-il s’il y a grossesse après prise de ce CU ?
Pour le LNG il n’y pas de risque pour l’enfant. Pour l’UPA les données disponibles sont aussi rassurantes. Une déclaration de ces cas est nécessaire afin d’améliorer nos connaissances. (6)
- Ces produits ont-ils des effets endométriaux, sont-ils des contragestifs ?
Les effets sur l’ovulation selon la taille folliculaire expliquent parfaitement le mode d’action de ces produits. Ainsi on comprend la différence d’efficacité. Cela explique aussi le délai possible de prise après le rapport potentiellement fécondant. Il n’est donc besoin de faire appel à des effets endométriaux de l’UPA pour expliquer sa supériorité d’efficacité sur le LNG. Ces effets endométriaux ne sont d’ailleurs pas retrouvés lors des biopsies endométriales après la prise. (7)
Je voudrais conclure en disant qu’il n’existe pas, tout au long de la vie d’une femme en âge de procréer, de protection sans faille contre la survenue d’une grossesse non programmée. La CU est un outil de prévention indispensable aux accidents non évités par une contraception régulière ou épisodique. Pour qu’elle soit efficace, il faut qu’elle soit prise au plus tôt après la prise de risque.
Il faut surtout que la femme ait conscience qu’il n’y pas de rapport sexuel qui puisse se passer de protection vis-à-vis de la grossesse. L’UPA est plus efficace que le LNG et doit lui être préféré dans la grande majorité des cas. La décision récente de l’accessibilité de cette dernière sans prescription est une très bonne mesure.
Christian Jamin – Gynécologue, Paris
RÉFÉRENCES
1. Torok DK, Jacobson JC, Dermish AI, Simonsen SE , Gurtcheff S, McFadden M, Murphy A. Emergency contraception with a copper IUD or oral levonorgestrel: an observational study of 1-year pregnancy rates. Contraception 2014;89: 222-8.
2. Brache V, Cochon L, Deniaud M, Croxatto HB. Ulipristal acetate prevents ovulation more effectively than levonorgestrel: analysis of pooled data from three randomized trials of emergency contraception regimens. Contraception 2013;88: 611-8.
3. Glasier A, Cameron ST, Fine PM, Logan S, Casale W, Van Horn J, Sogor L, Blithe DL, Scherrer B, Mathe H, Jaspart A, Ulmann A, Gainer E. Ulipristal acetate versus levonorgestrel for emergency contraception: a randomized non inferiority trial and meta analyse. Lancet 2010;375: 555-62.
4. Gemzell-Danielsson K, Berger C, Lalikumar PGL. Emergency contraception – mecanisms of action. Contraception 2013;87: 300-8.
5. Kapp N, Abitbol JL, Mathé H, Scherrer B, Guillard H, Gainer E, Ulmann A. Effect of body weight and BMI on the efficacy of levonogestrel emergency contraception. Contraception 2015;91: 97-104.
6. Levy D, Jager M, Kapp N, Abitbol JL. Ulipristal acetate for emergency contraception: post marketing experience after use by more than 1 million women. Contraception 2014;89: 431-3.
7. Jamin C. Contraception d’urgence : différence d’efficacité entre lévonorgestrel et ulipristal acétate selon le diamètre folliculaire au moment du rapport non protégé Gynecol Obstet Fertil 2015 ;43 :242-7.
Article paru dans le Genesis N°184 (mai 2015)
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