Le diabète gestationnel concerne près d’une grossesse sur dix. Une prise en charge diététique précoce permet, dans la plupart des cas, d’éviter une insulinothérapie et ses contraintes. Elle devrait être proposée d’emblée à toute femme à risque dès la préconception, avec pour avantage secondaire de limiter la prise de poids maternelle pendant la grossesse.
Le diabète gestationnel concernait, en 2012, en France, près d’une grossesse sur dix soit environ 80 000 femmes avec un taux de dépistage de 76 % (1). Les variations régionales sont parallèles à celles du diabète de type 2 avec, par exemple, une prévalence de 14 % dans le Nord de la France.
Le diabète gestationnel est soit un diabète de type 2 patent ignoré qui persistera après la grossesse, soit une intolérance aux glucides qui généralement disparaît après la grossesse, sauf en cas de prise de poids importante (une dizaine de kg) dans les 10 ans qui suivent la grossesse.
Les facteurs de risque sont bien identifiés :
- surcharge pondérale maternelle (IMC > 25kg/m2),
- âge au delà de 35 ans,
- antécédents familiaux au premier degré de diabète de type 2,
- antécédents obstétricaux de diabète gestationnel ou antécédent de macrosomie (2). Plus d’une femme sur deux ayant eu un diabète gestationnel récidivera lors des grossesses futures.
■ Dépistage
En présence de ces facteurs de risque, il est recommandé de demander :
- une glycémie à jeun au 1er trimestre avec un seuil fixé à 0,92 g/l (5.1 mmol/l),
- une HGPO avec 75 g de glucose entre 24 et 28 semaines avec 3 valeurs dont une seule pathologique permet de retenir le diagnostic de diabète gestationnel :
T 0 >= 0,92 g:l , T 1h >= 1,80 g/l (10mmol/l), T 2h >= 1,53 g/l (8.5 mmol/l).
Pour le suivi, l’objectif est :
à jeun, une glycémie < 0,95 /l et à 2 heures en post prandial, une glycémie < 1,20 g/l, la valeur généralement retenue à une heure en post prandial est < 1.40 g/l.
Le dépistage n’est pas recommandé pour toutes les femmes mais aux facteurs de risque présents dans les recommandations s’ajoutent d’autres facteurs bien identifiés tels que origine ethnique (plus de risque dans les populations nord africaines), syndrome des ovaires polykystiques (2). Chez les femmes ayant des facteurs de risque qui n’ont pas eu de dépistage du diabète gestationnel, celui-ci peut être fait au 3e trimestre, au minimum par une glycémie à jeun.
■ Complications
Le diabète gestationnel est associé à un risque accru de pré éclampsie et de césarienne. Ces risques sont corrélés de façon positive et linéaire au degré de l’hyperglycémie initiale. C’est pourquoi la glycémie doit être précoce, dès la consultation prénatale avec une glycémie à jeun chez les femmes à risque, et dès le début de la grossesse chez les femmes ayant déjà pris du poids de manière excessive lors du premier trimestre. La macrosomie est la principale conséquence néonatale démontrée d’un diabète gestationnel. Elle est le facteur principal associé aux complications rapportées en cas de diabète gestationnel. Le diabète gestationnel expose à un risque ultérieur accru de diabète de type 2, multiplié par 7. Le risque augmente avec le temps et persiste au moins 25 ans (2).
■ Traitement
Le traitement spécifique du diabète gestationnel (diététique, insulinothérapie si indiquée) réduit les complications périnatales sévères, la macrosomie foetale, et la pré éclampsie par rapport à l’abstention thérapeutique, sans majoration des risques de césarienne.
- L’autosurveillance glycémique (ASG) permet de surveiller les patientes et d’indiquer l’insulinothérapie. Celle-ci est instaurée dans 26 % des cas de diabète gestationnel en France (1). Lorsque les femmes sont traitées par insuline, l’ASG est indispensable pour adapter les doses d’insuline. Selon les recommandations, l’ASG est prescrite entre 4 et 6 fois par jour, au moins une fois à jeun et deux heures après les repas selon le traitement – diététique ou insuline – et l’équilibre obtenu (accord professionnel). L’ASG doit être poursuivie jusque dans le post partum immédiat.
- La diététique est une étape fondamentale pour la prévention et la prise en charge du diabète gestationnel. Toute femme à risque devrait bénéficier de conseils dès la période préconceptionnelle et au plus tard au début de la grossesse.
L’objectif de cette prise en charge est de limiter la prise de poids, voir d’en faire perdre aux femmes obèses et d’écrêter les pics hyper glycémiques post prandiaux (2).
En pratique, on se calque sur l’alimentation du diabète de type 2 avec quelques principes assez simples à décliner dans la vie quotidienne.
- Le premier de ces principes est d’éviter tout glucide simple la matinée car c’est une période d’insulino-résistance physiologique.
- Le deuxième objectif pour les repas principaux est de réduire l’index glycémique du repas en favorisant les glucides complexes contenant des fibres (légumineuses, pates ou riz complet par exemple). Un moyen assez facile permet de réduire l’index glycémique de chaque repas : commencer systématiquement le repas par une grosse quantité de légumes crus ou cuits.
- Le dernier principe est d’éviter tout apport glucidique sous forme liquide : boissons sucrées, jus de fruits, yaourts liquides qui entraînent une élévation rapide et souvent importante de la glycémie.
Le suivi de ces grands principes, surtout chez les femmes à risque, permet de limiter la prise de poids, diminuer le risque de diabète gestationnel et éviter l’insulinothérapie plus contraignante et non dénuée d’effets secondaires.
En cas d’échec, on débute l’insulinothérapie, par une injection bed time le soir, qui le plus souvent suffit à équilibrer la glycémie à jeun. Les multi-injections d’insuline rapide pré prandiales sont plus rares et nécessitent une prise en charge spécialisée par un diabétologue.
Jean-Michel Borys, Endocrinologue-Diabétologue, Paris
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article.
RÉFÉRENCES
1. RegnaultN, SalanaveB, CastetbonK, CossonE, VambergueA, BarryY,etal.Diabète gestationnel en France en2012: dépistage, prévalence et modalités de prise en charge pendant
2. Recommandations pour la pratique clinique de la Société Francophone du Diabète (SFD) et du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) pour le diagnostic
du diabète gestationnel (Dg)
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