A coté des dermatoses pigmentaires, des vergetures et des modifications vasculaires bénignes et régressives, des dermatoses plus spécifiques peuvent survenir durant la grossesse: papules urticariennes, pemphigoide gestationis ou pustulose exanthématiques qui peuvent engager le pronostic foetal.
■ Les dermatoses classiques
Les cibles cutanées au cours de la grossesse sont les mélanocytes, le tissu conjonctif, les vaisseaux, les glandes sébacées et sudorales et les phanères.
LES TROUBLES PIGMENTAIRES : HYPERPIGMENTATION
- Mélasma, Chloasma ou masque de grossesse : environ 90 % des femmes enceintes. Le mélasma survient en général au 3e mois de grossesse avec une fréquence variable de 5 à 70 % toujours déclenché par une exposition solaire même modérée,
- Pigmentation des aréoles mammaires, de la région génitale,
- Ligne blanche ombilicale (linea nigra).
LES VERGETURES du ventre touchent 60 à 90 % des femmes entre le 6e et 8e mois.
LES MODIFICATIONS VASCULAIRES
- Angiomes stellaires dans 50 à 70 % des cas entre le 2e et le 5e mois, souvent régressifs. Electrocoagulation ou laser sur angiomes résiduels
- Poussées congestives du visage
- Marbrures au froid
- Gingivite hypertrophique (15 %)
- Varices vulvaires
- Varices et télangiectasies des membres inférieurs (30 à 50 %)
- Hémorroïdes congestives (50 à 80 %).
Altérations vasculaires liées à l’imprégnation oestrogénique. Disparition quelques mois après l’accouchement.
L’ACNE
- Possible aggravation d’une acné préexistante sous l’effet de la progestérone.
- Apparition d’une acné chez une femme enceinte sur 4, au 3e trimestre (1).
- Acné de type inflammatoire visage et thorax sévère ou modéré.
- Soins nécessaires mais limités pour réduire les séquelles cicatricielles.
Les facteurs physiopathologiques
Les troubles de la pigmentation sont dus à l’effet combiné des oestrogènes, de la progestérone et de l’alpha MSH ; le mélasma persiste en général après la grossesse.
Les troubles vasculaires sont liés à l’imprégnation oestrogénique et vont disparaître, en général quelques mois après l’accouchement.
Au cours de la grossesse, il y a une augmentation de la phase anagène (phase de croissance du cheveux) et une chute (Effluvium) fréquente en post-partum. La croissance unguéale est stimulée en début de grossesse.
■ Les traitements
Melasma :
Pendant la grossesse, les protecteurs solaires UVA UVB 50 sont indispensables.
Une protection ciblée contre la lumière du jour sous forme de crème teintée (le pigment jouerait le rôle d’écran) pourrait améliorer la prévention des hyperpigmentations.
Après la grossesse, le trio dépigmentant de Kligman entre 4 % et 8 % (Ex : Hydroquinone 5 % – Tretinoïne 0,1g – Dexamethasone 0,1g – Ethanol Propylène glycol Qsp pour 100 ML) reste le traitement de référence du mélasma (2). Les molécules cosmétiques les plus souvent associées dans les formulations dépigmentantes sont : la vitamine C 10 %, l’acide kojique 1 à 4 %, l’acide phytique 2 %, l’arbutine, les isoflavones, la niacinamide 5 %.
Les vergetures :
Pendant la grossesse : prévention dès le 7e mois par émollient ou produit cosmétique consacré à base de centella asiatica.
Après l’accouchement et l’allaitement : cosmétiques adaptés, trétinoïne topique à 0,05 %.
■ Les dermatoses spécifiques de la grossesse
PAPULES ET PLAQUES PRURIGINEUSES URTICARIENNES (PUPP), 1/200 cas, la plus fréquente :
- Chez les primipare sans récidive obligatoire pour les autres grossesses.
- Début au 3e trimestre jusqu’au post partum (15 %). Placards érythémateux, papuleux, pseudo-urticariens, eczématiformes, lichéniens, vésiculeux.
Dans 90 % des cas, début sur l’abdomen avec respect de l’ombilic, souvent centrée sur les vergetures (dans 92 %), cuisses, fesses. - Pronostic foetal non compromis.
PRURIT GRAVIDIQUE, dans 0,7 % des cas
Il apparait au 3e trimestre, généralisé plus intense la nuit avec lésions de grattage (prurigo) ; Il s’agit d’une cholestase anictérique, parfois ictère vrai (10 à 20 % des cas), le bilan hépatique est évocateur (sels biliaires x 2) ALAT et gamma GT x 2 ; il régresse quelques heures après l’accouchement mais peut récidiver aux grossesses ultérieures. Traitement : préparations antiprurigineuses et hydratantes ; Si le prurit est féroce : cholestyramine 4g x 3/jour. (Les résines captent les sels biliaires).
Risque hémorragique maternel, par déficit en VIT K.
Prématurité dans 30 à 40 %. Risque de mort in utero.
PEMPHIGOÏDE GESTATIONIS (HERPES GESTATIONIS) 1/ 50 000 grossesses
C’est une maladie auto-immune qui débute entre le 2e et le 3e trimestre et, dans 20 % des cas, dans le post-partum immédiat. Plus fréquente chez les multipares. Récidives plus sévères lors des grossesses ultérieures et prise d’OP ; Malaise, fièvre, nausées, prurit intense associés à des papules érythémateuses urticariennes extensive centrifuge région ombilicale, tronc, fesses et cuisses.
- Vastes placards vésiculo bulleux à contours polycycliques ou en cocarde
- Biopsie et IFD dépôt linéaire de C3 à la jonction DE
- Hypereosinophilie, autoanticorps anti membrane basale de type IgG1 taux faible
- Prématurité, hypotrophie foetale
- Dermocorticoïde de classe 1 (3)
- Corticothérapie générale petites doses 0,1 à 1 mg/kg/jour
- Amélioration 1 à 2 mois après accouchement
- Risque foetal dans 10 à 20 % des cas.
PUSTULOSE EXANTHEMATIQUE IMPETIGO HERPETIFORME
Entre le 2e et 3e trimestre.
- Pustules sur nappes érythémateuses dans les plis, avec atteintes des muqueuses, syndrome fébrile, atteinte de l’état général. Hypocalcémie et hypoprotidémie, aspect de psoriasis pustuleux, rare mais grave
- Pronostic maternel réservé et risque foetal
- Modifications des dermatoses pré existantes : LEAD (Lupus néonatal), psoriasis, acné.
Anny Cohen-Letessier, Dermatologue, Paris
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article.
RÉFÉRENCES
1. Estève E, Saudeau L, Pierre F et al. Physiological cutaneous sign in normal pregnancy:a study of 60 pregnant women. Ann Derlatol Venereol 1994;121:227-31
2. Gupta AK et al. The treatment of melasma: a review of clinical trials. J Am Acad Dermatol 2006;55:1048-65
3. Valeyrie L et al. Pemphigoide de la grossesse: traitement par corticothérapie locale de classe 1. Ann Dermatol Venereol
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