La chirurgie du cancer du sein doit assurer le contrôle de la maladie par une résection emportant toute la tumeur au prix d’un résultat esthétique acceptable par la patiente.
Généralités
Il y a actuellement près de 55 000 nouveaux cas de cancers du sein en France.
Les progrès et la généralisation du dépistage font que plus de 25 % de ces cancers sont découverts à un stade infra clinique, que ce soient les carcinomes intra canalaires, qui représentent plus de 20 % de ces tumeurs, mais aussi les cancers du sein infra centimétriques.
Les stratégies chirurgicales qui en découlent ont donc forcément évolué au fil du temps. Et l’on assiste depuis 30 ans à une désescalade de la chirurgie dans le domaine du cancer du sein.
Jusqu’à cette époque une patiente ayant un cancer du sein relevait d’une mammectomie avec curage axillaire et ce quelle que soit la taille de la tumeur. En effet les oncologues avaient peur du risque de récidive.
Puis, dans les années 80, la radiothérapie s’est généralisée, les opérateurs se sont enhardis et ont donc proposé des traitements conservateurs, d’autant que grâce au programme et à la généralisation du dépistage et à la qualité du matériel, on dépiste les tumeurs de plus en plus tôt.
Dans les années 90, grâce à Giuliano et à Veronesi, le curage axillaire systématique a progressivement été remplacé par la technique du ganglion sentinelle couplé à une radiothérapie systématique. Cependant, cette radiothérapie reste longue et fastidieuse – plus de 6 semaines – et est contraignante pour les patientes qui sont obligées de revenir tous les jours.
Peut-être un jour pourra-t-on assister à un « one day treatment », à savoir la chirurgie et la radiothérapie en per op dans des indications sélectionnées.
Position du problème
Le cancer du sein était une maladie incurable il y a encore quelques décennies alors qu’actuellement on en guérit plus de 80 %.
Le souhait des patientes est donc de bénéficier si possible d’un traitement conservateur avec un résultat esthétique satisfaisant qui devient donc un critère décisionnel majeur.
– Doit-on encore effectuer des mammectomies ?
– Quand peut-on proposer un traitement chirurgical conservateur ?
– Quel geste ganglionnaire axillaire proposer ?
– Peut-on proposer une reconstruction mammaire et à quel moment ?
Quelle que soit la technique, la chirurgie au niveau du sein doit assurer le contrôle de la maladie par une résection emportant toute la tumeur au prix d’un résultat esthétique acceptable par la patiente.
L’oncoplastie
L’approche chirurgicale a changé :
L’oncoplastie, qui est apparue dans les années 90, est désormais une pratique généralisée dans les services de chirurgie cancérologique. L’idée est d’adapter les techniques de chirurgie plastique tout en permettant une exérèse carcinologique de la tumeur, en conservant le sein.
L’oncoplastie a permis d’élargir les indications du traitement conservateur dans les cas où la mammectomie restait la règle.
Le chirurgien sénologue est donc devenu un chirurgien spécialisé, formé aux techniques de chirurgie plastique et à l’oncoplastie. Il doit être intégré dans une équipe pluridisciplinaire de prise en charge de cancer du sein et les décisions thérapeutiques doivent être prises en réunion de concertation pluridisciplinaire et de manière collégiale.
Avant de parler du traitement conservateur, nous verrons quelles sont les indications des mastectomies.
Commençons par la mammectomie
Comme nous allons le voir, les indications ont changé avec une diminution du nombre de mammectomies, grâce aux traitements médicaux tels que la chimiothérapie et à l’oncoplastie dont je vous parlerai plus loin.
Indications incontournables de mastectomie
– Les tumeurs multicentriques
– Les cancers localement avancés
– Les récidives locales
– Le carcinome intra canalaire diffus
– Souhait de la patiente.
Indications révisables de mastectomie
– Tumeur de plus de 3 cms
– Tumeur centrale
– Tumeur des quadrants inférieurs
– Tumeurs multifocales
– Récidive locale tardive
Ce n’est pas tellement la taille de la tumeur qui importe mais le rapport taille tumorale et taille du sein ainsi que sa situation :
– Tumeurs de gros volume
Concernant les tumeurs de gros volume, 2 choix sont possibles : effectuer une mammectomie d’emblée ou proposer un traitement type chimiothérapie néo adjuvante dans le but d’obtenir une réduction de la taille tumorale permettant une conservation mammaire. Il faudra néanmoins réaliser une ITM préalable afin de s’assurer de l’absence de multifocalité et de préciser la taille de la lésion. Dans ces conditions, l’efficacité de la chimiothérapie première est réelle avec une diminution significative de sa taille dans plus de 70 % des cas. Par contre, cette chimiothérapie n’influence en rien la survie.
– Les tumeurs centrales
Jusqu’à récemment, ces tumeurs centrales étaient une contre-indication classique à la chirurgie conservatrice.
Il faut distinguer 2 situations en fonction de la profondeur de la tumeur. Si elle est à plus de 2 cm de la PAM (plaque aréolo-mamelonnaire), un traitement chirurgical classique conservateur est possible. Si elle est à moins de 2 cm, l’exérèse de la PAM s’impose en monobloc avec la tumeur, associé au geste d’exérèse ganglionnaire. Il faudra y associer un remodelage glandulaire et la reconstruction de la PAM sera faite après les traitements adjuvants classiques (chimio et ou radiothérapie).
– Tumeurs des quadrants inférieurs
Les tumeurs des quadrants inférieurs posent des problèmes particuliers qui pour certains imposent de proposer une mammectomie. En effet, leur ablation entraîne des déformations esthétiques majeures dites en « bec d’aigle ».
Dans ces tumeurs, il est impératif de proposer au geste d’exérèse un geste de plastie mammaire afin d’éviter ce type de déformation.
Ces gestes nécessitent une double compétence, pour avoir une exérèse satisfaisante sur le plan carcinologique mais aussi des gestes de chirurgie esthétique pour recréer un sein convenable.
– Tumeurs multifocales
La présence de plusieurs tumeurs dans le même sein est une contre-indication classique à la conservation mammaire. Il faut différencier 2 notions importantes,
la multifocalité et la multicentricité : la multifocalité correspond à des tumeurs situées dans le même quadrant, la multicentricité à des tumeurs situées dans des
quadrants différents.
Il est impératif de disposer d’une IRM mammaire avant toute décision. En cas de bifocalité dans des quadrants différents, la mammectomie reste la règle. Par contre, il est possible de proposer un traitement conservateur avec une quadrantectomie monobloc emportant les 2 tumeurs, associé au geste ganglionnaire.
– Récidive locale
En cas de récidive locale, la mammectomie reste la règle (et peut être associée à une reconstruction mammaire immédiate) mais la conservation mammaire est possible si la récidive est tardive, dans un quadrant différent et sur un sein peu abimé par la chirurgie et la radiothérapie antérieures.
Le traitement conservateur : pourquoi peut-on conserver le sein ?
Nous allons détailler les différentes raisons qui font que le traitement conservateur est possible :
– Pas de modification de la survie
– Taux de récidive acceptable (rattrapable par la mammectomie)
– Résultat esthétique satisfaisant
– Associé à la radiothérapie.
Il faut garder à l’esprit les facteurs de risque de récidive locale :
– Age < 40 ans
– Qualité des berges d’exérèse +++
– Carcinome intra canalaire associé
– Multifocalité et multicentricité
– Type histologique
– Présence d’embols
– Absence de radiothérapie +++
– Taille tumorale
– Absence de récepteurs hormonaux.
Marges d’exérèse
L’atteinte des berges est un facteur important de récidive et justifie une ré-excision.
C’est paradoxalement dans les petites tumeurs que se pose le problème car elles ne sont pas palpables.
Les décisions de reprise chirurgicale doivent être prises en RCP.
L’important c’est l’exérèse carcinologique, MAIS :
– Il faut privilégier les incisions esthétiques
– Respecter le galbe du sein
– Respecter le décolleté de la patiente
– La lésion devra être enlevée en une fois
– Le prélèvement doit être inclus en totalité
– La pièce opératoire doit être orientée et repérée
– Il faut fixer dès que possible et noter l’heure précise de fixation du prélèvement.
Oncoplastie, quel geste ganglionnaire associer ?
La deuxième partie de cet article consacré aux progrès dans la chirurgie du cancer du sein sera abordée dans le numéro 191 septembre/octobre 2016.
Eric SEBBAN – Chirurgien gynécologue et oncologue. Institut du Sein Henri Hartmann, Neuilly sur Seine
Site web du Dr Sebban : https://www.docteur-eric-sebban.fr
L’auteur déclare n’avoir aucun lien d’intérêt pour cet article.
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