Les savants ont tort, les ignorants ont raison
Nous vivons de plus en plus dans une société adepte de la théorie du complot et de l’incrédulité. Vivent les lanceurs d’alerte, oui mais avec le revers de la médaille : n’importe qui peut nous alerter aujourd’hui sur n’importe quoi !
Et nos média, tels des félins tapis dans l’ombre, sont à l’affût : le complot fait vendre. Sacrés média qui se camouflent à souhait derrière la sacrosainte liberté de la presse et qui prêtent leur colonnes, leur stations et leurs antennes aux pires délires.
Tous les scénarios font recette, ainsi par exemple :
- Les antennes de téléphonie mobiles nous tuent à petit feu car les opérateurs se sont liés entre eux pour gagner de plus en plus de sous aux dépens de notre santé. Il existe d’ailleurs une véritable explosion des tumeurs cérébrales, mais chut !
- Les édulcorants de synthèse augmentent les accouchements prématurés mais les industriels producteurs nous en cachent farouchement les preuves craignant pour leurs dividendes.
- Les vaccins contre l’hépatite B et les HPV sont dangereux, provoquent la SEP mais l’OMS, la FDA, L’EMA, le Nice… se taisent, camouflent les preuves, truquent les études. Nous sommes là en pleine conspiration du silence…. Nierais-je pour autant l’absence de scandales sanitaires ? Oh que non et je n’oublie pas le DES, pas plus que l’amiante ou les DIU Dalkon Shield etc. pour ne citer que ceux-là.
La difficulté est de faire la différence entre les vraies et les fausses alertes. Le bon peuple, lui, a droit aux deux sans distinction. Il est assez difficile d’analyser les mécanismes de cette évolution.
Aujourd’hui le citoyen ignorant exige son droit à la parole sur tout et n’importe quoi et n’hésite plus- histoire de s’affirmer- à « avoir sa petite idée » radicalement différente de ceux savent vraiment. Les autres ignorants sont d’ailleurs prêts par solidarité à le soutenir avec force et enthousiasme. Les « Talkshows » TV et radios regorgent de ces ignorants ayant une connaissance encyclopédique. Lesquels, sans pudeur aucune, émettent avec aplomb des âneries confondantes. Qu’il soit question d’économie, d’architecture, de santé, de physique… ils savent tout sur tout, ont une opinion tranchée et une conviction inébranlable.
En général, entourés d’une claque abêtie et servile ne manquant pas d’applaudir ou au contraire de huer le plateau, selon les ordres impératifs de la régie qui veille à la « qualité » de son show. Tout ceci sous la houlette de l’inévitable « Animateur » érigé au rang de Star nationale. Star qui a toujours raison in fine, qui distribue tel un juge de paix les bons et mauvais points au gré de son émission. Le citoyen est dès lors érigé au rang des savants et ose croiser le fer avec eux. Complaisance médiatique coupable pour ces ignorants qui défendent avec conviction leurs sottises.
Mais qu’avons-nous donc fait pour que nos preuves scientifiques ne convainquent plus personne ? Pour qu’elles ne fassent plus le poids devant une contradiction ayant d’autant plus d’impact qu’elle est émise par un ignorant ?
Pour que la rumeur l’emporte sur les faits établis ? Pour que la forme l’emporte sur le fond ? Nous sommes désormais entrés un cycle de dénigrements systématiques, paralysants, contre-productifs pour la science et la société. Je garde cependant espoir : l’histoire des sociétés est remplie d’exemples de
sursauts et de rebonds. Un jour viendra sans doute où les savants sauront reprendre leur place et les ignorants la leur ?
Article paru dans le Genesis N°189 (avril/mai 2016)
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