QUAND, POURQUOI, COMMENT ET A QUI LA PRESCRIRIEZ-VOUS ?
Aussi efficace que les pilules combinées si leur utilisation est correcte, les pilules progestatives réduisent les saignements et peuvent être prescrites lorsque les œstrogènes sont contre-indiqués.
Dès le début des années 1980, des pilules contraceptives «microdosées» dépourvues d’œstrogènes et contenant uniquement une faible dose d’un dérivé progestatif ont été commercialisées en France sous le nom de pilules «microprogestatives» : Exluton® (lynestrénol), Milligynon® (norethistérone), et Microval® (lévonorgestrel). Elles ont été largement utilisées dans la période du post-partum en raison de l’absence de risque thromboembolique et de leur innocuité en cas d’allaitement maternel. Leur utilisation au long cours fut néanmoins limitée par une efficacité inférieure à celle des pilules combinées œstro-progestatives en raison de la nécessité d’une prise quotidienne strictement à la même heure et d’un moins bon contrôle du cycle. Exluton® puis Milligynon® ont finalement été retirées du marché en 2006 et 2009.
Une pilule aussi efficace que les pilules combinées
En 1999 une nouvelle spécialité à base d’un progestatif plus puissant et moins androgénique a été mise sur le marché (Cerazette®). Cette pilule contenant 75μg de désogestrel a montré une efficacité supérieure à celle des pilules microprogestatives précédentes (indice de Pearl respectivement 0.4 et 1 – HAS 2015) et comparable à celle des pilules œstro- progestatives. En effet, son action contraceptive provient non seulement de l’effet progestatif sur l’endomètre, la motilité tubaire et le mucus cervical mais également d’un effet anti-gonadotrope qui entraine une inhibition durable et réversible de l’ovulation en cas de prise en continu. Son mode d’action, non seulement périphérique mais également central, autorise une régularité de prise moins stricte. De fait, les recommandations en cas d’oubli sont identiques aux pilules œstro-progestatives (oubli de moins de 12h) ce qui rend l’observance des prises plus confortable : « 1 comprimé tous les jours à peu près à la même heure, sans interruption et sans tenir compte de possibles saignements ». D’après l’OMS 2011, en cas d’utilisation correcte et régulière, le taux de grossesses observées au cours de la première année d’utilisation est identique aux pilules combinées œstro-progestatives. Il est toutefois utile de souligner que l’efficacité de la méthode repose dans la vie réelle (au contraire des résultats théoriques) sur une bonne observance et sur la persistance de l’utilisation de la méthode pendant toute la période pendant laquelle la survenue d’une grossesse n’est pas désirée. Ceci nécessite une adhésion parfaite de la patiente à la méthode qu’elle a choisie.
Modification possible du profil des saignements
La prise continue de la pilule micro-progestative provoque une atrophie de l’endomètre plus ou moins marquée à l’origine d’une modification possible du profil habituel des saignements. Ceux-ci peuvent être un facteur limitant à leur utilisation. En effet avec cette méthode les saignements peuvent devenir rares, peu abondants voire absents chez 50% des femmes. Par ailleurs la survenue de saignements irréguliers ou prolongés (environ 1 femme sur 5), même si elle diminue au cours du temps, représente la première cause d’interruption de la méthode. Il est nécessaire d’en informer la patiente avant de débuter le traitement et éventuellement d’utiliser un calendrier des saignements, ce qui améliore la persistance. Les autres effets indésirables les plus fréquemment rapportés (fréquence > 2,5%) lors des essais cliniques avec le désogestrel sont les suivants : acné, modification de l’humeur, mastodynies, nausées et prise de poids.
Bénéfices non contraceptifs en cas d’utilisation des pilules microprogestatives
La réduction des dysménorrhées et des pertes sanguines représente un bénéfice hormonal non contraceptif significatif pour les femmes en aménorrhée avec ce type de contraception. De plus en plus de patientes acceptent, après une information adaptée, de ne plus avoir de règles artificielles lorsqu’elles utilisent une contraception hormonale continue à condition que cela n’entraine pas d’effet délétère sur leur santé. De plus, un impact positif chez les patientes migraineuses a été récemment mis en évidence en cas d’utilisation de pilule microprogestative en continu. Autre intérêt et non des moindres avec la micropilule : le schéma de prise en continu permet de diminuer le risque d’oubli de reprise de la pilule contraceptive après la semaine d’arrêt, souvent constaté avec le schéma 21J/7J des pilules classiques œstro-progestatives, et ainsi potentiellement diminuer le risque de survenue d’une grossesse non désirée. Tout cela constitue, pour les patientes qui ont choisi cette méthode contraceptive, un gain très appréciable en termes de sécurité et de confort d’utilisation.
Quelles sont les contre-indications et limites d’emploi ?
Les contre-indications sont rares et limitées aux épisodes thromboemboliques évolutifs, aux cas de maladies hépatiques sévères, de saignements anormaux inexpliqués ou de tumeur hormono-dépendantes. La pilule microprogestative peut être utilisée en cas d’antécédent de thrombose veineuse ou artérielle. Par précaution, le traitement microprogestatif doit être interrompu en cas d’hypertension artérielle apparaissant ou non contrôlée sous traitement. L’association est également déconseillée avec le millepertuis et les médicaments inducteurs enzymatiques qui peuvent diminuer l’efficacité de la méthode hormonale et qui doivent être recherchés avant toute prescription ; en cas de traitement temporaire avec ces médicaments, il est préférable d’utiliser une autre méthode contraceptive, en particulier mécanique, pendant la durée de l’association. La patiente doit également être informée d’une diminution d’efficacité en cas d’oubli de comprimés, de vomissements, ou de diarrhées sévères.
« La pilule microprogestative, puisqu’elle ne contient pas d’œstrogènes, peut être utilisée chez presque toutes les femmes »
Pour quelles femmes ?
Contrairement à la pilule combinée, la pilule micro-progestative, puisqu’elle ne contient pas d’œstrogènes, peut être utilisée chez presque toutes les femmes, notamment celles qui présentent une contre-indication ou une intolérance aux œstrogènes et qui recherchent une méthode contraceptive rapidement réversible :
– Dans la période du post-partum, y compris immédiatement après l’accouchement, d’après les récentes recommandations du CNGOF 2015 (en l’absence de thrombose veineuse évolutive). L’allaitement maternel ne contre-indique pas la contraception microprogestative.
– En cas de risque cardio-vasculaire relatif ou absolu contre-indiquant les œstrogènes.
– Pour toutes les femmes qui ne supportent pas ou ne souhaitent pas utiliser des œstrogènes.
– Pour toutes les femmes qui acceptent ou recherchent un profil de saignements potentiellement «sans règles».
La pilule micro-progestative : une contraception bien acceptée par les patientes
En France, la pilule micro-progestative est aujourd’hui utilisée par 9% des femmes qui suivent un traitement contraceptif (données juillet 2015) et cette proportion augmente alors que l’on observe un recul pour les pilules oestro-progestative depuis 2012. Initialement réservé à Microval®, le remboursement a été étendu à l’ensemble de la gamme en 2014, suite à la crise médiatique des pilules œstro-progestatives de 3e et 4e générations, au motif que les pilules microprogestatives, en raison de l’absence d’œstrogènes, n’entrainent pas de sur-risque de thrombose veineuse (prix de vente environ 3 euros la plaquette).
Nicolas Castaing – Gynécologue-Obstétricien, Centre hospitalier les 4 villes, Saint-Cloud
L’auteur déclare le lien d’intérêt suivant : expert consultant auprès du laboratoire MSD.
RÉFÉRENCES
• RPC post-partum CNGOF 2015
Les associations médicamenteuses déconseillées
Inducteurs enzymatiques (carbamazépine, efavirenz, fosphénytoïne, névirapine, oxcarbazépine, phénobarbital, phénytoïne, primidone, rifabutine, rifampicine), Nelfinavir, Ritonavir, Bosentan, Griséofulvine.
Conseils en cas d’oubli d’un comprimé
La protection contraceptive peut être réduite si plus de 36 heures s’écoulent entre 2 comprimés.
Si l’oubli est constaté dans les 12 heures suivant l’heure habituelle de prise d’un comprimé, la femme devra prendre immédiatement le comprimé oublié et prendre le comprimé suivant à l’heure habituelle.
Si l’oubli est constaté plus de 12 heures après l’heure habituelle de prise d’un comprimé, la femme devra prendre immédiatement le comprimé oublié et prendre le prochain comprimé à l’heure habituelle, même si cela conduit à la prise de deux comprimés en même temps. De plus, la femme devra utiliser une méthode de contraception mécanique supplémentaire (par exemple, un préservatif) pendant les 7 jours suivants.
Si cet oubli a eu lieu pendant la toute première semaine d’utilisation et que des rapports sexuels ont eu lieu au cours des 7 jours précédant cet oubli, il existe un risque de grossesse.
Source : rcp Cerazette
Article paru dans le Genesis N°188 (février/mars 2016)
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