Le THM corrige la perte osseuse liée à la ménopause et a fait la preuve de son efficacité en prévention des fractures. Du fait du risque de cancer du sein, le THM est surtout réservé aux ménopauses récentes associées à des facteurs de risque de fractures et en présence de troubles climatériques.
L’objectif osseux du traitement hormonal de la ménopause (THM) est de prévenir les fractures en maintenant une masse osseuse (MO) dans des seuils de normalité en évitant la perte osseuse : l’objectif est de ne pas altérer l’architecture osseuse par des perforations des travées irréversibles et éviter de se rapprocher d’un seuil de masse osseuse ostéoporotique défini par un T-score inférieur à -2.5.
Quand commence réellement la perte osseuse ?
Les données épidémiologiques sur la perte osseuse post-ménopausique évaluée par ostéodensitométrie montrent que la perte est surtout importante dans les 3 à 5 ans qui suivent la ménopause et que le THM corrige cette perte osseuse avec un bénéfice osseux qui est plus important au rachis qu’au fémur (1). On constate à l’arrêt du THM une perte osseuse analogue à celle que l’on aurait observée au moment de la ménopause. Il existe également une perte osseuse en péri-ménopause, au moment où il n’y a pas encore un arrêt complet des règles ce qui rend plus difficile l’utilisation du THM à cette période. La brutalité de la ménopause provoquée, en particulier l’ovariectomie, est responsable d’une perte osseuse plus importante que la ménopause naturelle : perte annuelle est de 3,2% immédiatement après l’ovariectomie. La perte annuelle après une ménopause naturelle varie en fonction de l’ancienneté de la ménopause : dans les deux ans qui suivent la ménopause naturelle, elle est en moyenne de 1,7%, à 5 ans de 1,3%, et à plus de 10 ans de la ménopause de 0,7% au rachis. Il y a des variations individuelles de la perte osseuse en particulier lorsque l’indice de masse corporelle est plus bas. On constate des pertes osseuses plus importantes pour un BMI (Body Mass Index) entre 16 et 23 avec une perte annuelle de 2,5% en post-ménopause immédiate, alors que si le BMI est entre 23 et 27, la perte est moindre de l’ordre de 2%.
Le THM est-il efficace?
Les gains de MO sous THM sont dose-dépendantes : le modèle de l’ovariectomie montre une perte de 3,2% dans le groupe placebo alors qu’avec les oestrogènes transdermiques donnés à la dose de 0,25, la perte est de 1,5% et à la dose de 0,50, il n’y a plus de perte et même un gain modéré de 0,4%. La réponse aux œstrogènes est influencée par d’autres éléments de l’environnement en particulier le tabagisme qui diminue la réponse aux oestrogènes.
Les enseignements de la WHI
Outre l’évolution sur la MO évaluée par ostéodensitométrie, le THM a fait la preuve de son efficacité en prévention des fractures. C’est l’étude WHI (2) qui nous l’a montré de la manière la plus exemplaire. Il existe une réduction du risque de toute fracture confondue à tous les âges y compris entre 50 et 59 ans. La réduction est significative de 33% à la hanche, de 35% aux vertèbres et de 29% aux poignets. L’étude WHI a été réalisée chez 16 608 femmes suivies 5,2 ans. Au-delà de 5 ans, l’épargne fracturaire n’est pas connue et l’on discutera donc la poursuite du THM au cas par cas. On retrouve cependant dans le bras de l’étude WHI avec oestrogène seul sans progestatif une efficacité qui perdure au-delà de 5 ans : le risque relatif continue d’être diminué après 7 ans. On sait que le bénéfice disparaît dès l’arrêt des œstrogènes qui ont donc un effet suspensif.
De l’utilité des marqueurs osseux
Le risque relatif de fracture double après deux ans d’arrêt du THM. Ce sont les marqueurs du remodelage osseux, en particulier les marqueurs de résorption qui permettent de visualiser l’arrêt de l’efficacité sur la résorption osseuse du THM. Dès 6 semaines après l’arrêt du THM, on constate la réaugmentation des marqueurs de résorption qui s’étaient normalisés sous le THM. L’étude WHI était une étude menée chez des femmes non ostéoporotiques, sans fracture et peu d’études nous montrent une efficacité en cas de fracture prévalente, en particulier de fractures vertébrales.
Nouvelles notions de fractures « mineures » et « majeures »
On réservera donc le THM à des ménopauses récentes associées à des facteurs de risque tels qu’une MO basse associée à des fractures mineures. Dès qu’il y a des fractures majeures, tout particulièrement une fracture vertébrale, on proposera les autres traitements à visée osseuse. Le THM trouve cependant une place en cas d’intolérance ou d’échec de ces traitements (Figure 1). La notion de fracture sévère (3) est venue du risque de mortalité de certaines fractures : extrémité supérieure du fémur, extrémité supérieure de l’humérus, fémur distal, tibia proximal, 3 côtes simultanées et bassin. Toutes les autres fractures, telle la fracture du poignet, sont considérées comme mineures.
Figure 1
En présence d’une fracture mineure ou d’un facteur de risque d’ostéoporose ou de chutes à répétition, on s’aidera du résultat de la MO tout particulièrement au fémur. En cas de MO inférieure à -3 Tscore, on sera très favorable à un traitement. En cas de T-scores modérément abaissés, on pourra utiliser le calcul du score de FRAX qui permettra de prendre une décision par rapport au risque absolu de fracture majeure dans les 10 ans. Il a été obtenu par de nombreuses études épidémiologiques mondiales et est appelé score de FRAX OMS. On sera favorable à un traitement si le score de FRAX est supérieur à celui de femmes de même âge se présentant pour une première fracture majeure.
Quand aux recommandations des Autorités…
Du fait des risques du cancer du sein, les recommandations françaises de prise en charge de l’ostéoporose (4) s’entourent de précautions et ajoutent à la notion de traitement décidé devant des facteurs de risque de fracture importants, l’existence de troubles climatériques (Figure 1). Chez la femme en début de ménopause, les troubles climatériques concernent 75% des femmes et la durée des bouffées de chaleur est de plus de 5 ans chez 50 % d’entre elles et plus de 10 ans chez 1/3 d’entre elles. On voit donc que la possibilité d’une prévention de la perte osseuse par le THM est fréquente et souvent durable. On utilisera dans l’optique de l’efficacité sur les bouffées de chaleur des doses minimales efficaces. Il est montré que les doses faibles de THM sont efficaces avec cependant un nombre de non répondeurs plus important surtout en post-ménopause immédiate pour des doses faibles que pour des doses optimales. Il n’empêche qu’un essai randomisé chez des femmes relativement âgées montre une efficacité sur la densitométrie de dose faible de 17 ß oestradiol (5).
Il est également observé qu’une meilleure observance est associée à des gains de MO plus importants et on sait que l’observance est meilleure en présence de troubles climatériques. De toute manière si l’observance est douteuse, on peut s’aider du dosage des marqueurs de résorption qui sont abaissés par le THM chez 80 à 90% des patientes. C’est vrai quel que que soit le mode d’administration percutané ou oral et vrai également pour des doses faibles. En effet, bien que la variabilité des marqueurs du remodelage soit importante, sous THM on attend une diminution de 60% des marqueurs de la résorption ce qui permet à l’échelon individuel leur parfaite utilisation. Après 6 mois de THM, les recommandations de la prise en charge de l’ostéoporose (4) sont en faveur de l’utilisation des marqueurs de résorption pour juger de l’efficacité du THM. Lors d’utilisation de faibles doses de THM, si les marqueurs du remodelage sont augmentés ce qui laisse un doute sur l’efficacité osseuse, on pourra faire un contrôle de densitométrie après 2 à 3 ans de THM.
Enfin, la durée du THM est liée à la disparition ou non des troubles climatériques. Si après arrêt des troubles climatériques, malgré l’arrêt du THM, on se pose la question d’un autre traitement, il faudra réévaluer le risque avant d’envisager un traitement à visée osseuse.
Catherine Cormier – Service de Rhumatologie à l’Hôpital Cochin, Paris
RÉFÉRENCES
1. [No authors listed]Effects of hormone therapy on bone mineral density: results from the postmenopausal estrogen/progestin interventions (PEPI) trial. The Writing Group for the PEPI. JAMA. 1996 ;276:1389-96
2. Rossouw JE, Anderson GL, Prentice RL, LaCroix AZ, Kooperberg C, Stefanick ML,et al Risks and benefits of estrogen plus progestin in healthy postmenopausal women: principal results From the Women’s Health Initiative randomized controlled trial. JAMA. 2002 Jul 17; 288):321-33
3. Bliuc D1, Nguyen ND, Milch VE, Nguyen TV, Eisman JA, Center JR Mortality risk associated with low-trauma osteoporotic fracture and subsequent fracture in men and women.JAMA. 2009;301:513-21
4. Briot K, Cortet B, Thomas T, Audran M, Blain H, Breuil V, et al. 2012 update of French guidelines for the pharmacological treatment of postmenopausal osteoporosis. Joint Bone Spine. 2012;79:304-13
5. Prestwood KM1, Kenny AM, Kleppinger A, Kulldorff M. Ultralowdose micronized 17betaestradiol and bone density and bone metabolism in older women: a randomized controlled trial. JAMA. 2003 ;290:1042-8
Article paru dans le Genesis N°185 (juin/juillet 2015)
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