Le vaccin HPV quadrivalent a été mis en cause à la suite d’une plainte d’une jeune patiente qui a développé une sclérose en plaques après avoir été vaccinée. Alors qu’une littérature scientifique abondante, robuste et validée, indique que la vaccination HPV est sûre et efficace, le déferlement médiatique qui a suivi, alors que grandit la défiance face aux médicaments et aux vaccins en général, n’a pas manqué de soulever interrogations, inquiétudes et doutes.
Nous avons connu en 2011 une situation semblable qui s’est rapidement dissipée par la mobilisation des professionnels et l’intervention des autorités de santé dont l’argumentation médico-scientifique sur le bénéfice/risque a plaidé en faveur de la vaccination.
Malgré un dépistage, largement répandu, le cancer du col utérin demeure un problème majeur de santé publique en France et dans le monde. Ces cancers sont induits par des papillomavirus oncogènes dont les types 16 et 18 causent trois quart de ces tumeurs. Avec plus de trois mille cas et environ mille décès par an la maladie ne faiblit pas depuis une dizaine d’année.
Le cancer du col est le premier cancer de la femme avant 40 ans
Cancer de la femme jeune, le premier pic d’incidence se situe vers la quarantaine, il est en septième position des cancers de la femme dans notre pays, en première position des cancers de la femme avant quarante ans et en quatrième position en nombre d’années de vie perdues du fait du jeune âge des personnes concernées. Les précancers causés par ces mêmes papillomavirus sont dix fois plus fréquents, on estime à environ trente mille cas par an le nombre de pathologies précancéreuses du col utérin, détectées à la suite du dépistage. Le coût total annuel de la prise en charge des cancers associés aux HPV en France est estimé à deux cent quarante millions d’euros. Par ailleurs, l’implication des papillomavirus, en particulier le type 16, dans l’histoire naturelle des cancers anaux et de l’oropharynx, notamment chez l’homme, est bien établie.
Une abondante littérature scientifique portant sur l’efficacité et le profil de sécurité de la vaccination HPV, et tout particulièrement du vaccin quadrivalent, est disponible dans les revues scientifiques internationales les plus prestigieuses avec comité de lecture. Dans les essais cliniques randomisés, en double aveugle contre placébo, portant sur plus de quarante mille patientes, sur un vaste échantillon de jeunes femmes de quinze à vingt cinq ans, l’efficacité est proche de 100% vis-à-vis des lésions précancéreuses associées aux types viraux du vaccin et d’environ 60% pour l’ensemble des lésions précancéreuses lorsque l’on cible les jeunes qui n’ont pas rencontré les virus des vaccins. Dans les mêmes essais cliniques, une surveillance rigoureuse des évènements indésirables, observés après la vaccination, a permis de les analyser analysée méthodiquement. En dehors des effets classiques (rougeur au point d’injection, fébricule), on n’observe pas dans la population vaccinée d’évènements indésirables graves qui soient plus fréquents que ceux rapportés dans la population générale. Du fait d’une prévalence très faible de ces pathologies, l’analyse des évènements graves ne peut être correctement mesurée au cours des essais cliniques.
C’est donc dans la vraie vie, où des millions de doses sont distribuées, et par le recueil des données de la pharmacovigilance, que l’analyse des évènements indésirables, prend toute son importance. Depuis le lancement du vaccin quadrivalent, il y a dix ans, on estime à cent vingt cinq millions le nombre de doses distribuées dans le monde. Cinq millions de doses ont été distribuées en France depuis la mise sur le marché du produit il y a sept ans et deux millions et demi de jeunes filles ont été vaccinées.
Les dispositifs de pharmacovigilance ne révèlent pas de signal spécifique concernant les maladies auto-immunes ou neurologiques dans la population vaccinée. Le faible nombre de maladies auto-immunes rapporté chez les jeunes filles vaccinées n’est pas différent de celui attendu dans cette classe d’âge. Ceci est parfaitement bien répertorié dans les pays qui ont mis en place un vaste programme de vaccination HPV avec une couverture dépassant les 80% de la population jeune. C’est le cas du Royaume-Uni, de l’Australie, du Portugal et du Canada. Il faut rappeler qu’après l’administration de vaccin contenant un simple placebo des manifestations de même nature sont observées.
Conformément aux déclarations des agences de surveillance mondiales (EMA – CDC – OMS) et à la dernière publication de l’Afssaps en juillet 2011 du plan de gestion de risque n°3, des évènements de nature neurologique ou manifestations auto-immunes ont été répertoriés.
La vaccination HPV n’induit pas de surrisque de développer une SEP
Le taux respectif de ces pathologies très rares, estimé à 0,2/100 000 doses distribuées, n’est pas plus élevé que dans la population générale de cet âge. Partout les études indiquent, comme en France, qu’il n’y a pas de sur-risque de développer une sclérose en plaques dans la population vaccinée comparée à la population générale. Il est important de comprendre qu’au fur et à mesure que la couverture vaccinale augmente, en particulier pour la population cible âgée de 10 à 20 ans, certains évènements, parfois graves, vont être constatés. Cela ne signifie pas que les symptômes ou la maladie soient causés par le vaccin. La démonstration scientifique n’a donc jamais été établie en population, que ce soit pour le déclenchement d’une pathologie auto-immune chez un sujet sain, ou même la poussée d’une maladie préexistante chez un sujet atteint. Peut-on imaginer un instant que la vaccination HPV puisse réduire la fréquence de ces maladies susceptibles d’apparaître dans la population cible vaccinée ? Les agences de santé qui poursuivent une surveillance des évènements post-vaccinaux continuent d’affirmer l’absence de lien de causalité entre ces évènements et la vaccination et de soutenir que le bénéfice/risque en population est favorable à la vaccination.
L’émergence de rares cas sérieux ou graves concomitants est étroitement liée à l’augmentation de la couverture vaccinale souhaitée pour observer un effet sur la santé publique.
Ce type de polémique n’est pas un sujet dans beaucoup de pays où les programmes vaccinaux sont introduits sous forme de programmes scolaires avec une couverture vaccinale dépassant les 80%. On ne peut ainsi que déplorer les alarmes médiatiques sur les risques du vaccin HPV. Pour être efficace, un vaccin doit induire une réponse immunitaire protectrice contre l’agent infectieux. Cette induction nécessite l’introduction conjointe de substances appelées adjuvants, elles interviennent en stimulant l’immunité.
Le risque de l’induction d’une maladie auto-immune par les adjuvants, comme la sclérose en plaques ou les maladies démyélinisantes, n’a jamais été prouvé.
Les autorités de santé devraient rassurer les femmes
Comme pour l’hépatite B, la France fait les frais d’une campagne de dénigrement infondée, de nature à créer une inquiétude et une suspicion autour des vaccins, qui ne manquera pas de porter une atteinte grave à la protection sanitaire. Nous appelons les médias à plus de responsabilité dans le traitement d’informations sensibles, et à engager des investigations sérieuses et complètes, en gardant à l’esprit que la perte de confiance et la démobilisation du public ne manqueront pas d’impacter la santé publique dans notre pays et cela sans ignorer le bénéfice des stratégies préventives. A un moment où les femmes attendent d’être rassurées et bien informées, où sont passées nos autorités de santé ?
Dr J. Monsonego – Institut du Col, Paris
J. Monsonego a coordonné, pour la France, les essais cliniques des vaccins HPV quadrivalent et bivalent
RÉFÉRENCES
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10. Afssaps : bilan du plan de gestion des risques européen et national pour Gardasil®
http://www.afssaps.fr
11. Afssaps – Commission de pharmacovigilance -Compte rendu de la réunion du mardi 22 novembre 2011
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– L. Grimaldi-Bensouda et al Autoimmune disorders and quadrivalent human papillomavirus vaccination of young female subjects, J Intern Med 2013,1-9
– K. K. Macartney et al Safety of Human Papillomavirus Vaccines : A Review Drug Saf (2013) 36:393–412
Article paru dans le Genesis N°177 (février/mars 2014)
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